Des règles contournées malgré de nouvelles exigences pour la location à court terme

MONTRÉAL — Les exigences de Québec vis-à-vis Airbnb chamboulent le marché de la location à court terme à Montréal. Certains saluent les changements, tandis que d’autres se précipitent pour échapper aux nouvelles règles.

La semaine dernière, à la suite d’un incendie dans le Vieux-Montréal qui a fait sept morts, dont six qui séjournaient dans des locations à court terme sans permis, Airbnb a annoncé qu’elle supprimerait de son site les annonces illégales au Québec.

Le gouvernement caquiste s’est engagé à déposer un projet de loi pour obliger les autres plateformes à faire de même.

Tourisme Montréal se réjouit de la décision d’Airbnb.

«À Tourisme Montréal, on parle souvent d’être une destination harmonieuse; l’harmonie prend différentes formes dans la ville, mais il n’y a pas d’harmonie quand c’est fait dans l’illégalité», a déclaré en entrevue Aurélie de Blois, porte-parole de l’agence.

«Il ne peut y avoir d’industrie saine si elle est basée sur le non-respect des lois», a-t-elle ajouté.

Mme de Blois mentionne que 9,5 millions de visiteurs sont attendus dans la ville cette année, ajoutant qu’environ 20% des touristes des dernières années ont séjourné dans des locations à court terme. Il devrait y avoir suffisamment de places cette saison dans les hôtels et les locations légales à court terme, selon la porte-parole.

Cependant, les prix des deux types d’hébergement pourraient augmenter et certains touristes pourraient devoir rester en banlieue, précise-t-elle.

Marc-Antoine Vachon, professeur à l’Université du Québec à Montréal et titulaire de la Chaire de tourisme Transat, croit que les nouvelles règles pourraient réduire le nombre d’unités sur le marché, mais celui-ci devrait pouvoir s’adapter.

«Cette année, à très court terme, c’est peut-être un peu plus problématique, mais il serait surprenant que ce soit catastrophique», a-t-il affirmé, ajoutant que cela pourrait faire grimper les prix des hôtels, surtout pendant les périodes particulièrement achalandées.

Dany Papineau a inscrit sa maison sur des plateformes de location à court terme depuis 2012 et a créé un site web pour la location de chalets à court terme WeChalet.

Selon lui, l’interdiction des inscriptions sans numéro d’enregistrement pourrait amener les propriétaires à remettre des unités sur le marché de la location à long terme. D’autres pourraient vendre leurs chalets, a-t-il ajouté.

Toutefois, il dit craindre que la loi proposée n’affecte davantage son entreprise basée au Québec que ses concurrents internationaux — comme Airbnb et Facebook — car il sera plus facile pour le gouvernement de lui infliger des amendes pour des inscriptions illégales.

La réglementation québécoise est confuse, a soutenu M. Papineau. Elle exige que les hôtes obtiennent un permis, indiquent le numéro du permis dans toutes les publicités et s’assurent que leur propriété se trouve dans une zone où les locations à court terme sont autorisées par les règlements municipaux.

«C’est compliqué et ça change tout le temps. Donc pour les gens ordinaires, c’est très difficile de savoir comment ça marche.»

Mais si la nouvelle loi est bien appliquée, croit-il, elle pourrait profiter aux hôtes qui se conforment. «S’ils trouvent un bon moyen de le faire, bien sûr, cela va créer une augmentation de la demande pour les personnes qui ont leurs listes légales, car il y aura moins de concurrence pour eux.»

Le numéro «123456»

Certains hôtes, cependant, semblent tenter de contourner l’interdiction.

Murray Cox, le fondateur d’Inside Airbnb, un site web indépendant qui suit la plateforme, a déclaré que même si presque toutes les annonces québécoises sur le site incluent désormais un numéro d’enregistrement de la Corporation de l’industrie touristique du Québec, il est difficile d’établir combien de ces numéros sont réels.

Il expose que le nombre d’inscriptions actives dans la province avec un numéro d’enregistrement est passé à 2816 le 29 mars contre 1141 le 16 mars.

«Ce sont donc 1675 annonces Airbnb qui ont pu soudainement s’autolicencier presque du jour au lendemain», a-t-il déclaré en entrevue.

Il affirme avoir trouvé 1519 annonces avec des numéros de licence apparaissant dans cinq annonces ou plus, dont 29 annonces utilisant le numéro «123456».

Au total, le nombre de locations à court terme au Québec répertoriées sur Airbnb a chuté de 76 %, et le nombre total d’annonces a été réduit de moitié. M. Cox estime que la plupart de ces propriétés reviendraient sur le marché du logement à long terme.

Dans un courriel, Airbnb a déclaré qu’il appartenait à la province de vérifier si les numéros d’enregistrement sont valides. La société a indiqué que les informations provenant de sites tiers qui extraient des données d’Airbnb peuvent être inexactes, mais n’a fourni aucune de ses propres données.

Sur d’autres sites de location à court terme, Booking.com et Vrbo, La Presse Canadienne a pu trouver des dizaines de nouvelles annonces qui n’incluent pas les numéros de permis.

Booking.com a déclaré qu’il travaillait «en étroite collaboration» avec les municipalités pour s’assurer que les réglementations soient respectées. Si elle est informée d’une propriété enfreignant possiblement les réglementations locales, «nous enquêtons immédiatement et retirerons la propriété du site», a mentionné l’entreprise dans un communiqué.

Vrbo n’a pas répondu aux demandes de commentaires.

La mairesse de Montréal, Valérie Plante, a déclaré qu’il n’est pas surprenant que des gens tentent de contourner l’interdiction. La réglementation devra s’adapter, plaide-t-elle.

Mme Plante estime que le renforcement de la loi pour s’assurer que seuls les propriétaires légaux peuvent apparaître sur la plateforme Airbnb, ou d’autres plateformes de logement à court terme, «est un bon début».