Journée internationale des droits des femmes: trois pionnières à Orford

Aujourd’hui, nous profitons des luttes que les femmes ont menées depuis plus d’un siècle. Mais le droit de voter, d’hériter, de travailler, de décider pour notre corps, tous ces droits ont été durement obtenus au fil des années et font encore l’objet de multiples débats et combats dans le monde.

La Société d’histoire du Canton d’Orford désire vous faire connaître le rôle admirable de trois femmes pionnières qui ont contribué de façon essentielle à la vie et à la prospérité de leurs familles. Quelles furent les stratégies que ces femmes, isolées dans un pays de forêts et de terres ingrates, ont développées pour survivre et pour obtenir une certaine indépendance ?

Malgré les limites imposées sur les droits civiques, politiques et économiques, trois femmes qui vivaient au Canton d’Orford nous interpellent par les stratégies variées qu’elles ont choisies pour réaliser leurs projets de vie.

Une veuve autonome

L’exemple de l’immigrante irlandaise Margaret Conlon, qui arrive au lac Bowker au nord du canton d’Orford en 1850, témoigne d’une stratégie axée sur l’autonomie sociale et économique. Devenue veuve dans la trentaine, elle et son fils aîné John achètent respectivement la moitié d’un lot. Attiré par le développement de la ville de Sherbrooke, John abandonne la vie de colonisation. Mère et fils vendent leurs lots en 1851.

Malgré ce départ, Margaret Conlon finalise l’achat en 1854 d’un lot de 50 acres au bord du lac Stukely. Elle le cultive avec son fils William alors âgé de 17 ans et son jeune fils Henry âgé de 9 ans. Selon le recensement de l’époque, Margaret Conlon se déclare agricultrice et elle le sera jusqu’à sa mort. Elle avait choisi de travailler sur sa ferme et de garder son indépendance plutôt que de vivre avec ses filles qui étaient bien établies dans la région.

Voilà une stratégie possible qui permettait une plus grande indépendance à la veuve dans la mesure où le mari décédé eût légué un héritage.

Une femme de conviction

Autre pionnière, Isabelle Rider nous donne un bel exemple d’une vie liée à l’implication politique et ceci d’une façon inusitée à l’époque. Fille d’une des premières familles établies à Cherry -River depuis les années 1840, elle se marie à Elisha Aldrich en 1860. Une année plus tard, la guerre civile éclate aux États Unis et son mari s’enrôle dans l’armée de l’Union et combat avec la compagnie B, 8th Vermont Infantry. Isabelle prend la décision de s’enrôler dans le même régiment que son mari. Malgré sa première grossesse, elle devient matrone à l’hôpital en 1862 jusqu’à son retour à Cherry -River où elle donne naissance à son fils Butler en décembre 1862. Elle a fait partie d’une très petite minorité de femmes qui ont participé à la guerre pour défendre leurs convictions.

Si aux XIXe et XXe siècles, les stratégies économiques des femmes étaient plutôt de cultiver un jardin qui leur permettait de vendre une partie des récoltes ou encore d’élever des animaux comme des poules pour vendre le surplus, certaines ont su briser ce modèle.

Une perspective plus entrepreneuriale

La stratégie adoptée par Mary Jane Rider, soeur d’Isabelle Rider, témoigne d’une perspective plus entrepreneuriale. Elle naît en 1843 et se marie à Edward J. Cox. Le couple n’a pas d’enfant, mais accueille des orphelins venus d’Angleterre via le programme britannique des « Home Children ». Mary Jane Rider hérite de sa mère, Isabella Hoyt. Avec cet héritage et le revenu du travail de son mari, le couple acquiert une terre et s’installe confortablement dans une grande maison qu’ils font construire.

À la suite du décès de son mari en 1901, elle hérite de la part de celui-ci. Devenue rentière, elle fera fructifier cet héritage ainsi que ses propres biens de plusieurs façons. D’abord par l’achat et la vente de terrains et de maisons puis par la vente de droit de coupe de bois ainsi que par des transactions financières profitables. À sa mort en 1919, elle lègue à ses enfants adoptifs tous ses avoirs. Propriétaire d’une maison au village de 1902 à 1919, cette femme exemplaire et active vécut dans la maison située au coin de la route 141 et Chemin Bice à Orford.

De la débrouillardise

On oublie souvent l’histoire des femmes qui ont contribué au développement de notre région. Elles ont été celles qui ont peuplé le territoire dans des conditions très dures. La débrouillardise est le fondement majeur de la grande force de ces pionnières qui ont su tirer profit des occasions qui leur ont été offertes pour adoucir leur fin de vie active.

Le parcours atypique de ces trois pionnières ne doit pas nous faire oublier qu’elles ont quand même subi comme l’ensemble des femmes de l’époque une certaine forme d’asservissement. Malgré le contexte difficile, ces femmes ont trouvé le courage et la détermination de revendiquer leurs droits. Ce combat fut mis en évidence pour la première fois lors de la célébration de la Journée internationale des femmes le 19 mars 1911.