Un comité d’enquête recommande de démettre de ses fonctions le juge Gérard Dugré

OTTAWA — Un comité d’enquête mandaté par le Conseil canadien de la magistrature recommande la révocation du juge de la Cour supérieure du Québec Gérard Dugré en raison de sa conduite qui minerait la confiance du public envers la justice.

Ce comité a entrepris son enquête sur le comportement du juge Dugré à la suite d’une série de plaintes déposées contre lui pour dénoncer son attitude sur le banc. Celui-ci avait été nommé à la Cour supérieure du Québec en 2009.

Dans un volumineux rapport de 285 pages, le comité conclut que «la conduite du juge Dugré dans la salle d’audience mine la confiance du public quant à sa capacité d’assurer un climat respectueux et le rend donc incapable de continuer à exercer sa fonction de juge».

En plus de son comportement répréhensible, on lui reproche également son incapacité à «rendre jugement dans un délai raisonnable». Un défaut qui «menace l’intégrité de la fonction de juge et démontre son manquement à ses obligations envers les personnes qui ont comparu devant lui», tranche le comité.

Parmi les écarts de conduite retenus contre le juge Dugré, on souligne qu’il a menacé un père de l’envoyer en cellule avec des rats affamés parce qu’il n’avait pas fourni certains documents au tribunal dans une affaire de garde d’enfant.

La recommandation du comité d’enquête sera maintenant soumise à un groupe de 17 membres du Conseil canadien de la magistrature qui devra d’abord analyser le rapport, puis délibérer et formuler à son tour une recommandation au ministre de la Justice sur l’avenir du juge Dugré.

Au cours de son enquête, le comité présidé par le juge en chef du Nouveau-Brunswick, Marc Richard, et complété par la juge en chef de la Cour suprême des Territoires du Nord-Ouest, Louise Charbonneau, et par l’avocate Audrey Boctor, du cabinet IML LLP, a entendu 60 témoins en 38 jours d’audience.

L’adjointe du juge Dugré a témoigné en sa faveur et a déclaré au comité que le juge «a un style propre» et qu’il utilisait «des anecdotes ou de l’humour pour mettre les gens à l’aise et faciliter les débats», peut-on lire dans le rapport.

D’autres témoins ont loué sa compassion et sa courtoisie. Son adjointe l’a aussi qualifié de «grand conciliateur».

Par ailleurs, le comité reconnaît que «la compétence du juge Dugré n’est aucunement remise en question». Il note que trois de ses décisions sont remontées jusqu’en Cour suprême du Canada et ont été confirmées par le plus haut tribunal du pays.

Toutefois, la rapidité de traitement des dossiers constitue un problème aux yeux du comité. On note que 60 % de ses décisions ont été rendues plus de six mois après avoir été prises en délibéré. Pis encore, après s’être fait retirer ses assignations à partir de septembre 2019, les délais ont continué de s’accumuler.

Pourtant, selon le juge Dugré, il n’y avait là rien de grave.

Parmi les commentaires formulés par le juge en salle de cour et considérés comme étant répréhensibles, il aurait suggéré à d’ex-conjoints de revenir ensemble, de donner leur enfant en adoption ou de l’envoyer dans un pensionnat. L’affaire en conciliation portait sur un conflit entourant le changement d’école de l’enfant.

Devant cet incident précis, le comité admet que «ces propos n’étaient pas à prendre au premier degré», mais il estime que «l’image est brutale» et «qu’une personne raisonnable et bien informée pourrait y voir une forme d’intimidation». 

Le comité retient donc que le juge a eu un comportement déplacé envers une mère qui était en sanglots dans sa salle de cour.

«Pour être clair, il n’y a rien d’humoristique dans les propos du juge Dugré ou dans le ton employé tout au long de l’audience. Du début à la fin, il emploie un ton déplaisant, souvent agressif», conclut le comité dans son rapport.

D’autres plaintes portaient sur des allégations de propos inappropriés et condescendants du juge au tribunal. Il aurait à d’autres occasions interrompu les avocats ou fait dérailler le déroulement des procédures en s’interposant à tout moment pour donner son opinion sur des sujets qui n’avaient rien à voir avec le dossier comme les personnes transgenres, le Canadien de Montréal ou une poursuite contre le fondateur de Juste pour rire.