Repenser sa consommation en cessant d’acheter des vêtements neufs en mars

MONTRÉAL — Un Québécois consomme en moyenne 40 kg de textile neuf par année, selon le média spécialisé en environnement Unpoincinq, qui a lancé au début du mois le Détox vestimentaire. Les personnes qui ont participé à cette initiative devaient éviter d’acheter un vêtement neuf pendant tout le mois de mars.  

On porterait nos vêtements seulement de 7 à 10 fois avant d’en disposer selon la société d’information Bloomberg. L’objectif du défi était d’amener les gens à repenser leur rapport aux vêtements et à encourager un mode de consommation plus conscient et responsable.  

On encourageait aussi les participants à désencombrer leur garde-robe et à éviter de remplacer ces vêtements s’ils ne sont pas essentiels. Le média québécois a créé un groupe Facebook pour son défi Détox vestimentaire auxquels sont abonnées quelque 2800 personnes. 

Unpointcinq accompagnait les participants en partageant plusieurs statistiques sur l’industrie vestimentaire, et aussi des trucs et astuces pour réduire sa consommation. Par exemple, lorsqu’un chandail est troué ou taché, on peut le transformer en sac réutilisable ou en torchon. 

Bianka Roy, une résidente de la région de la Beauce qui a participé au défi, s’est fait une liste de choses qu’elle peut transformer. Elle confectionne par exemple des coussins pour ses chiens avec des tissus ou encore des taies d’oreiller avec des draps usés.

Mme Roy estime que le défi l’a vraiment aidé à repenser sa consommation. «Quand je suis au magasin maintenant, je ne pense pas juste à ce que le bien va me procurer, mais au déchet que ça va générer», dit-elle. 

Il est par ailleurs important de regarder l’étiquette des vêtements que l’on achète puisque tous les textiles n’ont pas le même impact sur l’environnement. Les tissus provenant de fibres synthétiques comme le polyester, le nylon et l’acrylique sont non biodégradables et produisent du microplastique. 

Lorsqu’on lave nos vêtements, ces microplastiques se retrouvent dans nos cours d’eau.

Maryline Baril, la fondatrice de la boutique Marigold, qui a pignon sur rue à Verdun, considère que le défi est une belle initiative puisqu’il amène le consommateur à repenser ses achats. «Le meilleur choix c’est d’acheter moins, mais acheter mieux», dit-elle. 

Sa boutique de prêt-à-porter propose des vêtements qui sont entièrement désignés et fabriqués à Montréal. D’ailleurs, ses articles ont tous une étiquette qui détaille le coût rattaché pour chaque étape du vêtement. 

L’étiquette des vêtements Marigold indique aussi d’où proviennent les matières premières «Avec le défi, c’est bien que les gens soient encouragés à ouvrir le vêtement et regarder à l’intérieur», estime Mme Baril. 

L’entrepreneure nuance toutefois que si les gens n’achètent plus du tout de vêtement neuf, elle ne pourra plus vivre de sa passion de la mode et devra fermer boutique. Elle prône donc les objectifs derrière le défi Détox vestimentaire, mais si le Québec en entier cesse d’acheter des vêtements neufs durant tout le mois de mars, cela n’est pas viable financièrement pour elle. 

Mme Baril n’hésite pas à encourager sa clientèle à fréquenter les magasins de seconde main. Selon elle, il faut trouver une balance entre acheter des vêtements neufs de qualité et des articles usagés. 

Elle explique qu’au fil des ans, la qualité des vêtements se détériore. «Les vêtements de nos parents par exemple (…) étaient souvent fabriqués localement, c’était des qualités impeccables, fait valoir Mme Baril. Maintenant, c’est ça le problème avec la «fast fashion», (…) quand c’est fait outre-mer l’important c’est que ça soit rapide, donc c’est sûr que la qualité est moins bonne.» 

«On a beau dire qu’on achète moins, mais si on n’achète pas de la qualité, on ne pourra même pas redonner au suivant quand on sera tanné de notre vêtement.»

Acheter pour se sentir bien 

Pour Joëlle Carle, le défi a été facile puisqu’elle s’habille en grande partie dans les friperies ou via des échanges de vêtements. 

D’ailleurs, elle constate que les échanges de vêtements sont de plus en plus populaires auprès de l’organisme à but non lucratif pour lequel elle travaille. La Brouette – Agriculture urbaine et écocitoyenneté, établie à Trois-Rivières, organisait des échanges de vêtements environ deux fois par année en 2019. 

«Je pense que maintenant on va faire des échanges aux deux mois, c’est de plus en plus populaire et il y a vraiment beaucoup de demandes. C’est impressionnant comment le mouvement s’agrandit», commente Mme Carle. 

Même si cela fait environ 10 ans que Mme Carle ne consomme presque pas de vêtements neufs — tout au plus deux fois par année — elle estime qu’elle n’est pas à l’abri d’une rechute.  

«Parfois, je ressens le besoin d’aller m’acheter quelque chose de neuf. On nous met tellement ça dans la tête: quand on ne se sent pas bien, on va s’acheter des vêtements pour se sentir mieux. C’est difficile de se battre contre ça», soutient-elle. 

Après avoir vécu une rupture amoureuse l’an dernier, Mme Carle confesse qu’elle est allée magasiner pour mettre un baume sur ce qu’elle vivait. «J’ai acheté quatre ou cinq t-shirts, mais ils ne me servent à rien. Je les porte, assure-t-elle, mais ça ne m’a rien apporté d’aller les acheter». 

De son côté Bianka Roy a trouvé le défi plus difficile notamment avec les publicités ciblées sur les réseaux sociaux. Elle admet que c’est un défi pour elle de ne pas ouvrir les courriels qu’elle reçoit de ses boutiques préférées. «Je vais moins dans les commerces, donc je suis moins tentée, mais le commerce vient dans ma maison», illustre-t-elle.  

Même si elle a acheté un manteau neuf en solde durant le mois de mars, Mme Roy note tout de même quelques succès. Elle ne s’est pas limitée au plan vestimentaire, elle a appliqué le défi à tout bien de consommation. 

Auparavant membre d’une famille de cinq qui ne compte plus que deux personnes sous le même toit, Mme Roy a rempli plusieurs boîtes de vaisselles et autres articles de cuisine pour les donner. Elle explique que lorsqu’elle désencombre un placard, elle se «rend compte de l’espace que ça crée» alors elle répète l’exercice une deuxième fois.  

«Je laisse passer du temps, et si ça ne me manque pas, c’est que je n’ai pas besoin de le remplacer», indique-t-elle. 

Avant le défi, Mme Roy achetait des articles neufs toutes les semaines, tous les jours, dit-elle, si l’on compte les achats en ligne. Elle a désormais l’intention de se limiter à une fois par mois.