Une Québécoise rapatriée d’un camp de prisonniers en Syrie est accusée de terrorisme

MONTRÉAL — Oumaima Chouay, cette Québécoise de 27 ans rapatriée dans la nuit de mardi à mercredi de Syrie, où elle avait rejoint l’État islamique (Daech) il y a huit ans, devra demeurer derrière les barreaux, du moins jusqu’à son enquête sur remise en liberté provisoire.

Vêtue d’un tchador noir ne laissant paraître que son visage, Mme Chouay a brièvement comparu mercredi après-midi au palais de justice de Montréal par visioconférence depuis sa cellule au quartier général de la GRC, à Westmount pour y être accusée de quatre chefs liés au terrorisme. 

Le procureur de la Couronne, Me Marc Cigana, s’est opposé à sa remise en liberté sur la base des deux premiers motifs prévus au Code criminel pour maintenir une personne accusée en détention: «Premièrement (pour) des préoccupations à l’effet que l’accusée se présente à la Cour ou non, si elle est remise en liberté. Deuxièmement, la crainte raisonnable qu’elle commette une infraction criminelle et/ou nuise à l’administration de la justice.»

Mme Chouay, originaire de Pierrefonds, a été rapatriée depuis un camp de prisonniers syrien où elle était détenue depuis près de cinq ans. 

Selon l’inspecteur David Beaudoin, responsable de l’Équipe intégrée sur la sécurité nationale (EISN) de la GRC, Mme Chouay «aurait participé à des activités terroristes au nom de l’État islamique. En novembre 2017, Madame Chouay a été faite prisonnière par les forces démocratiques syriennes. Elle est restée détenue dans le camp Roj en Syrie jusqu’à son retour vers le Canada. Son rapatriement au Québec nous permet de recommander le dépôt d’accusations en matière de terrorisme.»

Elle fait face à quatre chefs d’accusation, soit d’avoir quitté le Canada pour participer aux activités d’un groupe terroriste, de participation à des activités terroristes, d’avoir fourni des biens ou des services à des fins terroristes et de complot pour quitter le Canada afin de participer aux activités d’un groupe terroriste.

La date de son enquête sur remise en liberté provisoire sera fixée vendredi.

Son avocate, Me Audrey-Bianca Chabauty, a demandé au tribunal d’ordonner qu’elle soit vue par les services médicaux disponibles en détention.

Mme Chouay, qui avait 19 ans au moment de son départ du Canada, est arrivée à l’aéroport international Trudeau vers deux heures du matin, mercredi, en compagnie de ses deux enfants, nés outre-mer. 

«La situation des enfants a été une préoccupation constante pour les enquêteurs de la GRC. Dans le présent dossier, la GRC s’est assuré de solliciter la contribution du CIUSSS et de la famille pour s’assurer que les enfants bénéficient du meilleur encadrement possible à partir du moment de leur retour en sol canadien», a précisé l’inspecteur Beaudoin.

Oumaima Chouay faisait l’objet d’une enquête de l’Équipe intégrée sur la sécurité nationale de la GRC depuis son départ en novembre 2014.

À Ottawa, le premier ministre Justin Trudeau a rappelé que de «voyager pour aller soutenir le terrorisme est un crime au Canada et quiconque voyage pour soutenir le terrorisme devrait faire face à des accusations criminelles».

M. Trudeau s’est bien gardé de commenter le dossier de Mme Chouay, mais il a ajouté qu’il «est important que les gens sachent qu’on ne peut soutenir impunément le terrorisme dans ce pays, peu importe les circonstances».

Le premier ministre a ajouté que son gouvernement suit de près la situation en Syrie et s’est donné un cadre pour procéder dans les dossiers similaires à celui de Mme Chouay.

Une autre Canadienne, Kimberly Polman de Colombie-Britannique, a également été rapatriée dans la nuit de mardi à mercredi et faisait route vers Vancouver où elle doit comparaître également.

Rejoint par La Presse Canadienne, son avocat, Me Lawrence Greenspon, a dit croire que Mme Polman serait tenue de signer un engagement de ne pas troubler l’ordre public assorti d’une série de conditions.

L’avocat a ajouté que sa cliente avait été rapatriée en raison de son état de santé précaire. Il a décrit les conditions de détention dans le camp syrien de «brutales».