Le budget fédéral prévoit un «bureau national de lutte contre l’ingérence étrangère»

OTTAWA — Le gouvernement libéral de Justin Trudeau prévoit de créer un «bureau national de lutte contre l’ingérence étrangère», dans le cadre d’un examen minutieux des allégations d’ingérence de Pékin lors des récentes élections fédérales.

Le budget fédéral de mardi affecte par ailleurs 56 millions $ sur cinq ans à diverses mesures de lutte contre «l’ingérence étrangère, les menaces et les activités secrètes».

La Gendarmerie royale du Canada devrait recevoir la part du lion de cette enveloppe d’ici avril 2026, afin de soutenir les efforts visant à enquêter sur les menaces et à travailler de manière proactive avec les communautés des diasporas qui risquent particulièrement d’être ciblées par une ingérence étrangère.

Le document budgétaire indique que le nouveau «bureau national de lutte contre l’ingérence étrangère» sera créé au sein du ministère de la Sécurité publique, mais le gouvernement libéral ne précise pas de calendrier pour son lancement.

Ces mesures interviennent alors que l’ancien gouverneur général David Johnston prend ses fonctions de «rapporteur spécial indépendant», avec pour mandat de déterminer si le premier ministre Trudeau devrait convoquer l’enquête publique exigée par les trois principaux partis d’opposition.

Les libéraux proposent également des modifications législatives qui élargiraient le mandat du Bureau du surintendant des institutions financières. Le Bureau pourrait ainsi déterminer si ces institutions disposent «de politiques et de procédures adéquates pour se protéger contre les menaces à leur intégrité et à leur sécurité, y compris l’ingérence étrangère». 

Ce Bureau aurait même le pouvoir de prendre le contrôle d’une institution financière en cas de «risques pour la sécurité nationale».

Blanchiment et terrorisme

Ottawa prévoit également de renforcer ses mesures de lutte contre le blanchiment d’argent et ses politiques de lutte contre le financement du terrorisme, grâce à une série de modifications proposées.

Ces changements feraient suite à une évaluation interne qui a révélé des faiblesses dans la façon dont les ministères partagent les informations, dans le peu de poursuites en cours ainsi que des lacunes dans la façon dont les règles s’appliquent aux avocats.

Les modifications législatives proposées établiraient des protections pour les dénonciateurs et réprimeraient les personnes qui contournent les exigences de déclarations en utilisant une série de petites transactions.

Ottawa obligerait également les institutions financières à déclarer les actifs détenus par des personnes faisant l’objet de sanctions, renforçant ainsi les règles existantes. Ces règles n’obligent généralement de tels signalements que pour les clients effectivement soupçonnés de financement du terrorisme ou de blanchiment d’argent.

Le budget indique que les libéraux prévoient de mettre en place d’ici la fin de l’année un «registre fédéral public sur la propriété effective», après avoir récemment déposé un projet de loi à cet effet, et dont le mandat sera précisé d’ici l’automne.

Le gouvernement libéral affirme également qu’il vise à informer le public cet automne sur la question de savoir si l’actuel Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE) devrait être aussi chargé de lutter contre le contournement des sanctions.

Les ONG en Afghanistan

Dans une autre mesure liée au terrorisme, le budget alloue 16 millions $ au cours des deux prochaines années pour mettre en œuvre un projet de loi visant à permettre aux organismes humanitaires de travailler en Afghanistan sans être menacés de poursuites pour complicité avec des terroristes.

Actuellement, les humanitaires ne peuvent pas travailler en Afghanistan sans payer de taxes au gouvernement — et courent donc le risque d’être poursuivis pour avoir «soutenu financièrement» les talibans.

Le projet de loi propose un programme réglementé pour délivrer des exemptions. Les responsables ont déclaré que le financement prévu dans le budget serait nécessaire pour évaluer les demandes de permis et sonder les risques que des exemptions puissent bénéficier à des organisations terroristes.