Avortement: la Chambre rejette une motion réitérant le libre choix de la femme

OTTAWA — Une motion bloquiste réitérant le «libre choix» de la femme de se faire avorter ou non a été défaite mardi aux Communes.

La leader parlementaire adjointe bloquiste, Christine Normandin, a tenté d’obtenir le consentement unanime de la Chambre des communes pour faire adopter cette motion, mais des objections ont aussitôt pu se faire entendre.

Selon ce qu’a ensuite affirmé Mme Normandin en mêlée de presse, «c’était des  »non » assez retentissants du côté des banquettes conservatrices».

À Québec, l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité une motion d’appui aux femmes américaines, en proclamant leur droit de recourir à l’avortement.

Durant la période des questions aux Communes, la députée Normandin a demandé à la vice-première ministre Chrystia Freeland  si elle pouvait garantir que le fédéral allait continuer de protéger le droit des femmes à l’avortement.

«Il faut continuer à se battre parce qu’un seul moment d’inattention peut nous ramener des décennies en arrière», a lancé l’élue bloquiste.

Mme Freeland lui a répondu que le gouvernement est résolu «à protéger le droit des femmes de choisir, un droit fondamental». L’échange a été suivi d’un tonnerre d’applaudissements dans la Chambre.

Le premier ministre Justin Trudeau, qui n’était pas en Chambre, a signalé sur Twitter que «le droit de choisir est un droit de la femme, point final». Il a assuré que son gouvernement allait continuer «de protéger et de promouvoir les droits des femmes au Canada et dans le monde».

Pendant ce temps, les députés et sénateurs conservateurs ont reçu une note, mardi matin, leur demandant d’éviter de commenter la nouvelle provenant des États-Unis, découlant d’une fuite d’un document de la Cour suprême américaine.

Quoi qu’il en soit, le député conservateur Gérard Deltell n’a pas hésité à dire que tout recul aux États-Unis n’aurait pas, à son avis, de répercussions au Canada. «C’est un enjeu qui a été réglé il y aura bientôt 50 ans au Canada et c’est tant mieux ainsi», a-t-il répondu aux journalistes avant de se rendre à la période des questions.

«Le droit à la femme de décider si oui ou non elle se fait avorter, ça lui appartient à 100 %», a-t-il ajouté avant d’écarter toute idée que l’enjeu de l’avortement pourrait prendre une place considérable dans la course à la chefferie de son parti.

Le chef néo-démocrate Jagmeet Singh ne craint pas non plus de recul au Canada du droit à l’avortement, mais il a souligné en point de presse qu’il en souhaite un meilleur accès.

M. Singh a rappelé le cas d’une clinique de Frederiction, au Nouveau-Brunswick, qui se fait refuser du financement provincial depuis des années.

Face à ce genre de situations, il est clair aux yeux du chef néo-démocrate que le fédéral doit utiliser la Loi canadienne sur la santé, qui définit les modalités entourant les transferts en santé versés aux provinces.

«Si un gouvernement provincial ne finance pas les soins de santé entièrement, le gouvernement a (cet) outil pour enlever le financement, pour le retirer jusqu’au moment où il commence (à financer) tous les services de santé», a-t-il soutenu.

L’été dernier, le premier ministre Justin Trudeau avait mentionné qu’il retenait des fonds destinés au Nouveau-Brunswick puisque le gouvernement provincial refusait de financer la clinique d’avortement de Fredericton.

La loi du Nouveau-Brunswick interdit le financement gouvernemental des avortements pratiqués ailleurs que dans trois hôpitaux approuvés.

Questionné sur le recours à la Loi canadienne sur la santé, le ministre de la Justice, David Lametti, a répondu que cela pourra faire partie d’une réflexion pour mieux protéger le droit à l’avortement.

«La décision (Morgentaler) est solide donc la position est solide au Canada, mais, quand même, on pourrait réfléchir là-dessus», a-t-il dit en mêlée de presse.

De l’avis de Mme Normandin, il est clair que ce qui se passe aux États-Unis aura un effet d’encouragement sur des groupes qui souhaitent restreindre l’accès à l’avortement au Canada. «Les lobbys sont extrêmement puissants. Ils sont outillés. Ils ont de l’argent. Donc, dans ce contexte-là, il n’y a pas de frontière (…) au niveau des lobbys, de l’argent et de la publicité», a-t-elle commenté.

– Avec des informations de Stéphanie Taylor et de Jocelyne Richer