La pandémie a provoqué l’exode des médecins de famille en Ontario révèle une étude

TORONTO — Le nombre de médecins de famille de l’Ontario ayant quitté la profession au début de la pandémie représente un taux deux fois plus élevé que les années avant que la COVID-19 ne frappe, selon de nouvelles recherches.

Environ 3 % des médecins de famille de la province – 385 médecins – ont cessé de pratiquer entre mars et septembre 2020, selon une étude menée par l’Unity Health Toronto et publiée lundi dans la revue médicale Annals of Family Medicine.

Cela représentait environ 170 000 patients qui ont perdu l’accès à des soins primaires. Cela est supérieur au 1,6 % des médecins de famille qui ont cessé de travailler pendant une période comparable chaque année entre 2010 et 2019.

«La pandémie a rendu la mauvaise situation encore pire dans les soins primaires», a déclaré l’auteure principale, la Dre Tara Kiran, médecin de famille et chercheuse à l’hôpital Saint-Michel, qui fait partie du réseau Unity Health Toronto.

«Nous devons vraiment résoudre ce problème en aidant davantage de personnes à se tourner vers la médecine familiale et les soins primaires.»

La recherche s’appuie sur les chiffres publiés la semaine dernière qui montraient qu’en mars 2020, près de 1,8 million d’Ontariens n’avaient pas de médecin de famille et 1,7 million d’Ontariens supplémentaires avaient un médecin de famille âgé de plus de 65 ans.

«C’est un gros problème pour les patients en Ontario», a soutenu la Dre Kiran.

Lorsque l’Ontario a confiné la province, en mars 2020, elle a également ordonné aux médecins de famille de ne pas voir les patients à moins que cela ne soit absolument nécessaire. Les visites, en personne ou virtuelles, ont chuté de plus de 30 %, a souligné Mme Kiran.

Cela a touché de manière disproportionnée les médecins de famille qui facturent la province pour chaque patient qu’ils voient, ce que l’on appelle le modèle de rémunération à l’acte. Les médecins de famille dans les cliniques sans rendez-vous sont un exemple de ce modèle, a précisé Tara Kiran.

L’étude a révélé que ces médecins représentaient une proportion plus élevée des médecins de famille qui ont quitté la profession par rapport aux médecins qui avaient leur propre liste de patients et étaient payés davantage comme un salarié.

«Pour les médecins rémunérés à l’acte, cela signifiait une énorme baisse de leurs revenus tout d’un coup», a indiqué la médecin. 

«En même temps, ils devaient payer leur personnel, payer leur loyer comme toutes les autres petites entreprises, mais aussi obtenir des équipements de protection individuelle, un contrôle renforcé de la prévention des infections, ce qui était presque impossible à trouver à l’époque.»

Accélérer la retraite 

Les chercheurs ont également constaté que les médecins de 65 ans et plus avaient quitté leur emploi à un taux plus élevé que ceux du même âge à l’époque pré-pandémique.

«Nous émettons l’hypothèse que ce qui s’est probablement passé, c’est que la pandémie et ces stress, défis et inquiétudes ont probablement accéléré leur plan de retraite», a expliqué Mme Kiran.

Et ceux qui avaient des cabinets plus petits – moins de 500 patients – ont également été plus nombreux à quitter leur emploi. 

Les conclusions sont intervenues après que les chercheurs ont examiné le nombre total de visites chez les médecins de la province du 11 mars au 29 septembre 2020 et les ont comparées à la même période l’année précédente.

Ils ont également analysé les années 2010 à 2019 pour déterminer la base de départ de ceux qui partaient chaque année, afin de s’assurer que ce qu’ils ont vu entre le début de la pandémie et l’année précédente n’était pas une erreur.

Ils ont constaté qu’il y avait 12 247 médecins de famille actifs en 2019 et 11 862 actifs de mars à septembre 2020.

La Dre Kiran a fait savoir que les chercheurs interrogent actuellement les médecins pour mieux comprendre pourquoi ils ont quitté la profession. 

Les chercheurs ont également observé que certaines régions avaient une proportion plus élevée de médecins de famille qui ont cessé de travailler, notamment le nord-ouest de l’Ontario, la région du Niagara et la péninsule Bruce sur le lac Huron.

Il y a également eu une proportion plus élevée dans certaines parties de la région de Toronto et à Ottawa, a ajouté Mme Kiran, bien que le problème frappe plus durement dans les régions rurales de l’Ontario.

«Les zones rurales ont un nombre inférieur de médecins pour commencer, donc le départ de quelques-uns d’entre eux a eu un effet plus important sur ces communautés», a-t-elle expliqué. 

Les chercheurs réclament une réévaluation du modèle de rémunération des médecins de famille afin de stabiliser les revenus, a déclaré Mme Kiran.

Ils ont également lancé un site Web, ourcare.ca, pour les patients de partout au Canada afin de leur faire part de ce qu’ils aimeraient voir dans les soins primaires.

«Je pense que lorsque les gens lisent ce type de recherche, il est facile de se sentir déprimé et d’avoir l’impression de vivre dans un système en panne et que les choses vont empirer, a mentionné Dre Kiran. Mais je pense que le public peut faire partie de la solution.»

Le Collège des médecins de famille de l’Ontario a déclaré que les recherches de la Dre Kiran confirment la tendance observée des retraites anticipées par rapport aux années précédant la pandémie.

«Notre système de soins de santé fait face à une crise et cette crise inclut la médecine familiale», a affirmé le Dr Mekalai Kumanan, président de l’organisation à but non lucratif qui représente les médecins de famille.

Moins de médecins de famille dans la province signifie qu’il y aura des taux d’hospitalisation plus élevés et une espérance de vie plus courte lorsque les patients ne sont pas en contact avec un médecin de famille, a indiqué Dr Kumanan. Ces patients mettront également plus de pression sur les systèmes des urgences, a-t-elle déclaré.

«En fin de compte, cela augmente le coût global de notre système de santé, car nous savons qu’il est beaucoup plus rentable de fournir des soins aux patients de manière préventive dans la communauté que d’accéder aux soins à un stade ultérieur lorsqu’ils sont plus malades.»