L’excuse de la COVID «inacceptable», dit la commissaire fédérale à l’information

OTTAWA — La commissaire fédérale à l’information, Caroline Maynard, déplore que «l’excuse» de la COVID-19 soit encore utilisée par des ministères qui tardent à rendre publics des documents.

«C’est inacceptable», a-t-elle tranché lundi en témoignant devant le Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique.

«Les institutions ont eu plus de deux ans pour s’adapter à la réalité d’une pandémie et aux défis que cela pose dans nos vies et nos environnements de travail», a-t-elle ajouté.

La commissaire a soutenu qu’elle donnait toujours des conseils aux institutions assujetties à la loi, au fil de ses interactions, pour quelles fassent mieux, leur suggérant d’utiliser des services électroniques de Postes Canada ou envisager d’avoir recours à l’intelligence artificielle pour effectuer certaines recherches.

«Nous leur partageons les meilleures pratiques, mais il revient vraiment aux gestionnaires, aux ministres et aux ministères de les mettre en place», a dit Mme Maynard. Elle a précisé que le Secrétariat du Conseil du Trésor (SCT), responsable de superviser l’application de la Loi sur l’accès à l’information dans l’ensemble des ministères et organismes fédéraux, émet aussi ses propres recommandations.

Le bureau de la présidente du Conseil du Trésor, Mona Fortier, a souligné dans un courriel transmis à La Presse Canadienne que le directeur général de l’information a rappelé en décembre dernier «aux administrateurs généraux» leurs obligations en vertu de la loi.

La législation établit que les ministères et organismes fédéraux sont tenus de répondre dans un délai de 30 jours aux citoyens qui tentent d’obtenir des documents. Or, Ottawa s’accorde régulièrement des délais supplémentaires pour réellement donner suite à ces requêtes.

Pourtant le bureau de la ministre Fortier a indiqué que 137 institutions assujetties ont récemment répondu dans un questionnaire du SCT avoir «la pleine capacité de traiter les demandes».

Hausse de 70 % des plaintes

L’équipe de Mme Ménard fait face à une hausse fulgurante de plaintes pour non-respect des obligations législatives des ministères et la commissaire estime que les longues échéances accordées sont à la source de cet afflux de demandes.

Devant les parlementaires, elle a affirmé qu’entre le 1er avril 2021 et le 31 mars 2022, son bureau a reçu près de 7000 plaintes, ce qui représente une hausse de 70 % par rapport à l’année antérieure.

Pour enquêter sur chacune des plaintes dans les meilleurs délais, elle a signalé que le Commissariat à l’information du Canada a dû mettre des projets sur la glace et rediriger le plus de ressources possible au traitement de ces dossiers.

La commissaire demande maintenant des ressources additionnelles puisque son équipe n’arrive pas à «garder le rythme» et que la liste des plaintes à traiter s’allonge continuellement. 

«L’innovation a maintenant atteint ses limites. Nous avons fourni les outils que nous pouvions et nous avons maintenant besoin de plus de gens et de moins de plaintes», a-t-elle résumé.

Lorsque jugées fondées par le Commissariat, les plaintes permettent de forcer la main à des ministères pour qu’ils divulguent des informations.

La commissaire a invité les ministères à améliorer leur performance dès maintenant. «Il n’est pas nécessaire d’attendre des modifications législatives pour agir», a-t-elle dit.

Elle a d’ailleurs relevé que le SCT n’a toujours pas conclu un examen de la loi qui a été entamé en juin 2020. Selon l’échéancier qui était initialement prévu, cela devait être terminé au début de 2022.

À ce sujet, le bureau de la ministre Fortier a répondu que le rapport final de cet examen sera publié d’ici la fin de l’année. «Nous nous entretenons actuellement avec les peuples autochtones au sujet de la loi», a-t-on déclaré.

Le gouvernement Trudeau s’était engagé à cette révision en modernisant la Loi sur l’accès à l’information, en 2019, par l’adoption d’une nouvelle mouture, la loi C-58.

La commissaire a qualifié lundi la C-58 de «bon début», mais que des améliorations étaient encore à faire. Cette réforme lui a notamment donné le pouvoir d’émettre des ordonnances de communication de documents.

Mme Maynard aimerait, par exemple, que le recours à des exceptions de divulgation d’information soit plus limité. Ces dispositions font en sorte que des portions de documents sont caviardées avant que ceux-ci soient communiqués – s’ils le sont.

Pour réduire les délais de réponse au-delà des 30 jours prévus par la loi, la commissaire estime que la loi pourrait fixer des balises aux consultations qu’un ministère peut mener, au préalable, auprès d’autres institutions. Elle a noté que c’est souvent pour mener de telles consultations que plus de temps est pris pour répondre à un demandeur, précisant que celles-ci ne sont pas obligatoires en vertu de la loi.