RoseAnne Archibald dresse un sombre bilan des «appels à l’action» de la Commission

VICTORIA — Le chemin vers la réconciliation avec les peuples autochtones est encore bien long, déclare la cheffe nationale de l’Assemblée des Premières Nations, RoseAnne Archibald, qui estime qu’au train où vont les choses, il faudra 40 ans pour répondre aux 94 «appels à l’action» du rapport de la Commission de vérité et réconciliation, publié il y a sept ans. 

Dans une entrevue accordée à la veille de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, vendredi, Mme Archibald estime que depuis un an, on a assisté à une valse-hésitation dans ce dossier. 

Ottawa a décrété cette Journée nationale l’année dernière, après que des centaines de sites potentiels de tombes non marquées d’enfants autochtones ont été découverts par les Premières Nations à proximité d’anciens pensionnats, notamment par la nation Tk’emlúps te Secwepemc, à Kamloops, en Colombie-Britannique, et la nation Cowessess, en Saskatchewan.

La cheffe nationale Archibald était à Regina, en Saskatchewan, jeudi, en compagnie de la gouverneure générale, Mary Simon, pour une cérémonie de réconciliation au stade Mosaic, organisée notamment par le chef Cadmus Delorme, de la première nation Cowessess.

«A ce rythme-là, avec le nombre d’appels à l’action qui ont été effectivement mis en œuvre jusqu’ici, il faudra 40 ans pour terminer, a déclaré Mme Archibald. Ça illustre à quel point le processus est lent. C’est un peu décourageant (…) Le gouvernement canadien et tous les partenaires interpellés dans ces appels à l’action n’avancent pas aussi vite qu’ils le pourraient.»

Le ministre fédéral des Relations Couronne-Autochtones, Marc Miller, a rappelé jeudi «l’engagement sans relâche» de son gouvernement, en matière de réconciliation, à faire des progrès sur les 94 appels à l’action de la commission. «C’est en cours, a-t-il dit. C’est incomplet. Je ne suis pas satisfait. Je pense que personne ne l’est.»

Le ministre Miller a soutenu que bon nombre des appels à l’action impliquent des investissements à long terme, que le gouvernement est déterminé à réaliser. «Ce n’est pas une opération consistant à cocher des cases», a-t-il dit.

«Nous avons entendu certaines personnes effectuant des recherches, par exemple, dire que cela pourrait prendre jusqu’à 10 ans pour obtenir une image complète de ce qu’il y a dans et autour de ces tombes non marquées», a déclaré le ministre Miller.

Un pas en avant, deux en arrière 

Le rapport de 4000 pages publié en 2015 par la Commission nationale de vérité et réconciliation, détaillait les mauvais traitements infligés aux enfants autochtones dans les pensionnats fédéraux, y compris les abus émotionnels et les agressions physiques et sexuelles. On a aussi dénombré au moins 4100 décès d’enfants dans ces établissements administrés par des communautés religieuses.

Mme Archibald admet qu’il y a eu certaines étapes positives en matière de réconciliation au cours de la dernière année, comme la création récente d’un Conseil national de réconciliation, indépendant du gouvernement, et la levée du drapeau des survivants sur la Colline du Parlement. Mais elle souligne aussi «quelques vrais pas en arrière», notamment des affaires judiciaires concernant les droits des Autochtones à l’autodétermination, à l’autonomie gouvernementale et à la compétence sur leurs enfants.

Mme Archibald a par ailleurs souligné que la visite du pape au Canada, l’été dernier, et ses excuses aux survivants des pensionnats «avaient été très appréciées par certains survivants».

Mais «les vrais problèmes plus profonds dans le rapport de la Commission n’ont pas encore été résolus, dit-elle. Comme si les gouvernements essayaient de mettre en œuvre les plus faciles.

«En ce qui concerne les changements systémiques dont nous avons besoin au Canada, il faut que ces problèmes plus profonds soient examinés. Nous avons besoin que certains des problèmes liés à la justice et à la police, toutes ces choses soient également prises en compte.»

L’«Indigenous Watchdog», un organisme à but non lucratif enregistré au fédéral qui se consacre à la surveillance et à la rédaction de rapports sur la façon dont la réconciliation progresse, signalait en août que 12 «appels à l’action» avaient été mis en œuvre jusqu’ici. L’organisme a également signalé que 35 % des 94 appels à l’action n’avaient pas encore été amorcés ou étaient actuellement bloqués.

Ceci dit, Mme Archibald croit que la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation est l’occasion pour les Canadiens de faire une pause et de réfléchir à l’histoire et à la réalité des pensionnats, en consultant par exemple le résumé des appels à l’action de la Commission.