Rapport du Protecteur du citoyen: des adultes inaptes victimes d’abus financiers

QUÉBEC — Des adultes inaptes qui dépendent d’un tuteur privé pour la gestion de leurs avoirs sont victimes d’abus financiers. Le Curateur public prend parfois trop de temps pour réagir.

C’est ce que souligne le protecteur du citoyen, Marc-André Dowd, dans son rapport spécial «Sous tutelle, mais toujours vulnérables» présenté jeudi à l’Assemblée nationale. 

Il a analysé en profondeur, depuis 2021, 36 des 163 cas d’abus signalés au Curateur public: un mélange d’erreurs de bonne foi et de maltraitance.

Par exemple, en 2014, le tuteur et la famille d’une personne inapte qui avait hérité sont partis en voyage avec elle, mais à ses frais. Ce n’est qu’en 2019, cinq ans plus tard, que le Curateur public a remplacé le tuteur.

Au moment du remplacement, l’abus total était évalué à 105 000 $.

Dans un autre cas, en 2015, un tuteur a pigé dans les fonds de la personne qu’il était censé protéger pour financer son propre mariage. Un réel suivi n’a été fait qu’en 2018.

Des tuteurs simplement mal informés se sont également versé des rémunérations, alors qu’ils n’y étaient pas autorisés, ou ont acheté de petits cadeaux avec l’argent de leur protégé, a-t-on expliqué.

Jeudi, en conférence de presse, M. Dowd a rappelé la grande vulnérabilité des adultes inaptes, qui ont souvent un patrimoine modeste, de moins de 32 000 $.

«Chaque dollar qu’on enlève du patrimoine de la personne représentée, ce sont des dollars qui vont amoindrir sa qualité de vie», a-t-il déclaré. Et plus on attend, plus il est difficile de récupérer les sommes.

«Dans plusieurs cas où le Curateur a tardé à intervenir, le tuteur a fait faillite, la personne représentée est décédée, donc c’est vraiment important d’intervenir le plus rapidement possible.»

Changements exigés

Dans son rapport, le protecteur du citoyen note que le Curateur prend trop de temps pour réagir; il ne prend pas systématiquement les mesures qui s’imposent et ne fait pas un suivi suffisant des dossiers problématiques.

Le non-respect de ses propres délais de traitement retarde la détection de certains abus.

De plus, les méthodes et moyens utilisés par le Curateur pour repérer les cas de mauvaise gestion ne sont pas toujours fiables, alors que certains outils de travail utilisés par le personnel sont mal adaptés.

Ces ratés sont le résultat entre autres d’une «charge de travail trop importante», d’une «pénurie de personnel» et d’un «système informatique désuet», selon le protecteur.  

«Pour les personnes inaptes sous régime privé, le Curateur public représente souvent le dernier rempart permettant de préserver leurs droits», a tenu à rappeler M. Dowd, jeudi.

Il donne au Curateur jusqu’au 1er mai pour détailler dans un plan comment il entend donner suite aux 17 recommandations qui lui sont adressées.

Ces recommandations visent notamment à faciliter et accélérer le suivi des dossiers, et à réduire le temps requis pour la mise en place d’une protection du patrimoine.

Par exemple, on recommande de faire passer de trois à deux mois le délai accordé au tuteur pour soumettre le compte annuel de gestion.

Au Québec, on compte plus de 33 000 personnes adultes inaptes sous protection. Environ 9600 adultes ont un tuteur privé, soit une personne proche désignée pour agir en leur nom.

Le Curateur réagit

Dans un communiqué, le Curateur public affirme partager les constats du protecteur et avoir déjà adopté un plan d’action visant à corriger des lacunes.

«Le Curateur public a entamé, au cours des dernières années, une importante transformation de son organisation», a déclaré la curatrice, Me Julie Baillargeon-Lavergne.

«Les recommandations du protecteur du citoyen sont alignées sur les actions que nous avons déjà mises en œuvre visant à améliorer concrètement la surveillance et l’accompagnement», a-t-elle ajouté.

Le Curateur public affirme par ailleurs reconnaître l’importance du travail effectué par les représentants légaux qui prennent en charge un proche. 

«C’est pourquoi il souhaite faciliter leurs démarches, tout en assurant une surveillance adéquate de leur administration du patrimoine», explique-t-on dans le communiqué.

Il assure avoir déjà embauché plus de personnel, et travailler à la création d’un portail web «pour faciliter et moderniser les communications avec les représentants légaux».