Policière de la SQ tuée par un homme qu’elle allait arrêter, qui a lui aussi été tué

MONTRÉAL — Les policiers du Québec étaient en deuil, mardi, au lendemain de la mort tragique d’une policière de la Sûreté du Québec (SQ) qui intervenait dans une résidence de Louiseville, en Mauricie.

La sergente Maureen Breau, qui comptait plus de 20 ans d’expérience dans le corps de police, se serait fait poignarder lundi soir par un individu de 35 ans alors qu’on lui lisait ses droits, selon le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI).

Le BEI, qui sera responsable de faire la lumière sur le drame, a ajouté dans un communiqué qu’un autre duo de policiers de la SQ était arrivé peu après et que l’un des agents aurait ouvert le feu vers l’agresseur, qui est mort. 

Les circonstances exactes de cet autre affrontement n’ont pas été précisées.

Lors de l’intervention, un autre policier a été blessé, mais sa vie n’est pas en danger, selon ce qu’affirme la SQ.

La police a bouclé la zone autour d’un immeuble blanc de trois étages mardi matin, et le BEI et le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), qui agit en tant que corps policier de soutien, avaient mis en place des postes de commandement mobiles. Les techniciens en scène du crime prenaient des photos de l’extérieur du bâtiment, qui semblait être à usage mixte commercial et résidentiel.

Le directeur des communications de la Sûreté du Québec, Patrice Cardinal, a déclaré que la sergente Breau était au début de la quarantaine et avait deux enfants. Son conjoint est également policier à la Sûreté du Québec, a-t-il dit. Les deux décennies de travail policier de la sergente Breau ont été principalement consacrées à des patrouilles ou à la supervision d’équipes de patrouille, a-t-il déclaré lors d’un entretien téléphonique.

«C’est une épreuve incroyable. C’est ensemble qu’on va passer au travers», a soufflé M. Cardinal.

«C’est un événement qui nous rappelle aussi le le danger et le côté un peu imprévu du travail policier, sur le terrain et ça nous rappelle cette réalité qui peut arriver, malheureusement, à tout moment.»

La directrice générale de la Sûreté du Québec, Johanne Beausoleil, a offert ses condoléances au conjoint, aux enfants et aux autres membres de la famille de la policière. 

«C’est avec une immense tristesse que j’ai appris le décès de la sergente Breau, a dit Mme Beausoleil dans un message organisationnel transmis dans la nuit aux membres de la Sûreté du Québec. Une telle épreuve nous rappelle le danger du métier de policier face à des situations extrêmes comme celle à laquelle ont dû faire face la sergente Breau, ses confrères policiers et les préposés aux télécommunications d’urgence qui ont soutenu ces derniers lors de cette intervention.»

La sœur de Mme Breau, jointe via Facebook, a indiqué que la famille demandait de l’intimité. «Ma grande sœur sera toujours mon héroïne», a-t-elle écrit dans un message.

En mêlée de presse, mardi matin, le maire de Louiseville Yvon Deshaies a révélé que le suspect avait un historique de santé mentale et s’est dit déçu qu’il n’ait pas été pris en charge par le système.

«Les policiers peuvent faire quoi? Le “pogner” et l’emmener en prison? Bin non», a-t-il lancé.

M. Deshaies a ajouté avoir appris du propriétaire de l’immeuble et de la police que le suspect était perturbateur et avait déclenché des conflits avec des voisins — dont certains qu’il aurait accusés d’avoir volé ses chats.

«Moi je trouve ça dommage, c’est pas une “job” de police, a-t-il complété. La santé mentale, il va falloir qu’on s’arrête sur ça.»

Le président de l’Association des policières et policiers provinciaux du Québec (APPQ), Jacques Painchaud, a parlé d’une «tragédie pour la communauté policière et la société en général».

«Perdre quelqu’un qui est en mission dans de pareilles circonstances est épouvantable. J’ai rencontré les membres tantôt, et ils sont dévastés. Nous sommes dévastés», a-t-il affirmé. 

Il a rapporté que la policière, qui était en temps supplémentaire au moment de l’événement, allait dans quatre jours rejoindre l’équipe des enquêtes.

Au sujet de l’usage de la «force mortelle» contre l’individu de 35 ans, il a indiqué qu’une «attaque au couteau, ça ne pardonne pas, et la policière a été blessée au cou». Il a ajouté qu’il ne pense pas que les policiers auraient pu agir autrement, mardi soir, à Louiseville.  

«Je pense que nos policiers ont hyper bien agi dans les circonstances, je pense qu’il aurait pu y avoir plus de morts», a-t-il dit.  

