Hivers ruraux d’antan dans le Memphrémagog

Pendant 150 ans, l’agriculture règne dans la région rurale du lac Memphrémagog et les gens vivent au rythme des saisons. L’hiver est difficile pour les fermiers dispersés et souvent isolés par la topographie. Pourtant, les chroniques campagnardes des journaux font voir que, pendant près d’un siècle, l’hiver est devenu la saison la plus espérée et appréciée de l’année. Les fermes sont familiales et les tâches se répartissent selon le sexe. On dispose de peu d’argent et on pratique longtemps une agriculture mixte de subsistance. À l’automne, les fermiers vendent leur récolte ainsi que les bestiaux qu’ils ne pourront nourrir pendant la saison froide. La boucherie et les conserves préparées par les femmes permettront de passer l’hiver. Dès novembre, tous attendent impatiemment les deux phénomènes qui provoqueront la joie générale : les grands froids et la neige abondante. Les «chemins de neige» tapée remplacent les chemins boueux et impraticables de l’automne. Les véhicules à roues font place aux traîneaux et carrioles d’hiver qui empruntent alors facilement et rapidement les chemins de terre, et s’engagent sur les cours d’eau gelés. De la fin novembre à avril, le lac Memphrémagog devient la grande voie annuelle de circulation des personnes et des marchandises, de Magog jusqu’à Newport, au Vermont! Régulièrement, des familles ou des groupes se rendent festoyer sur la rive opposée du lac. Une partie des activités saisonnières se font sur la ferme. Les hommes et les garçons s’occupent des animaux à l’étable, réparent outils ou véhicules endommagés; certains fabriquent même des chaussures. Quant aux mères et aux filles, elles confectionnent des vêtements, des courtepointes et des tapis, souvent avec des voisines. D’autres activités se déroulent à l’extérieur comme la chasse, la trappe et la pêche sur glace. Ainsi, à l’hiver 1877, le lac d’Argent donne 500 livres de poisson. Ou encore, une femelle orignal de 600 livres procure couvertures et mocassins, du suif pour les chandelles et une grande quantité de viande qu’on sale. Cependant, l’activité hivernale principale est la coupe de bois. La neige abondante permet de pénétrer dans la forêt avec bœufs ou chevaux pour en tirer les troncs qu’on transporte vers les scieries. Le travail s’effectue souvent en petits groupes pour des motifs d’efficacité et de sécurité. Une partie du bois récolté constitue la réserve future du chauffage. Plusieurs abattent aussi, dès novembre, des sapins de Noël pour la Province et les États-Unis. Vers 1870, l’arrivée du train fait de la coupe des sapins l’un des plus importants revenus d’appoint en argent comptant de la région. Enfin, l’hiver est aussi le grand moment de loisir individuel et collectif : patins, traîneaux, raquettes, courses de chevaux sur glace, épreuves de patinage… Dès les années 1880, les petites villes comme Magog organisent des clubs (et concours) de patinage, hockey, curling, raquettes, etc. Le printemps approchant, certains forcent la nature et se risquent encore sur les cours d’eau entraînant parfois des noyades de chevaux et d’humains. Cependant, l’attention générale se tourne bientôt vers la saison prochaine des sucres. Déjà, on se demande qui sera le premier à faire des entailles.   Par Serge Wagner

En novembre 1915, un entrefilet du Sherbrooke Daily Record que les préparatifs pour la fête du «Christmas tree» annuel vont bon train à Magog comme dans les hameaux environnants. (Photo gracieuseté)
Jeunes adultes de la région en traîne sauvage. Dans les années 1940 ou 1950. (Photo gracieuseté)
Auto enneigée et carriole d’hiver devant le magasin général de Peasley Corner. (Photo gracieuseté – Archives historiques d’Austin)
Coupe de bois avec une scie portative alimentée par la puissance de deux chevaux. (Photo gracieuseté)
Les sapins de Noël empilés près de la petite gare de South Bolton, 1927. (Photo gracieuseté)