La présidente de la Commission européenne veut que le Canada vende plus d’hydrogène

OTTAWA — La présidente de la Commission européenne croit que le Canada devrait se concentrer sur l’exportation d’«hydrogène propre» vers l’Europe, alors que le continent tente de se détourner des sources russes de combustibles fossiles.

«Les opportunités sont illimitées», a déclaré Ursula von der Leyen dans des réponses écrites aux questions de La Presse Canadienne, à la veille de sa visite au Canada. «Nous devons certainement étendre notre coopération sur cette énergie du futur (…) Pour moi, le plus grand potentiel de notre coopération énergétique réside dans l’hydrogène renouvelable.»

Mme Von der Leyen devait arriver au Canada lundi soir pour une brève visite à Ottawa puis à Kingston, en Ontario, mardi. Cette visite de la leader européenne sera consacrée à l’«énergie propre», au commerce et au soutien à l’Ukraine.

En entrevue par courriel, Mme Von der Leyen a écrit que le Canada pourrait aussi élargir ses exportations de gaz naturel liquéfié, comme étape intermédiaire vers davantage d’exportations d’hydrogène. 

La présidente de la Commission européenne estime aussi que l’accord commercial entre l’Union européenne (UE) et le Canada constitue un moyen de renforcer les liens avec ses alliés, dans un monde turbulent.

Achim Hurrelmann, codirecteur du Centre d’études européennes à l’Université Carleton, ne s’attend pas à des annonces majeures lors de cette visite, qui revêt toutefois une certaine importance, selon lui, puisqu’il s’agit de sa première visite officielle au Canada depuis qu’elle a commencé à diriger la Commission européenne à la fin de 2019. Mme Von der Leyen devait venir au Canada l’automne dernier, mais sa visite a été reportée en raison du décès de la reine Élisabeth II.

«La présidente Von der Leyen vient probablement surtout en Amérique du Nord pour des réunions à Washington. Mais parce que le Canada est un partenaire si solide pour l’Union européenne, elle s’arrête également au Canada, a-t-il souligné. Il n’y a vraiment rien dans la relation Canada-UE qui rendrait cette visite impérative en ce moment.»

De nouvelles règles pour le bois 

Sa visite intervient par ailleurs alors que l’UE met en œuvre de nouvelles réglementations forestières qui ont énervé la délégation canadienne à Bruxelles. En novembre dernier, l’ambassadrice du Canada auprès de l’UE, Ailish Campbell, a fait valoir que les nouvelles règles étaient «lourdes», comme celle d’exiger que les importations de bois aient des données de géolocalisation permettant de retracer la source des arbres.

Dans une lettre obtenue par Politico, Mme Campbell a demandé un report des règles — ou une exclusion pour le Canada, arguant qu’il est l’un des meilleurs pour prévenir la déforestation. La lettre ne mentionnait pas l’exploitation forestière controversée de la forêt ancienne dans des endroits comme le bassin versant de Fairy Creek, sur l’île de Vancouver.

Interrogée sur ces préoccupations, Mme Von der Leyen a déclaré que les mesures ne contiennent «absolument aucune discrimination» car elles amènent les importations aux mêmes normes que celles du secteur forestier européen. «Ces règles stimuleront les opportunités commerciales pour les entreprises et les pays ayant mis en place des pratiques durables», a-t-elle écrit, ajoutant qu’elles correspondent aux promesses faites lors du sommet de l’ONU sur la biodiversité de l’année dernière à Montréal.

Mme Von der Leyen a déclaré que sa visite visait aussi à promouvoir le commerce du Canada avec l’Europe, par le biais d’un accord commercial qui fonctionne depuis cinq ans sous forme de «projet». 

L’Accord économique et commercial global a stimulé d’un tiers le commerce bilatéral, les échanges de marchandises ayant augmenté de 66 %. Pourtant, 10 des 27 pays membres de l’UE n’ont toujours pas pleinement ratifié l’accord, surtout à cause de préoccupations locales concernant les mécanismes que les entreprises peuvent utiliser pour demander une indemnisation et régler les différends.

Les entreprises canadiennes se sont par ailleurs heurtées aux règles strictes de l’UE en matière d’étiquetage des aliments et d’hygiène, telles que les résidus de pesticides et les organismes génétiquement modifiés (OGM). Et les pays de l’UE ont été vigilants sur les appellations d’origine contrôlée, comme le champagne.

Un accord «plus que commercial»

Mme Von der Leyen estime quant à elle que cet accord est plus que simplement commercial, car il établit des règles en matière de durabilité, d’égalité des genres et de droits du travail.

«Avec la guerre de la Russie contre l’Ukraine et ses ondes de choc mondiales, (l’accord) est devenu un pont plus important que jamais, contribuant à la résilience des chaînes d’approvisionnement entre deux proches alliés, aux vues similaires.»

À cette fin, Mme Von der Leyen a remercié le Canada pour sa solidarité après que Moscou a restreint les exportations de carburant sur lesquelles l’Europe compte depuis des décennies.

Elle a aussi rappelé que l’Europe était ouverte à l’importation de gaz naturel liquéfié (GNL) directement du Canada, bien que les analystes aient souligné qu’il faudrait des années avant de créer l’infrastructure nécessaire pour que cela soit possible sur la côte atlantique. «Nous devrions continuer à coopérer sur le GNL, sachant que certaines des installations pourraient ensuite être réaffectées au commerce de l’hydrogène», a-t-elle déclaré.

Pour l’instant, le Canada s’est engagé à rechercher des moyens de faciliter les livraisons de GNL en Europe, par exemple en envoyant du gaz aux États-Unis pour remplacer des combustibles acheminés d’Amérique du Nord. On ne sait pas si l’une de ces expéditions a déjà été organisée. 

Le ministre fédéral des Ressources naturelles, Jonathan Wilkinson, déclarait en août dernier que le Canada pourrait augmenter la production de GNL comme combustible provisoire pour les économies en transition, ou même pour la production de ce qu’on appelle l’«hydrogène bleu». Mais les pays européens ont généralement fait pression pour obtenir de l’hydrogène qui n’est pas produit avec des combustibles fossiles, appelé «hydrogène vert».