Les infrastructures d’eau ont un besoin urgent d’argent provenant des redevances

MONTRÉAL — L’augmentation des redevances sur l’eau représente une occasion en or de réinvestir dans les infrastructures d’eau, dont une bonne partie est dans un état lamentable et à risque élevé ou très élevé de défaillance.

Le Réseau Environnement, qui regroupe nombre de spécialistes en environnement du Québec, n’est d’ailleurs pas aussi déçu qu’on aurait pu le croire de voir que le projet de loi visant à augmenter les redevances est condamné à mourir au feuilleton. 

Le projet de loi 42, déposé mercredi par le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, n’a en effet aucune chance d’être adopté avant la fin de la session parlementaire, ce vendredi, de sorte que la question va devenir un enjeu électoral.

«On a une belle occasion avec ce projet de loi pour inviter les partis à nous donner leurs propositions cet automne à l’occasion d’un débat. Profitons de cette occasion pour réfléchir sur cet enjeu», a déclaré le président-directeur général du Réseau Environnement, Mathieu Laneuville, en entrevue avec La Presse Canadienne.

Des infrastructures défaillantes

M. Laneuville, qui est lui-même ingénieur dans le domaine de l’eau, souligne qu’il y a actuellement un déficit d’investissement de 35 milliards $ à combler en matière d’infrastructures en eau. En 2020, le Centre d’expertise et de recherche en infrastructures urbaines dressait un portrait inquiétant des infrastructures en eau. 

On y apprenait notamment que plus de 4700 kilomètres de conduites d’eau potable sont à risque élevé ou très élevé de bris, que 3265 kilomètres de conduites d’eaux usées sont à risque élevé ou très élevé de défaillance et que près de 17 000 kilomètres de chaussée au-dessus des conduites d’eau sont dans la même situation critique.

De plus, 206 ouvrages d’eau potable sont à risque élevé ou très élevé de défaillance, tout comme 224 ouvrages de traitement des eaux usées.

«En ce moment il y a une occasion de faire d’une pierre deux coups, c’est-à-dire d’aller chercher plus d’argent en augmentant les redevances sur l’eau et de prendre cet argent pour éponger notre déficit des infrastructures en eau, qui sont beaucoup malmenées et qui ont besoin d’amour», dit M. Laneuville.

En déposant son projet de loi, mercredi, le ministre Charette avait d’ailleurs précisé que les sommes additionnelles recueillies en redevances seront entièrement dédiées au fonds pour la gouvernance de l’eau.

Des investissements rentables

Mathieu Laneuville souligne qu’une étude réalisée pour Réseau Environnement en octobre dernier démontre que chaque dollar investi dans les infrastructures d’eau peut rapporter jusqu’à 1,72 $ à l’État. Ce rendement est attribuable, entre autres, à des économies du côté des réparations de bris ou de refoulements, des frais d’assurances et juridiques, de même que des gains en termes d’environnement et de santé publique.

Par ailleurs, Mathieu Laneuville fait valoir que la remise en état d’infrastructures permet d’éviter leur remplacement complet à plus long terme.

«Avec l’argent des redevances, si on peut éponger le déficit d’infrastructures, on travaille dans la bonne direction pour assurer une bonne gestion de nos ressources en eau et pour répartir les coûts dans le temps.

«Actuellement, on peut réhabiliter. Si on ne le fait pas, dans le futur ce seront des coûts de remplacement beaucoup plus importants. C’est une question d’équité intergénérationnelle parce qu’actuellement, si on continue comme ça, ce n’est pas très équitable pour les prochaines générations», fait-il valoir. 

Les redevances dérisoires du Québec

Le régime actuel de redevances sur l’eau, qui n’a pas été revu depuis 2010, est vivement décrié tant par les groupes environnementalistes que par les partis d’opposition. Les redevances perçues au Québec sont considérées comme dérisoires comparativement à ce qui se fait ailleurs.

En 2018, on rapportait notamment que 2 milliards de litres d’eau embouteillée au Québec avaient généré moins de 150 000 $ de revenus au Trésor québécois. La même année, l’Ontario avait touché 23 millions $ pour l’eau prélevée sur son territoire.

Le taux de la redevance est de 2,50 $ par million de litres d’eau, mais de 70 $ par million de litres d’eau pour, par exemple, l’eau en bouteille, la fabrication de boissons, de certains produits minéraux et chimiques, de pesticides, ou l’extraction de pétrole et de gaz.

En comparaison, l’Italie exige 2000 $ par million de litres et le Danemark, 10 000 $ par million de litres.