Tamara Lich, une organisatrice du «convoi de la liberté», est libérée sous caution

OTTAWA — Tamara Lich, l’une des principales organisatrices du «convoi de la liberté» qui a paralysé le centre-ville d’Ottawa pendant trois semaines, a été libérée lundi contre une caution de 25 000 $ et plusieurs conditions.

Mme Lich a aussi été bannie des réseaux sociaux; elle devra quitter Ottawa dans les 24 heures et l’Ontario dans les 72 heures. Elle ne doit également avoir aucune implication dans les manifestations contre la COVID-19 ou l’obligation vaccinale.

De plus, elle ne pourra avoir aucun contact avec au moins 10 autres personnes impliquées dans le convoi, dont Pat King, Tom Marazzo, Benjamin Dichter, Daniel Bulford, Tyson George Billings, Christopher Barber, Owen Swiderski, Byron Carr, James Bauder et Kerry Komix.

Mme Lich, âgée de 49 ans, de Medicine Hat, en Alberta, avait été arrêtée et accusée, le 18 février, d’avoir «conseillé à d’autres de commettre l’infraction de méfait». Le 22 février, elle n’avait pas pu obtenir sa libération sous caution, la juge Julie Bourgeois, de la Cour de l’Ontario, estimant que sa détention était «nécessaire pour la protection et la sécurité du public». 

Mais l’avocat de Mme Lich a ensuite contesté en Cour supérieure cette décision. Lors d’une audience, la semaine dernière, il mettait en doute l’impartialité de la juge Bourgeois, qui avait été candidate libérale aux élections fédérales de 2011 et qui a déclaré que sa propre communauté avait été touchée par les manifestations à Ottawa.

Lundi, le juge John M. Johnston, de la Cour supérieure, n’a reconnu aucun fondement à cette thèse; il a rappelé qu’il ne s’agissait pas ici de questions de politique, mais de règles du droit. 

Or, il a constaté plusieurs erreurs de droit dans la décision de la juge Bourgeois. Il a estimé notamment que la juge de première instance était trop subjective quant à la gravité des infractions, en l’évaluant par rapport aux impacts sur les résidants d’Ottawa plutôt qu’en les comparant objectivement à d’autres infractions au Code criminel.

Le juge Johnston conclut aussi que le risque associé à la libération de Mme Lich, soulevé par la juge Bourgeois, pouvait être réduit par la nouvelle caution proposée par la défense.

À l’extérieur du palais de justice du centre-ville d’Ottawa, lundi après-midi, des partisans de Mme Lich ont entonné l’« Ô Canada » pour saluer la décision du tribunal.

Elle a ensuite été bombardée de câlins et de vœux de la part des partisans alors qu’elle quittait le palais de justice d’Ottawa en liberté sous caution après avoir passé 18 jours derrière les barreaux.

Environ 20 personnes portant des pancartes rouges et blanches indiquant « Free Tamara » ont applaudi, crié son nom et se sont rassemblées pour l’embrasser.

Mme Lich a quitté le palais de justice dans une camionnette blanche avec des plaques de l’Alberta et un petit autocollant « Freedom Convoy » sur le hayon.

Des appuis jusqu’à Londres 

Des foules de manifestants s’étaient installées fin janvier à Ottawa, sur la colline du Parlement, avec de gros camions et d’autres véhicules pour protester contre le gouvernement libéral fédéral, l’obligation vaccinale et les restrictions sanitaires liées à la COVID-19.

Tamara Lich a été décrite comme le «visage public» du convoi. Lors d’une conférence de presse moins d’une semaine après le début de la manifestation, l’un des avocats assistant les participants a qualifié Mme Lich d’«étincelle qui a allumé cet incendie et de leader de cette organisation».

Ses partisans soutiennent que Tamara Lich est une prisonnière politique. En fin de semaine, certains se sont rassemblés devant la prison d’Ottawa où elle est détenue pour exiger sa libération. 

La manifestation prolongée à Ottawa a déclenché des blocages similaires à d’importants postes frontaliers au pays, et les répercussions se font encore sentir dans le monde entier, jusqu’à Londres lundi. 

Alors que le premier ministre Justin Trudeau arrivait au 10 Downing Street pour rencontrer son homologue britannique, Boris Johnson, au sujet de la crise en Ukraine, il a été accueilli par un concert de jurons.

Les manifestants britanniques exigeaient la libération de Mme Lich et reprenaient les mêmes jurons visant M. Trudeau que ceux lancés à Ottawa quelques semaines plus tôt.

La police d’Ottawa veut rétablir la confiance

Par ailleurs, le chef de la police par intérim d’Ottawa, Steve Bell, a promis lundi de rétablir la confiance de la communauté dans son corps policier municipal, après la fin de cette manifestation qui a rempli les rues de la capitale fédérale de bruits de klaxons, de vapeurs de diesel et de barrages aux coins des rues.

La police d’Ottawa a été souvent critiquée pour ne pas avoir expulsé rapidement les manifestants ou fait appliquer simplement les règlements municipaux. Plusieurs reprochaient au fond à la police municipale d’avoir laissé s’installer l’anarchie dans les rues du centre-ville d’Ottawa.

Au milieu de la tourmente, le chef de la Police d’Ottawa, Peter Sloly, a démissionné, le président du comité de surveillance de la police a été démis de ses fonctions et plusieurs autres membres de cette Commission de services policiers ont claqué la porte par solidarité.

«Au fil du dernier mois, les gens d’Ottawa ont dû subir de graves perturbations, la peur et l’incertitude occasionnées par la manifestation illégale dans notre ville», écrit le chef Bell dans un communiqué, lundi. «Il est donc naturel que l’on se pose des questions quant à l’orientation de la Police d’Ottawa, et il importe que nous répondions directement à ces questions.»

M. Bell promet notamment que le service poursuivra ses enquêtes internes sur «des cas de conduite inappropriée de membres de la police en lien avec les manifestations illégales» et qu’il mettra sur pied un comité conjoint d’examen du recours à la force.

«Nous sommes, et nous resterons, une organisation axée sur le changement culturel et systémique», assure M. Bell.