Remboursement de la PCU: les Autochtones auraient reçu plus d’avis de l’ARC

OTTAWA — Vivian Ketchum avait demandé le soutien d’urgence fédéral pendant la première vague de la pandémie, lorsqu’elle a été forcée de s’isoler après avoir été en contact étroit avec une personne déclarée positive à la COVID-19.

Déjà dans une situation financière précaire, Mme Ketchum, 57 ans, survivante des pensionnats fédéraux pour Autochtones, a constaté que le fait de s’absenter de son emploi peu rémunéré, dans une entreprise de sondages téléphoniques, avait complètement dévasté sa vie. Elle croyait que la Prestation canadienne d’urgence (PCU) pourrait être sa bouée de sauvetage. 

Mais Mme Ketchum est l’un des 441 599 bénéficiaires du soutien fédéral qui, à la fin de 2020, ont reçu une lettre de l’Agence du revenu du Canada (ARC) remettant en question leur admissibilité à la PCU et les prévenant qu’ils pourraient devoir rembourser une partie des prestations pandémiques reçues.

Or, les chiffres compilés par La Presse Canadienne sur la destination de ces avis de l’ARC suggèrent qu’un nombre disproportionné a été envoyé dans les codes postaux de communautés autochtones, notamment au Manitoba et en Saskatchewan.

Deux régions du nord du Manitoba se démarquent, avec plus de la moitié du nombre moyen de bénéficiaires de la PCU, au cours de chacune des périodes de versement des prestations, qui ont reçu un avis de l’ARC. La députée locale souligne qu’il existe également dans cette région des taux de pauvreté élevés.

Les données de l’ARC montrent que le revenu personnel moyen dans le code postal R0B dépasse à peine 11 900 $, alors que la moyenne nationale est d’un peu plus de 51 000 $. Or, près de 5000 lettres ont atterri dans cette région. 

La députée néo-démocrate fédérale Niki Ashton, qui représente la région à Ottawa, soutient que son bureau de comté a reçu des appels de résidents inquiets de devoir rembourser la PCU.

«Tout ce problème a causé beaucoup d’anxiété et d’inquiétude aux gens de nos communautés, a déclaré Mme Ashton. Mais ça témoigne vraiment du manque, disons-le, d’équité de la part du gouvernement fédéral qui déploie d’importantes ressources pour venir traquer les gens dans l’une des régions les plus pauvres du Canada.»

Selon les données obtenues par La Presse Canadienne en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, les régions comptant un grand nombre de bénéficiaires de la PCU, comme le grand Toronto, ont montré de plus petites proportions d’avis de l’ARC.

L’Agence a déclaré que personne n’avait été contraint de rembourser une partie des prestations reçues, qu’aucun délai de remboursement n’avait été fixé et qu’«aucun effort de récupération ou de collecte n’avait été entrepris à l’égard de quelque groupe que ce soit, y compris les Autochtones».

Les vérifications continuent 

Mais cela pourrait bientôt changer. Le travail avance à l’ARC cette année pour vérifier l’admissibilité des bénéficiaires de la PCU, comme le gouvernement l’a toujours promis, et les efforts se poursuivront au cours des prochaines années. Des milliers d’autres lettres ont également été envoyées aux bénéficiaires de ce programme aujourd’hui aboli.

Un peu moins de 8,9 millions de Canadiens ont eu recours à cette prestation d’urgence de 500 $ par semaine que le gouvernement fédéral avait mise en place rapidement, au début de la pandémie, alors que des millions de travailleurs voyaient leurs revenus diminuer ou disparaître.

Les règles d’admissibilité ont finalement été fixées pour exiger qu’une personne ait gagné au moins 5000 $ au cours des 12 mois précédant la demande — un critère qui est devenu plus facile à vérifier une fois les déclarations de revenus arrivées, comme l’a constaté plus tard le gouvernement.

Une partie du problème avec les lettres envoyées aux communautés autochtones est que les taux de production des déclarations de revenus y sont plus faibles. Le site Web de l’ARC encourage les bénéficiaires autochtones à produire leurs déclarations de revenus 2019 et 2020 comme moyen de prouver leur admissibilité, même si les délais sont dépassés depuis longtemps.

L’agence a aussi souligné que certains demandeurs ont un revenu exonéré d’impôt parce qu’il est gagné dans une réserve, en vertu d’un article spécifique de la Loi sur les Indiens.

Mme Ketchum a eu du mal à comprendre le site Web de l’ARC et les exemptions, le cas échéant. Elle a demandé l’aide d’un spécialiste en déclarations de revenus, mais on lui a dit qu’elle devrait rembourser l’argent.

Selon une étude de Statistique Canada, les travailleurs autochtones qui répondaient aux exigences de revenus pour la PCU étaient par ailleurs plus susceptibles que les allochtones de recevoir cette prestation. 

Le taux d’acceptation était de 41,5 % pour les travailleurs des Premières Nations, de 40,3 % pour les Inuits et de 36,2 % pour les Métis, alors qu’il était de 33,9 % pour les travailleurs allochtones.

Les Autochtones étaient plus susceptibles de recevoir la PCU parce qu’ils occupent proportionnellement plus d’emplois à bas salaires, des postes qui ont été les plus durement touchés pendant la pandémie. 

Mme Ketchum secoue la tête face à sa situation. Elle compte habituellement sur les remboursements d’impôts pour l’aider à payer ses factures, mais pour survivre à la pandémie, elle a plutôt vendu sa maison en copropriété et elle a contracté 4000 $ en prêts risqués sur le salaire. Elle soutient avoir de la difficulté à payer l’épicerie et ne pouvait pas se permettre les soins dentaires requis.

«L’ARC a pris mes dents, mon loyer, ma nourriture.»