Tribune libre: «Chemin de Georgeville, je te hais»

L’été se pointe enfin le nez. La nature s’est réveillée et montre ses plus beaux côtés.
Les festivités et la chaleur sont aussi enfin arrivées; des fins de semaine de 3 jours que demander de plus. Vite, il faut profiter.
Sur les routes aux alentours de Magog en ce moment, on trouve un peu de tout le monde.

Certains sont des nouveaux résidents fébriles, de découvrir les joies et la beauté de la région, ils ne sont pas venus assez souvent pour bien connaître les chemins à emprunter. D’autres sont des visiteurs, des amis de résidents, ils savent qu’ils vont passer une très belle fin de semaine.  Ils ne connaissent pas la route, ils sont hésitants. D’autres doivent travailler sur leur terre, pas le temps de niaiser, l’été passe trop vite. Enfin, d’autres ont hâte d’aller à leur chalet, faire un BBQ, sauter dans le lac, mettre leur bateau à l’eau.

Alors, sur la route, on va vite. On dépasse les plus lents même si c’est pour rouler à plus de 100. On n’a pas 2 minutes à perdre pour s’amuser. Vite, j’ai hâte d’arriver.
Les petits chemins de Magog et les alentours sont des petits paradis pour les routiers. Peu importe le jour de la semaine, ils permettent de gagner 20, 30, 45 minutes dépendant de leur itinéraire. Il y a absence de stop, de police, il n’y a pas de raisons de ne pas aller à la limite permise et pourquoi pas un peu plus? Personne pour voir qu’on frôle le 110 sur une route si étroite pourtant. Les petites cotes sont bien pratiques aussi pour dépasser les plus lents d’entre nous, une belle façon de pousser un peu la mécanique de la belle auto sport de l’année, qui s’en plaindrait?
Le chemin de Georgeville est le genre de ce chemin. Des paysages à couper le souffle, des montées, des descentes. Le rêve pour un cycliste non? Les coureurs aussi pourraient y trouver leur compte.  Mais la vérité c’est que les gens locaux trouvent la route trop dangereuse.

Cette route, pourtant tant fréquentée, n’est pas très bien entretenue. Une crevasse par-ci, un peu de poussière de gravier dans l’accotement, une branche qui a poussé trop vite. Il n’y a clairement pas assez d’espace pour 2 voitures et un vélo en même et on ne parle même pas d’un camion ou autobus scolaire qui roule trop vite.
Imaginez l’hiver quand la route est encore plus étroite. En plus, comme les gens qui fréquentent cette route le savent, il n’est pas rare de voir un chevreuil courir dans la neige ou une carcasse sur le chemin. Les automobilistes fautifs auront bien sûr toutes les excuses : je ne l’ai pas vu venir, je n’ai pas eu le temps de freiner…

Vous vous demandez sûrement pourquoi j’écris tout ça et d’ailleurs qui suis-je? Je ne suis qu’un petit résident de Magog, trentenaire, qui a décidé de s’installer à la campagne, dans ma petite maison, non loin de Magog, dans des paysages magnifiques, entouré de maisons de luxe ou chalets presque toujours inhabités. Je pensais avoir trouvé l’endroit parfait si tranquille. Jusqu’à tant que je comprenne la réalité du chemin de Georgeville… Il me semblait parfait pour me rendre au bureau en vélo par journée ensoleillée. Loin de m’imaginer les bruits infernaux des camions qui dévalent le chemin toute la journée, des gens trop pressés pour rien et qui dépassent tout le monde sans égard. Tout le monde veut aller plus vite que les autres.

 

Si beau et si dangereux

Ah le chemin de Georgeville si beau…. mais si dangereux. Mais il n’est pas important! On peut repousser un peu avant de s’en occuper. On doit focuser sur le centre-ville, le cœur de la ville. Il faut se dépêcher pour que les touristes puissent en profiter, le rendre accessible, après tout c’est là que l’argent se brasse. Pour les plus petites routes, on va attendre un peu et se croiser les doigts pour que rien de grave n’arrive.

En parlant de choses graves, j’envoie mes sympathies à la famille de la personne décédée sur le chemin Fitch Bay, ce week-end, un autre beau chemin de notre belle région. Au même moment, en fin de semaine, ma petite chienne Lilly c’est fait rentrer par un camion trop pressé. Vous n’en avez pas entendu? Ben non, c’est juste un chiot qui jouait à la balle avec des enfants et qui a eu un moment d’égarement. Le conducteur n’a pas eu le temps de freiner, il a vu à la dernière minute à l’orée d’une cote dans une zone de 80. Mais qui lui en voudra? C’était juste un chien.
De toute façon dans cette côte personne n’aurait pu l’éviter en roulant à 80 km/h. On n’aurait pas non plus évité un cycliste qui tombe dans une crevasse, un joggeur qui attache son soulier ou un automobiliste qui change sa roue.

Mais qu’attendez-vous pour faire quelques choses? Ça va prendre l’enfant d’un ministre? Une personne millionnaire? Ne restez pas les doigts croisés trop longtemps, un accident est si vite arrivé. N’attendez pas que vos doigts restent figés tout comme le cadavre de mon petit chiot innocent. Faites quelque chose pour le chemin de Georgeville. Baissez la limite de vitesse. Mais bon, je comprends que baisser les limites pourrait engendrer de la grogne des électeurs et ça ne serait pas bon pour les autorités au pouvoir.
Je t’aime Lilly, je ne t’oublierai jamais.

 

Benjamin Pétrieux

Magog