Alberta: le premier ministre Kenney fustige Danielle Smith qui aspire à sa succession

EDMONTON — Le premier ministre de l’Alberta, Jason Kenney, affirme que le parti qu’il dirige a été fondé sur une Alberta forte au sein de la fédération canadienne et que même s’il s’apprête à quitter son poste, il ne restera pas les bras croisés devant une candidate à sa succession qui lance, à son avis, une initiative risquée, dangereuse et digne d’une république de bananes en moussant son plan pour plus d’indépendance provinciale.

Jason Kenney commentait mardi la promesse de Danielle Smith de présenter dès cet automne un projet de loi sur la souveraineté de l’Alberta, promettant que son gouvernement ignorerait les lois fédérales et les décisions de justice qu’il juge contraires aux meilleurs intérêts de l’Alberta.

« La soi-disant loi sur la souveraineté nous mènerait effectivement au bord de la séparation de la fédération canadienne, détruirait la primauté du droit et causerait des dommages dévastateurs aux emplois, à l’économie et à la perspective de construire des pipelines », a déclaré M. Kenney lors d’une conférence de presse à Calgary.

Il a ajouté que bien qu’il partageait la frustration de certains Albertains à l’égard des politiques fédérales du premier ministre Justin Trudeau, « j’ai toujours été sans vergogne un patriote canadien. Je ne suis pas sur le point de devenir insensible à mon patriotisme ou à mon soutien à la primauté du droit parce que quelqu’un dans une campagne à la direction n’est pas d’accord. »

La loi sur la souveraineté de l’Alberta est la promesse phare de Danielle Smith depuis qu’elle a annoncé cette intention en juin. Elle fait l’objet d’attaques de la part de la plupart des six autres candidats, donnant l’impression qu’elle est la favorite pour remplacer Jason Kenney en tant que chef du Parti conservateur uni et première ministre lors du dépouillement des votes le 6 octobre.

Mme Smith invoque que son projet de loi nécessaire pour contrer le gouvernement fédéral qui, selon elle, sape profondément le développement énergétique de l’Alberta.

La semaine dernière, l’Alberta a annoncé qu’elle s’attend à recevoir un montant record de 28,4 milliards $ en revenus de ressources non renouvelables au cours de la présente année budgétaire.

Mardi, Danielle Smith a réitéré qu’un gouvernement qu’elle dirigerait n’utiliserait la loi sur la souveraineté qu’avec parcimonie, sous réserve d’un vote libre des parlementaires, dans les situations où les droits constitutionnels auraient été violés.

Si le gouvernement fédéral n’aime pas son initiative, elle l’invite à poursuivre l’Alberta en justice. Elle assure que son plan ne consiste pas à quitter la Confédération, mais en fait, à la sauver.

« La restauration et la réaffirmation des droits provinciaux à travers le Canada protégeront toutes les provinces de la portée destructrice d’Ottawa, et sont probablement le seul moyen viable pour le Canada de rester une nation unifiée », a-t-elle écrit.

La semaine dernière, la lieutenante-gouverneure de l’Alberta, Salma Lakhani, a rappelé qu’elle avait le devoir de refuser de promulguer tout projet de loi contraire à la Constitution.

Le professeur de droit Martin Olszynski, de l’Université de Calgary, affirme que les provinces ont désormais le pouvoir de contester le gouvernement fédéral devant les tribunaux et peuvent demander des recours immédiats et des injonctions si nécessaire pendant que les affaires progressent dans le système judiciaire.

«Nous ne décidons pas de la constitutionnalité des lois par un vote populaire ou autre. Ce n’est pas ainsi que fonctionne une démocratie. C’est fondamentalement ce que Mme Smith rejette; elle ne veut pas qu’un tribunal indépendant prenne ces décisions, elle veut les prendre elle-même », selon le professeur Olszynski.

Son collègue Eric Adams, de l’Université de l’Alberta, pense que si l’Alberta veut commencer à ignorer la Constitution, l’affaire deviendrait une question de séparation ou de souveraineté-association, et devrait être traitée comme telle. «Ce sont des questions qui devraient être posées honnêtement, franchement et directement au public albertain», à son avis.

«L’idée qu’une personne qui gagne une course à la direction prenne le contrôle d’un parti et place ensuite une province sur la voie d’une sorte de quasi-indépendance est tout à fait sans précédent dans l’histoire constitutionnelle canadienne. À mon avis, c’est profondément antidémocratique », selon Eric Adams.