Compagnie de la Baie d’Hudson: don d’édifice à Winnipeg, un acte de réconciliation

WINNIPEG — La Compagnie de la Baie d’Hudson, la plus ancienne entreprise d’Amérique du Nord dont les racines sont liées à la traite des fourrures et aux peuples autochtones du Canada, qualifie le don de son édifice emblématique de Winnipeg à un groupe des Premières Nations d’acte de réconciliation.

Vendredi, le détaillant a annoncé le don de l’immense bâtiment en calcaire vieux de près d’un siècle à l’Organisation des chefs du Sud.

«Nous sommes très fiers que la Compagnie de la Baie d’Hudson puisse aider à être des chefs de file de la réconciliation, a indiqué Richard Baker, gouverneur et président exécutif de la compagnie, vieille de 352 ans, en entrevue. Pendant de nombreuses années, la Compagnie de la Baie d’Hudson et les peuples autochtones du Canada ont coopéré et c’est un nouveau moment de coopération et de partenariat. Nous serrons la main de nos anciens partenaires et construisons une relation pour l’avenir.»

Le grand chef Jerry Daniels a qualifié le don d’étape «historique et monumentale» vers la réconciliation au Canada.

«La vision est vraiment de créer autant d’opportunités que possible, a-t-il souligné. Nous sommes vraiment concentrés sur la réconciliation économique.»

Le puissant symbolisme d’avoir un magasin colonial entre les mains des peuples autochtones sera une «lueur d’espoir», selon M. Daniels.

«Ce sera un endroit où les peuples autochtones se réuniront et travailleront en collaboration pour donner la priorité à nos enfants», a-t-il expliqué. 

Une histoire liée à l’expansion coloniale

La Compagnie de la Baie d’Hudson, maintenant une société de portefeuille avec des biens immobiliers, de grands magasins et des opérations de commerce électronique, a commencé en 1670 en tant qu’entreprise de traite des fourrures.

Son histoire complexe est étroitement liée à l’expansion coloniale, car elle a établi un monopole commercial et exploiteur avec les peuples autochtones.

Le commerce des fourrures a créé une dépendance à l’égard des produits fabriqués en Europe et a introduit des maladies qui ont dévasté les populations autochtones.

La Baie d’Hudson a également revendiqué la souveraineté d’une grande partie des terres, qu’elle a vendues au gouvernement du Canada après la Confédération dans le cadre de son expansion de la vente au détail.

Le magasin de l’entreprise à Winnipeg a ouvert ses portes en 1926.

«La Compagnie de la Baie d’Hudson a fait beaucoup d’argent grâce à la dépossession dans l’Ouest canadien, a expliqué Sean Carleton, professeur adjoint d’histoire et d’études autochtones à l’Université du Manitoba. Le magasin du centre-ville… est en quelque sorte un symbole de cela.»

Un bâtiment à 0 $

L’édifice de Winnipeg — l’un des «six premiers» grands magasins phares emblématiques de l’entreprise — est en déclin depuis de nombreuses années.

Il a reçu la désignation patrimoniale en 2019, mais une évaluation la même année a révélé que le bâtiment valait 0 $ en raison de l’investissement important nécessaire. La Compagnie de la Baie d’Hudson a définitivement fermé le magasin en 2020.

«Offrir un bâtiment qui ne vaut rien (aux peuples autochtones) est également quelque peu approprié en termes de ce qui est offert à la fin de ce processus», a précisé M. Carleton.

Il a ajouté que le bâtiment a beaucoup de potentiel pour être transformé en quelque chose qui correspond aux besoins de la communauté.

300 logements abordables

Le titre de travail du projet est Wehwehneh Bahgahkinahgohn, qui signifie «c’est visible» en anishinaabemowin.

L’immeuble de six étages du centre-ville de Winnipeg sera transformé pour inclure près de 300 logements abordables, une garderie, un musée, une galerie d’art et des restaurants.

Il existe également des projets pour un centre de santé qui englobera à la fois les pratiques médicales occidentales et traditionnelles ainsi que pour un jardin sur le toit.

La façade historique du bâtiment patrimonial sera préservée, tandis que la rénovation intérieure privilégiera les matériaux à faible émission de carbone et la réduction de la consommation d’énergie et des émissions de gaz à effet de serre.

Il deviendra également la future maison de gouvernance des chefs des Premières Nations du sud, qui représentent 34 nations Anishinaabe et Dakota.

La vaste rénovation devrait créer des emplois pendant la phase de construction et d’importants emplois à long terme une fois les travaux achevés. 

Investissements fédéral et provincial

Les gouvernements fédéral et du Manitoba ont respectivement annoncé vendredi des investissements de 65 millions $ et de 35 millions $ pour contribuer à la création de ces nouveaux logements abordables. 

«En réimaginant l’immeuble emblématique de la Compagnie de la Baie d’Hudson au cœur du centre-ville de Winnipeg, l’Organisation des chefs du Sud contribue à la préservation de cet édifice historique, tout en créant près de 300 logements dont les membres des Premières Nations du sud du Manitoba ont grand besoin», a souligné dans un communiqué le premier ministre du Canada, Justin Trudeau. 

De son côté, la première ministre du Manitoba, Heather Stefanson, a indiqué que son gouvernement était fier de «soutenir cet acte de réconciliation sans précédent en travaillant en partenariat avec l’Organisation des chefs du Sud et le Canada sur ce projet de logement et ce projet social incomparable, par et pour les peuples autochtones».

L’investissement de la province sera composé de 10 millions $ alloués à la création de logements abordables, tandis que 25 millions $ seront disponibles par l’intermédiaire du fonds réservé à l’immeuble, en vue de la préservation des éléments patrimoniaux. 

Le montant du fédéral sera un prêt-subvention de 55 millions $ issu de la Stratégie nationale sur le logement. Les 10 millions $ restants seront un prêt à faible coût.