Climat: 25 «signes vitaux» de la Terre atteignent des niveaux records

MONTRÉAL — Un rapport publié mardi par une quinzaine d’éminents climatologues indique que 25 des 35 indicateurs utilisés pour suivre les risques climatiques de la planète, de la température des océans à la perte de la couverture forestière, atteignent des niveaux records.

Les scientifiques qui ont écrit le rapport publié dans la revue BioScience ne se sont visiblement pas donné le mandat de donner de l’espoir aux gens qui souffrent d’écoanxiété.

Leur constat, brutal, se résume dans les quatre premières phrases du rapport.

«Nous sommes au bord d’une catastrophe climatique irréversible. Il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’une urgence mondiale. Une grande partie du tissu même de la vie sur Terre est en péril. Nous entrons dans une nouvelle phase critique et imprévisible de la crise climatique.»

«L’urgence», dans le ton et les mots utilisés par les auteurs, «m’a étonné un peu», mais «c’est justifié», a réagi le professeur de l’Université McGill Eric Galbraith après avoir lu l’article.

«Lorsqu’on regarde les données, on est vraiment dans un état d’urgence et la société globale n’est pas du tout en train de réagir comme il le faut pour éviter un futur vraiment problématique», a résumé celui qui enseigne au Département des sciences atmosphériques et océaniques et au Département des sciences de la Terre et des planètes.

Des indicateurs au rouge

Le rapport intitulé «The 2024 state of the climate report: Perilous times on planet Earth», note que 25 des 35 «signes vitaux» que les climatologues utilisent pour juger de l’état de la planète sont à des niveaux records.

La température des océans, celle à la surface de la Terre, l’acidité des océans, la masse de la glace dans les océans, la consommation totale de combustibles fossiles, la production de viande par personne, la perte de couvert forestier, le pourcentage de journées extrêmement chaudes dans une année, sont des exemples de ce que les auteurs du rapport qualifient d’indicateurs et «de signes vitaux» qui atteignent des niveaux records.

«En tant que scientifiques et universitaires, nous estimons qu’il est de notre devoir moral et de celui de nos institutions d’alerter le plus clairement possible l’humanité sur les menaces croissantes auxquelles nous sommes confrontés et de faire preuve de leadership pour y faire face», peut-on lire dans le rapport.

De la souffrance humaine

Les auteurs du rapport ont dressé une liste d’événements mortels dans la dernière année, qui pourrait être «au moins en partie liée au changement climatique».

En février 2024, des feux de forêt au Chili ont tué 131 personnes et détruit 14 000 résidences. Au printemps 2024 en Afrique de l’Est, des pluies diluviennes ont tué des centaines de personnes alors qu’au Myanmar, à la même période, 1500 personnes sont mortes en raison de chaleur extrême. Ce ne sont que quelques exemples cités dans le rapport qui indique que «le changement climatique a déjà provoqué le déplacement de millions de personnes, avec le potentiel d’en déplacer des centaines de millions, voire des milliards. Cela conduirait probablement à une plus grande instabilité géopolitique, voire à un effondrement sociétal partiel.»

Tarifer le carbone

La réduction rapide de l’utilisation des combustibles fossiles «devrait être une priorité absolue», souligne le rapport.

«Cela pourrait être accompli en partie grâce à un prix mondial du carbone suffisamment élevé qui pourrait limiter les émissions des riches tout en fournissant potentiellement un financement pour des programmes indispensables d’atténuation et d’adaptation au changement climatique», selon les auteurs.

«Une tarification sur le carbone, coordonnée à l’échelle mondiale», serait effectivement «ce qui nous aiderait le plus» à réduire les émissions, a indiqué le professeur Eric Galbraith à La Presse Canadienne.

Mais un tel mécanisme, comme une taxe sur le carbone, n’a pas d’effet direct sur le climat du pays qui l’applique, car les gaz à effet de serre ne connaissent pas de frontières.

C’est ce qui rend l’application de la tarification «très difficile» au niveau politique, selon le professeur Galbraith, car il est compliqué de convaincre une nation de faire des choses «qui sont pour le bien-être du monde entier».

«Nous devons fixer un prix sur le carbone», mais «nous devons aussi rendre l’énergie verte plus abordable», ce qui semble «plus facile à réaliser», a ajouté Peter Douglas, également professeur à l’Université McGill.

Le professeur au Département des sciences de la Terre et des planètes a noté qu’un des seuls aspects encourageants du rapport est justement «que l’utilisation d’énergie renouvelable augmente rapidement, plus rapidement que ce à quoi beaucoup de gens auraient pu s’attendre il y a 10 ans».

Même si les énergies renouvelables sont en croissance, la consommation de combustibles fossiles continue d’être 14 fois supérieure à celle de l’énergie éolienne et solaire, notent toutefois les auteurs du rapport.

Quatorze chercheurs ont participé à la rédaction du document «The 2024 state of the climate report: Perilous times on planet Earth».

Le professeur émérite de l’Université de l’Oregon William Ripple, biologiste et écologue, était à la tête de cette collaboration.