M. Painchaud a rappelé qu’une enquête est en cours et qu’il n’a pas accès à la trame factuelle des événements. Néanmoins, il a dit qu’il s’agit d’un contexte qui se reproduit «continuellement, de façon vraiment excessive».  

«Ce sont les problèmes d’appels en santé mentale, a-t-il affirmé. Or, dans ce cas-ci, c’est un problème de santé mentale pour lequel les policiers ont dû intervenir et, malheureusement, durant l’intervention, (l’individu) s’est emparé d’un couteau et a attaqué les policiers et policières sur les lieux. Alors, dans les circonstances, devant le danger imminent, évidemment, il y a eu un autre membre qui a pu utiliser son arme de service et stopper la menace.» 

M. Painchaud a souligné que, de plus en plus, les policiers doivent désamorcer des situations le mieux possible, parce qu’ils ne sont pas nécessairement devant quelqu’un de criminalisé, mais devant quelqu’un qui a des problèmes de santé mentale.

Le Bureau des enquêtes indépendantes précise que l’affaire a débuté vers 20h30. La police devait procéder à l’arrestation de l’homme concernant des menaces ayant été proférées et dont la nature n’a pas encore été indiquée.

L’enquête des cinq enquêteurs du BEI a été déclenchée moins d’une heure plus tard. Le SPVM agit en tant que corps policier de soutien dans cette affaire.

La classe politique en deuil

Le premier ministre François Legault a présenté ses condoléances aux proches de la policière de la SQ qui a été poignardée. Il a rappelé que les agents des forces de l’ordre font un métier risqué.

«On oublie trop souvent que ces gens-là sont courageux, qu’ils nous protègent, qu’ils ont un métier qui est risqué, donc je vais leur dire un gros merci pour ce qu’ils font. Évidemment, mes condoléances, parce que ça doit toujours être un choc. On ne s’attend pas quand on fait ce métier-là à se retrouver à une porte, puis à recevoir un coup de couteau», a exprimé M. Legault à l’Assemblée nationale. 

Lors d’une courte déclaration à l’Assemblée nationale mardi matin, le ministre de la Sécurité publique du Québec, François Bonnardel, a offert ses condoléances à la famille de la sergente et a ajouté que ses pensées accompagnaient la Sûreté du Québec et tous les policiers de la province. 

«Nos policiers font un travail qui n’est pas facile. Ces hommes et ces femmes méritent tout notre respect. Si vous avez l’occasion aujourd’hui de voir un policier, dites-leur merci», a-t-il déclaré.

M. Bonnardel s’est néanmoins montré prudent en commentant l’affaire.

«Comme vous, j’ai entendu les témoins qui ont signalé certaines particularités de ce tueur dans les derniers jours, donc je n’irai pas plus loin dans mes commentaires en vous disant qu’on va attendre que l’enquête se termine», a-t-il ajouté.

Les partis d’opposition ont aussi transmis leurs pensées à la famille de la victime. 

«Cette tragédie nous rappelle que, pour protéger nos vies, (les policiers) mettent leurs vies en danger», a indiqué le chef libéral Marc Tanguay en point de presse. 

«Personne ne devrait mourir en faisant son travail. C’est une valeur fondamentale que nous avons à Québec solidaire, peu importe votre travail», a ajouté le porte-parole solidaire Gabriel Nadeau-Dubois en réponse à une question en anglais.

Le chef péquiste Paul St-Pierre-Plamondon a quant à lui parlé d’un «événement très triste». 

«Les nouvelles en provenance de Louiseville, au Québec, sont déchirantes. J’offre mes condoléances à la famille, aux amis et aux collègues de la Sûreté du Québec de la sergente Maureen Breau, et je souhaite un rétablissement rapide et complet au policier blessé. On pense à vous», a écrit le premier ministre du Canada Justin Trudeau sur Twitter.

Le ministre fédéral de la Sécurité publique, Marco Mendicino, a lui aussi qualifié les événements de «tragédie», ajoutant qu’il revenait tout juste de funérailles de policiers à Edmonton.

«Nous devrions donner notre respect et amour pour les policiers et policières qui nous protègent», a ajouté le chef conservateur Pierre Poilievre, qui s’est désolé de la «fréquence» de telles tragédies au Canada.

Le chef du NPD, Jagmeet Singh, a lui aussi présenté ses condoléances aux proches et aux collègues de Mme Breau. 

«Le drame qui s’est produit à Louiseville et qui a coûté la vie à la sergente Maureen Breau est bouleversant», a-t-il écrit sur Twitter.

— Avec des informations de Sidhartha Banerjee, à Louiseville.