La première ministre de l’Alberta défend sa politique de facturation des vaccins

EDMONTON — La première ministre de l’Alberta, Danielle Smith, affirme que la nouvelle politique de son gouvernement, qui oblige de nombreux Albertains à payer de leur poche la vaccination contre la COVID-19, vise à cibler ceux et celles qui en ont le plus besoin.
Cette mesure pourrait créer un précédent à l’échelle du pays, après que le gouvernement fédéral a confié aux provinces la responsabilité de l’achat des vaccins contre la COVID-19 plus tôt cette année.
S’exprimant samedi lors de son émission de radio, le lendemain de l’annonce de la décision par son gouvernement, Mme Smith a déclaré que 135 millions $ ont été gaspillés l’an dernier, les doses étant expirées, en partie parce que les Albertains choisissent de plus en plus de ne pas les prendre.
«Je pense que c’est parce que cela ne fonctionne pas particulièrement bien, si vous voulez la vérité», a déclaré Mme Smith. Un peu moins de 14 % des 4,8 millions d’habitants de l’Alberta ont été vaccinés contre le virus la saison dernière. «Ce sont ceux et celles qui sont en bonne santé, qui choisissent de se faire vacciner après avoir consulté leur médecin, qui auront une priorité moindre», a-t-elle expliqué.
Le gouvernement Smith continuera de financer la vaccination de certaines personnes, notamment celles dont le système immunitaire est affaibli ou qui bénéficient de programmes sociaux. Les aînés vivant en milieu collectif seront également couverts.
Tout cela s’inscrit dans un effort visant à optimiser l’argent des contribuables, a soutenu Mme Smith. «Nous croyons au libre choix des vaccins, mais nous ne payons pas pour tout», a-t-elle déclaré. Elle a souligné la hausse des taux de vaccination contre la grippe, estimés à 21 % l’an dernier, ce qui suggère que les vaccins contre la COVID-19 ne sont pas aussi efficaces que d’autres, comme ceux contre la rougeole.
L’Alberta, aux prises avec une flambée de cas de rougeole jamais observée depuis près de 40 ans, est bien loin du taux de vaccination de 95 % que les experts estiment nécessaire pour protéger la population.
Le gouvernement du Parti conservateur uni (UCP) de Mme Smith ne connaît pas encore le montant que les Albertains, y compris de nombreuses personnes âgées de plus de 65 ans, devront payer pour un vaccin contre la COVID-19. Il estime que ce montant pourrait s’élever à 110 $ par vaccin.
Les vaccins antigrippaux de routine continueront d’être couverts par le régime public.
Une décision qui sème le doute
Les experts en santé publique de l’Alberta affirment que la nouvelle politique provinciale relative à la COVID-19 entraînera davantage d’obstacles à la vaccination. Selon eux, moins de personnes se feront vacciner, ce qui pourrait entraîner une hausse des coûts en raison de possibles hospitalisations et des complications.
La Dre Lynora Saxinger, médecin et experte en maladies infectieuses à l’Université de l’Alberta, a déclaré samedi à La Presse Canadienne que les vaccins contre la COVID-19 et la grippe sont formulés en fonction des changements saisonniers, ce qui rend la priorisation de Mme Smith déroutante. «Ils sont probablement assez similaires quant à leur potentiel de prévention des maladies graves : hospitalisations, décès, et tous les autres effets secondaires qui suivent la grippe et la COVID-19», a-t-elle expliqué.
Elle a souligné que chez les personnes de 65 ans et plus, le risque de pneumonie, de crise cardiaque et d’accident vasculaire cérébral est beaucoup plus élevé après avoir contracté la COVID-19 ou la grippe. La vaccination peut donc réduire considérablement ces risques.
Dans un communiqué de presse, le gouvernement Smith a souligné les directives de la Food and Drug Administration des États-Unis, dirigée par le militant anti-vaccin Robert F. Kennedy Jr. L’agence fédérale de la santé américaine a recommandé l’arrêt de la vaccination des femmes enceintes et des enfants en bonne santé.
La ministre des Soins de santé primaires et préventifs de l’Alberta, Adriana LaGrange, a décliné une demande d’entrevue de La Presse canadienne. Son cabinet a également refusé de dire si Mme LaGrange était d’accord avec l’évaluation de Mme Smith selon laquelle le vaccin contre la COVID «n’est pas particulièrement efficace».
Maddison McKee, attachée de presse de Mme LaGrange, a déclaré dans un communiqué tard vendredi soir que le gouvernement suivait les directives nationales. Cependant, Mme McKee a confirmé samedi que la province ne renonçait pas à une recommandation du Comité consultatif national de l’immunisation du Canada, selon laquelle les travailleurs de la santé devraient se faire vacciner. «Les travailleurs de la santé qui ne font pas partie d’un groupe à risque élevé pourront se faire vacciner», a précisé Mme McKee dans un communiqué.
Mme Saxinger a déclaré que la vaccination des travailleurs ne vise pas seulement à prévenir un risque professionnel, mais aussi à protéger les patients.
Elle a ajouté que les données sur la grippe montrent que la vaccination des travailleurs de la santé réduit le taux de mortalité des personnes vulnérables dont ils ont la charge.
Le Nouveau Parti démocratique (NPD), parti d’opposition, accuse depuis longtemps l’UCP d’être anti-vaccination et demande au gouvernement de mieux promouvoir les bienfaits de la vaccination pour la santé publique.
La porte-parole du NPD en matière de santé, Sarah Hoffman, a déclaré vendredi qu’il était dangereux, insensible et contraire à la science de porter des accusations contre des Albertains qui souhaitent protéger leur santé et celle de leurs proches.
La professeure de droit de la santé de l’Université de Calgary, Lorian Hardcastle, a mis en garde contre les coûts supplémentaires potentiels pour le système de santé et s’est dite préoccupée par le fait que les Albertains reçoivent le message que les vaccins ne sont tout simplement pas si importants.