Un investissement de 65 millions $ pour réduire le nombre de suicides au Québec

MONTRÉAL — Québec va déployer une nouvelle stratégie nationale pour la prévention du suicide, deux décennies après le premier plan d’action. 

L’un des objectifs: réduire d’ici 2026 le nombre de décès par suicide d’au moins 10 %, pour faire passer la province sous la barre des 1000 décès par suicide annuellement.

Pour y parvenir, le gouvernement Legault injectera 65 millions $ pour soutenir différentes actions, a annoncé vendredi le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé. De cette somme, 5 millions $ ont déjà été octroyés en 2021-2022. 

En 2019, 1128 personnes sont décédées par suicide, révèle le document de la nouvelle stratégie intitulée «Rallumer l’espoir». 

Cela représente trois suicides par jour, a souligné M. Dubé. «C’est déjà beaucoup trop», a-t-il affirmé en conférence de presse à Montréal. 

Le taux de suicide au Québec, qui a déjà été parmi les plus élevés des pays industrialisés, a chuté grâce à une première stratégie adoptée en 1998. 

«Depuis ce temps-là, on stagne. Pour nous, il est temps de se donner de nouveaux moyens pour faire en sorte que l’on connaisse une nouvelle baisse spectaculaire», a commenté aux côtés du ministre Dubé, Jérôme Gaudreault, président-directeur général de l’Association québécoise de prévention du suicide (AQPS).

Son organisme et d’autres ont fait front commun depuis plusieurs années pour réclamer un nouvel élan à la prévention du suicide. 

Cibler les populations à risque

La mise à jour de la stratégie québécoise comporte 15 mesures. Elles s’articulent autour de quatre axes, dont la promotion de la santé mentale, la prévention des idées suicidaires et des tentatives de suicide, ainsi que la formation et le soutien des professionnels et des intervenants. 

L’initiative gouvernementale tentera de mieux cibler certaines catégories de la population plus à risque. 

«Ce ne sont pas les adolescents qui ont les plus hauts taux de suicide au Québec, ce sont les hommes adultes», a précisé la coprésidente du Collectif pour une stratégie nationale en prévention du suicide, Lorraine Deschênes.

Le taux de détresse est également plus élevé dans certains secteurs d’emploi, notamment du côté des premiers répondants et des agriculteurs, note M. Gaudreault. 

Celui-ci souhaite que les moyens soient donnés pour que ces milieux puissent développer leurs propres outils adaptés à leur réalité. 

«Un policier n’ira pas se confier à un intervenant ou un psychologue dans un CLSC parce qu’il n’a pas confiance que le psychologue comprenne sa réalité, mais il va être prêt à se confier à un pair, quelqu’un a qui a été policier et qui a passé par là», a-t-il fait valoir. 

Des mesures particulières sont également prévues pour les communautés des Premières Nations et des Inuits. 

Pas de changements avec la pandémie

Des données préliminaires collectées par l’Institut national de la santé publique du Québec (INSPQ), et publiée en janvier, ont indiqué que le nombre de décès par suicide est resté stable en 2020 par rapport à l’année précédente. 

La tendance serait toujours la même, selon M. Gaudreault, qui dit être en relation constante avec l’INSPQ et le Bureau du coroner en chef du Québec. 

«Ce qu’on sait, il n’y a pas eu de changements, d’indice d’augmentation du nombre de décès par suicide pour chaque mois de la pandémie», a-t-il mentionné. 

La crise sanitaire a toutefois accentué la demande pour des services en psychologie dans le réseau public. La stratégie nationale de la prévention du suicide est «complémentaire» à la politique du gouvernement en matière de santé mentale, dévoilée en janvier, qui vise à améliorer l’accès aux soins, a précisé M. Dubé.

«On a réussi jusqu’à maintenant, et je le dis avec beaucoup de prudence, à limiter les listes d’attente aux niveaux qu’ils étaient durant la pandémie. Ça ne veut pas dire que c’est satisfaisant, mais étant donnée l’augmentation de la demande, c’est déjà un accomplissement», a-t-il déclaré. 

Pour répondre aux besoins, son confrère ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, Lionel Carmant, se penche sur la possibilité d’avoir un meilleur recours à des professionnels du secteur privé, dans le respect du principe d’universalité, a indiqué M. Dubé. 

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Cet article a été produit avec le soutien financier des Bourses Meta et La Presse Canadienne pour les nouvelles.