L’Alberta annonce un gel indéfini de sa tarification carbone pour les industries

EDMONTON — La première ministre de l’Alberta, Danielle Smith, a annoncé que son gouvernement gèle immédiatement sa tarification du carbone pour le secteur industriel à 95 $ par tonne d’émissions.

Elle affirme que cette mesure est essentielle pour maintenir la compétitivité de l’industrie et défendre les emplois alors que le Canada est aux prises avec une lutte contre les droits de douane imposés par les États-Unis.

«Avec le changement de gouvernement au sud de la frontière, il est essentiel que nous ayons un système de tarification du carbone raisonnable, plutôt qu’un système qui exclura nos industries des marchés mondiaux», a-t-elle déclaré.

«Nous offrons la certitude, la stabilité et un soulagement économique à ces entreprises qui contribuent tant à l’ensemble du Canada. Et nous soutenons les producteurs d’énergie dont l’expertise et l’innovation façonnent littéralement l’avenir énergétique mondial.»

Le prix devait augmenter à 110 $ la tonne en 2026 et continuer d’augmenter jusqu’à 170 $ la tonne d’ici 2030.

L’Alberta, qui dispose d’un régime de taxe sur le carbone industriel depuis 2007, collecte les fonds versés par l’industrie et les restitue sous forme de subventions pour des technologies de réduction des émissions ou des projets d’innovation industrielle.

La ministre de l’Environnement, Rebecca Schulz, affirme qu’un prix au-dessus de 100 $ la tonne rendrait la province «extrêmement peu compétitive».

«C’est une approche dénuée de bon sens en cette période où les menaces extérieures sont si grandes et où le monde entier veut de l’énergie canadienne », a-t-elle déclaré.

Mme Schulz précise que le gel est d’une durée indéterminée.

La présidente de l’Association canadienne des producteurs pétroliers, Lisa Baiton, a déclaré dans un communiqué qu’elle soutenait le gel albertain et a appelé le gouvernement fédéral à revoir l’entièreté de son régime de réglementation du carbone.

«Des changements sont nécessaires pour établir un signal à long terme afin de sécuriser les investissements et de réduire les émissions, tout en demeurant compétitifs à l’échelle mondiale.»

Le président de Pathways Alliance, Kendall Dilling, a abondé dans le même sens, affirmant dans un courriel que le système canadien de tarification du carbone désavantage l’industrie face à la concurrence des entreprises étrangères.

«Cette annonce témoigne d’une reconnaissance des pressions exercées sur la compétitivité de notre secteur», s’est réjoui M. Dilling.

«Des discussions supplémentaires sont nécessaires pour mettre en place une approche de gestion du carbone efficace et propice à l’investissement dans nos ressources naturelles

La première ministre Smith et Mme Schulz ont déclaré espérer que le gel suscitera une conversation à ce sujet avec le premier ministre Mark Carney, qui doit dévoiler son nouveau cabinet mardi.

Mme Schulz a indiqué aux journalistes qu’avec le gel, l’Alberta continuera de se conformer aux règles fédérales sur la tarification du carbone jusqu’à ce que le seuil de référence d’Ottawa soit relevé.

«Nous espérons avoir une discussion préalable avec le gouvernement fédéral s’il n’est pas d’accord avec notre approche, a-t-elle déclaré. Nous espérons qu’étant donné le grand nombre de Canadiens qui ont voté pour une économie vigoureuse et pour défendre cette dernière contre les forces extérieures, ils considéreront cette décision comme prudente.»

Le bureau du premier ministre n’a pas immédiatement répondu à une demande de commentaires.

Atteindre les objectifs climatiques

Mme Schulz a soutenu que le gel, d’une durée indéterminée, ne signifie pas que l’Alberta renonce à ses objectifs de réduction des émissions. Certains en doutent.

Stephen Legault, cadre supérieur chez Environmental Defence, a affirmé qu’avec la diminution des fonds consacrés au développement des technologies propres, l’objectif déclaré de l’Alberta d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 ne fait que s’éloigner.

«Beaucoup d’entre nous conviendront que l’Alberta ne prend pas au sérieux l’atteinte de ces objectifs», a déclaré M. Legault. Il a également estimé qu’un gel indéfini suggère que l’annonce est moins liée aux turbulences économiques causées par les tarifs américains qu’à la volonté d’apaiser le secteur pétrolier et gazier, qui continue de réaliser des profits records.

Janetta McKenzie, de l’Institut Pembina, un groupe de réflexion sur l’énergie propre, a déclaré qu’elle s’attendait à ce que le gel conduise à une diminution des investissements dans les industries décarbonisées.

«Nous allons avoir besoin d’un secteur pétrolier et gazier plus léger et plus propre qui soit prêt à rivaliser sur les marchés mondiaux, d’autant plus que la plupart de nos partenaires commerciaux potentiels autres que les États-Unis se préparent à introduire de nouveaux tarifs sur les importations d’énergie qui ne sont pas soumises à des régimes nationaux de tarification du carbone», affirme-t-elle.

Le porte-parole du NPD en matière d’énergie, Nagwan Al-Guneid, a indiqué que le gel créait de l’incertitude pour l’industrie au lieu de la protéger.

«Je pense que la plus grande menace actuelle pour notre compétitivité économique est le flirt avec le programme séparatiste, et non la tarification du carbone industriel en Alberta.»

— Avec des informations de Lisa Johnson