Droit à l’avortement: charivari en Chambre entre libéraux et conservateurs

OTTAWA — Les esprits se sont échauffés, mercredi aux Communes, quand le gouvernement Trudeau a utilisé une question plantée d’une de ses députées pour accuser les conservateurs québécois d’être restés silencieux face au possible recul du droit à l’avortement aux États-Unis.

«C’est avec stupéfaction et ensuite horreur que j’ai vu les dix députés conservateurs québécois rester muets face à la possible annulation du droit à l’avortement chez nos voisins du Sud», a déclaré l’élue libérale de Pontiac, Sophie Chatel, durant la période des questions.

Son intervention a aussitôt déclenché des cris de protestation de députés conservateurs. «C’est complètement faux!», «Ça va faire les menteries!» et d’autres messages de dénonciation ont fusé. 

Le charivari n’a fait qu’empirer quand le premier ministre Justin Trudeau s’est levé pour répondre à la députée Chatel qu’il partageait «ses sentiments» et pour déplorer que les conservateurs évitent «d’aborder les enjeux qui comptent vraiment pour les femmes et franchement pour tous les Canadiens».

«Honte aux Québécois!», a-t-il lancé en pointant en direction des banquettes conservatrices.

Dès la période des questions terminée, les conservateurs et bloquistes ont exigé des excuses. Le leader parlementaire du Bloc québécois, Alain Therrien, a  reproché à M. Trudeau d’avoir adressé ses remarques à tous les Québécois plutôt qu’à ceux qui siègent dans l’opposition officielle.

Le premier ministre s’est excusé et a précisé que son message visait seulement les députés conservateurs du Québec. Quant aux demandes d’excuses réclamées par les conservateurs, elles sont restées lettre morte.

Gérard Deltell a fait valoir que Mme Chatel a tenu des propos mensongers puisque plusieurs députés de la Belle province se sont exprimés pour défendre le droit à l’avortement sur les réseaux sociaux ou dans des commentaires émis publiquement.

M. Deltell a notamment souligné, mardi en mêlée de presse, que «le droit à la femme de décider si oui ou non elle se fait avorter (..) lui appartient à 100 %».

«On connaît tous les règles parlementaires. On sait qu’on ne peut pas affirmer le contraire de la vérité. (…) J’estime que la députée de Pontiac a erré», s’est-il insurgé en Chambre mercredi.

Mme Chatel a envoyé le signal qu’elle n’avait aucun regret sur les reproches qu’elle a adressés aux conservateurs québécois. «Ici, en cette Chambre, plusieurs députés se sont levés en soutien aux femmes américaines (…) et personne n’aurait dû rester assis», a-t-elle offert.

M. Trudeau a par ailleurs paru agacé en sortant de la Chambre des communes. «Quelle est la nature de vos pensées, monsieur, quand vous bougez vos lèvres d’une façon particulière? (What is the nature of your thoughts, gentleman, wen you move your lips in a particular way?)», a-t-il lancé en anglais. Son père, l’ancien premier ministre Pierre Elliott Trudeau, a déjà formulé une remarque presque identique.