Un Québécois coupable d’outrage pour avoir gardé des affiches avec des croix gammées
MONTRÉAL — Un homme a été reconnu coupable d’outrage au tribunal pour avoir refusé de retirer des croix gammées devant sa résidence, dans la municipalité Saint-Barnabé-Sud, en Montérégie, qu’il accuse d’être «la ville la plus raciste du monde».
Un juge de la Cour supérieure du Québec a statué plus tôt ce mois-ci que Yahia Meddah n’avait pas pris au sérieux les injonctions lui ordonnant de retirer les panneaux offensants. Il risque maintenant des amendes, voire une peine d’emprisonnement.
Cette décision est le dernier développement d’une bataille qui dure depuis des années entre M. Meddah et Saint-Barnabé-Sud, une municipalité d’environ 1000 habitants située au nord-est de Montréal. Alors que M. Meddah accuse la municipalité de racisme et d’intimidation, un responsable de l’administration locale affirme que la communauté est «en désarroi» en raison du conflit en cours.
«Cela doit cesser, a affirmé Linda Normandeau, directrice générale de la municipalité, en entrevue. C’est toute une communauté qui est prise en otage dans cette affaire.»
Le 14 mars, la juge Chantal Lamarche a déclaré M. Meddah coupable de deux chefs d’outrage au tribunal. Elle a statué qu’il avait omis de retirer les croix gammées et autres pancartes autour de sa résidence comparant la municipalité au régime nazi, et de désactiver un site internet qualifiant Saint-Barnabé-Sud de «ville la plus raciste du monde», en violation d’une injonction du 15 novembre.
En refusant d’obéir à la loi, ce résident «porte atteinte à la crédibilité du système judiciaire, qui est fondamentale dans une société démocratique, une société régie par l’État de droit», a écrit la juge Lamarche.
Les croix gammées sont apparues pour la première fois en juin dernier sur la propriété de Meddah à Saint-Barnabé-Sud, une municipalité d’environ 1000 habitants, à la suite d’un différend avec la municipalité concernant une inspection de sa résidence.
Une inspection d’urgence effectuée en 2022 avait révélé la présence d’une génératrice, d’un barbecue et de réservoirs de propane à l’intérieur du bâtiment, qui n’était pas équipé de détecteurs de fumée ou de monoxyde de carbone. Mais le résident, qui vit dans la maison avec plusieurs membres de sa famille, a refusé que les autorités procèdent à une inspection complémentaire.
Le 7 juin, un juge a statué que la municipalité avait «clairement» le droit d’inspecter les lieux. Les premières pancartes, dont le symbole nazi, ont été placardées sur le balcon et les fenêtres du domicile de M. Meddah le 19 juin. L’homme a également lancé deux sites internet à cette époque, accusant la municipalité de racisme.
Mme Normandeau a affirmé que les pancartes avaient été dissimulées après qu’un juge eut accordé une injonction temporaire fin juin, prolongée jusqu’au 14 novembre. Mais le matin du 15 novembre, après l’expiration de l’injonction, deux nouvelles pancartes portant des croix gammées sont apparues.
Ce jour-là, un juge a accordé une nouvelle injonction valide jusqu’au 13 mai, mais d’autres croix gammées ont été affichées plus tard dans le mois, malgré l’ordonnance du tribunal. Un troisième site internet similaire aux deux premiers est toujours en ligne, détaillant les griefs de M. Meddah contre la municipalité, malgré l’injonction du 15 novembre de le retirer.
Dans sa décision, Mme Lamarche a écrit que l’accusé s’est moqué des ordonnances du tribunal en «tentant de jouer des tours». Elle a souligné qu’après avoir reçu l’ordre de ne pas utiliser de croix gammées, l’homme avait envoyé un courriel à la municipalité contenant une image d’Adolf Hitler faisant le salut nazi, mais sans croix gammée.
Lorsqu’une ordonnance judiciaire lui a interdit d’associer la municipalité à Hitler, il a superposé le visage du dirigeant nord-coréen Kim Jong-un sur le corps d’Hitler sur certains panneaux de la propriété.
Mme Normandeau a indiqué que cette résidence est située à une intersection achalandée, où passent environ 4000 véhicules chaque jour. Elle a ajouté qu’elle recevait régulièrement des plaintes de passants concernant ces panneaux.
«Ce sont des symboles qui représentent l’horreur, a-t-elle déclaré. Cela demeure un spectacle extrêmement choquant pour tous les citoyens.»
Elle a précisé que les frais juridiques engagés au cours des deux dernières années ont atteint 135 000 $, bien que la municipalité reçoive une aide financière de la Fédération des municipalités du Québec.
Lors de son témoignage devant le tribunal, l’un des fils de l’accusé a affirmé que sa famille avait été victime de racisme, de harcèlement, d’intimidation et de vandalisme, notamment lorsqu’une personne avait peint une croix gammée sur la voiture de son frère. Mme Normandeau a reconnu devant le tribunal avoir été informée de certains actes de vandalisme visant la famille. Elle a déclaré avoir immédiatement publié un «appel au calme» public.
Yahia Meddah n’a pas répondu à une demande de commentaires de La Presse Canadienne.
Malgré la décision du tribunal, les pancartes demeurent en place devant son domicile, pour l’instant. Une audience de détermination de la peine est prévue pour le 24 avril, date à laquelle le tribunal pourrait ordonner leur retrait.
La municipalité demande une injonction permanente contre M. Meddah, qui fait également face à des accusations de harcèlement contre Mme Normandeau dans une affaire criminelle qui sera entendue le mois prochain.