Les Hurons-Wendat veulent être consultés sur les projets éoliens

MONTRÉAL — Les Hurons-Wendat, établis près de Québec, plaident que le gouvernement québécois et Hydro-Québec ont ignoré leur devoir constitutionnel de consulter au sujet de quatre projets éoliens prévus au sud du fleuve Saint-Laurent.

Cette revendication fait partie d’un différend territorial de longue date entre la Nation huronne-wendat, le gouvernement du Québec et les Premières Nations voisines, et elle survient au moment où Hydro-Québec cherche à tripler la capacité éolienne de la province en coopération avec les communautés autochtones.

Le litige trouve ses racines dans un traité, signé en 1760, qui protégeait les droits des Hurons-Wendat, mais ne définissait pas leur territoire. Plus de 260 ans plus tard, cette incertitude pourrait avoir des conséquences sur une nouvelle ère de développement énergétique au Québec.

La Nation huronne-wendat a déposé une requête en juin pour demander à la Cour supérieure d’ordonner au gouvernement provincial et à Hydro-Québec de la consulter au sujet de quatre projets de parcs éoliens à l’est de Québec.

La Première Nation affirme qu’elle cherche à résoudre un problème qui dure depuis des décennies. Elle accuse le gouvernement et Hydro-Québec de «pratique systématique et continue» de maintenir les Hurons-Wendat «dans l’ignorance quant aux projets et mesures qu’ils envisagent» dans la partie sud de son territoire.

Mais la Première Nation Wolastoqiyik Wahsipekuk, partenaire des quatre projets éoliens, soutient qu’il n’y a aucune obligation de consulter les Hurons-Wendat. La Première Nation, anciennement connue sous le nom de Malécite de Viger et établie près de Rivière-du-Loup, affirme que les projets sont situés sur son territoire ancestral au sud du fleuve Saint-Laurent.

La Nation huronne-wendat a refusé de commenter l’affaire. La Première Nation Wolastoqiyik Wahsipekuk a tenté d’intervenir dans le dossier, mais sa demande a été refusée le mois dernier. Dans une déclaration à La Presse Canadienne, la Première Nation a indiqué qu’elle souhaitait intervenir «pour expliquer au tribunal que les droits revendiqués par les (Hurons-Wendat) ne lui permettaient pas de s’impliquer dans les projets» dans la même mesure que les Wolastoqiyik.

Un vaste territoire revendiqué

La Nation huronne-wendat s’est souvent retrouvée en désaccord ces dernières années avec des nations voisines qui ont des revendications territoriales qui se chevauchent, ce qui comprend un conflit de longue date avec les communautés innues au sujet de terres au nord de Québec.

En septembre, la Première Nation a déposé une autre demande de consultation concernant la création d’un nouveau parc provincial sur la rive nord du Saint-Laurent, se plaignant d’être tenue dans l’ignorance pendant que le gouvernement du Québec tenait des pourparlers avec une Première Nation innue.

Les Hurons-Wendat, qui comptent environ 5000 membres, revendiquent une vaste bande de territoire s’étendant de Trois-Rivières au nord jusqu’à la rivière Saguenay et au sud à travers le Saint-Laurent jusqu’au Maine et au Nouveau-Brunswick. Leur communauté, Wendake, est située à environ dix kilomètres au nord de Québec.

En 1760, la Nation huronne-wendat avait signé avec les Britanniques un traité de paix qui garantissait le libre exercice de sa religion et de ses coutumes, mais ne faisait aucune mention du territoire qu’il couvre. La Cour suprême du Canada a reconnu le traité dans une décision de 1990, estimant que les droits qu’il garantissait «pouvaient être exercés sur l’ensemble du territoire fréquenté par les Hurons en 1760».

La Première Nation fait référence à cette décision dans ses demandes de consultation et affirme que les limites de son territoire traditionnel sont basées sur ses propres recherches historiques et anthropologiques. Mais la Cour suprême ne s’est pas prononcée sur les limites du territoire des Hurons-Wendat et les négociations entre la Première Nation et le gouvernement du Québec lancées après la décision de 1990 ont ensuite échoué.

Des revendications jugées «exorbitantes»

Denys Delâge, professeur émérite de sociologie à l’Université Laval qui a étudié l’histoire des Premières Nations du Québec, estime que les revendications territoriales des Hurons-Wendat sont «exorbitantes». Selon lui, le peuple a historiquement traversé une grande région pour faire du commerce, mais pas pour trapper ou pêcher.

Il souligne que ce territoire était utilisé pour des raisons commerciales, et que les membres de la Nation n’y passaient pas l’hiver.

Les Hurons-Wendat ont tout de même remporté une victoire partielle en 2014, lorsque la Cour supérieure a statué qu’ils auraient dû être consultés avant que le gouvernement ne signe une entente de principe avec les Premières Nations innues concernant leurs propres revendications territoriales.

En 2019, quatre Premières Nations, dont les Innus et les Wolastoqiyik, se sont réunies à Québec et ont annoncé une nouvelle alliance. À l’époque, elles dénonçaient les revendications territoriales de la Nation huronne-wendat.

Dans sa déclaration transmise vendredi dernier, la Première Nation Wolastoqiyik Wahsipekuk a affirmé qu’elle occupait son territoire ancestral «tout en maintenant des liens historiques et durables avec les autres Premières Nations, fondés sur le respect, l’entraide et l’amitié».

Un élément clé pour Hydro-Québec

Hydro-Québec mise sur l’éolien comme élément clé de sa stratégie de 185 milliards $, annoncée l’an dernier, pour accroître la capacité et sevrer le Québec des énergies fossiles. La société d’État souhaite tripler sa capacité éolienne d’ici 2035 en intégrant 10 000 mégawatts d’énergie éolienne au réseau.

La société d’État a annoncé plusieurs projets éoliens et accords d’achat d’électricité au cours des derniers mois, dont plusieurs en partenariat avec l’Alliance de l’énergie de l’Est, un regroupement de municipalités et la Première Nation Wolastoqiyik Wahsipekuk.

Michael Sabia, qui a été nommé président et directeur général d’Hydro-Québec en mai 2023, a assuré que les communautés autochtones seront partenaires des nouveaux projets, qualifiant cette approche de «réconciliation économique». Il a affirmé que cette année pourrait être un «tournant» dans les relations historiquement tendues d’Hydro-Québec avec les Premières Nations.

Dans un communiqué, une porte-parole d’Hydro-Québec a souligné que la société d’État «entretient un dialogue» avec la Nation huronne-wendat. Mais Lynn St-Laurent a indiqué que le dossier juridique de la Première Nation concerne principalement le gouvernement du Québec, puisque les quatre projets en question ont été proposés par des promoteurs privés.

La demande de juin des Hurons-Wendat ne demande qu’une consultation sur les nouveaux projets éoliens. Mais en janvier, lorsque la société d’électricité a annoncé huit accords d’achat d’électricité, dont quatre que les Hurons-Wendat considéraient comme étant sur leur territoire traditionnel, ils ont déclaré qu’ils s’attendaient à être partenaires.

La Première Nation devrait être «partie prenante intégrante de ces projets, et ce, sur les plans tant économique, qu’environnemental et social», avait alors déclaré le grand chef Rémy Vincent dans un communiqué.

«Il n’est pas ici question de seulement nous consulter, mais bien de nous impliquer dans toutes les prochaines phases.»