Les négociations se poursuivent entre Kyiv et Moscou; les bombardements continuent

KYIV, Ukraine — Les forces russes ont pilonné des zones autour de Kyiv et d’une autre ville ukrainienne pendant la nuit, ont déclaré mercredi des responsables locaux, quelques heures seulement après que Moscou se soit engagée à réduire les opérations militaires dans ces endroits.

Les bombardements ont encore tempéré l’optimisme quant aux progrès possibles lors des pourparlers visant à mettre fin à la guerre.

La Russie n’a pas précisé à quoi ressemblerait exactement une réduction de l’activité militaire, et bien que la promesse ait initialement suscité l’espoir qu’une voie vers la fin de la sanglante guerre d’usure soit à portée de main, le président ukrainien et d’autres dirigeants ont averti que les engagements russes pourraient n’être que des fanfaronnades.

De son côté, Moscou a réagi froidement mercredi au cadre proposé par Kyiv pour un accord de paix, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, affirmant que c’était un «facteur positif» que l’Ukraine ait soumis ses propositions écrites, mais qu’il n’y voyait aucune percée.

Le ministère britannique de la Défense a indiqué que de lourdes pertes avaient contraint certaines unités russes à retourner en Biélorussie et en Russie pour se regrouper, mais que Moscou compenserait probablement toute réduction des manœuvres au sol en utilisant une artillerie de masse et des barrages de missiles. Et l’armée russe a signalé une nouvelle série de frappes de missiles sur des arsenaux et des dépôts de carburant ukrainiens au cours des dernières 24 heures.

Quatre millions de réfugiés

Les Nations Unies ont annoncé que le nombre de réfugiés fuyant le pays a maintenant dépassé le chiffre stupéfiant des quatre millions, tandis que la principale puissance industrielle d’Europe, l’Allemagne, a lancé un avertissement concernant ses approvisionnements en gaz naturel, craignant que la Russie ne suspende ses livraisons à moins qu’elle ne soit payée en roubles.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a réagi avec scepticisme à l’annonce de la Russie ― lors des pourparlers à Istanbul, mardi ― qu’elle réduirait l’activité militaire près de la capitale et de la ville septentrionale de Tchernihiv.

«Nous pouvons qualifier de positifs ces signaux que nous entendons lors des négociations, a-t-il déclaré dans son discours vidéo nocturne au peuple ukrainien. Mais ces signaux ne font pas taire les explosions d’obus russes.»

Ce scepticisme semblait bien placé mercredi matin.

«La soi-disant réduction de l’activité dans la région de Tchernihiv a été démontrée par les frappes ennemies, y compris les frappes aériennes sur Nizhyn, et toute la nuit ils ont bombardé Tchernihiv, a déclaré le gouverneur régional, Viacheslav Chaus. Des infrastructures civiles, des bibliothèques, des centres commerciaux, de nombreuses maisons ont été détruits à Tchernihiv.»

Oleksandr Pavliuk, le chef de l’administration militaire de la région de Kyiv, a déclaré mercredi que les obus russes visaient des zones résidentielles et des infrastructures civiles dans les régions de Bucha, Brovary et Vyshhorod autour de la capitale.

Les attaques se multiplient

Ce ne sont pas les seules attaques de Moscou.

Le porte-parole du ministère russe de la Défense, le général de division Igor Konashenkov, a révélé mercredi que l’armée avait ciblé des dépôts de carburant dans deux villes du centre de l’Ukraine avec des missiles de croisière à longue portée lancés par voie aérienne. Les forces russes ont également frappé un quartier général des forces spéciales ukrainiennes dans la région sud de Mykolaïv, a-t-il dit, et deux dépôts de munitions dans la région orientale de Donetsk.

Donetsk se trouve dans le cœur industriel oriental du Donbass, où l’armée russe affirme avoir changé d’orientation. De hauts responsables militaires russes ont déclaré à deux reprises ces derniers jours que leur objectif principal était désormais la «libération» du Donbass, où les rebelles soutenus par Moscou combattent les forces ukrainiennes depuis 2014.

Certains analystes ont suggéré que l’abaissement apparent des objectifs du Kremlin et la promesse de réduire l’activité autour de Kyiv et de Tchernihiv pourraient simplement refléter la réalité sur le terrain : les troupes terrestres russes se sont embourbées et ont subi de lourdes pertes dans leur tentative de s’emparer de la capitale et d’autres villes.

Cadre détaillé

Pourtant, les grandes lignes d’un éventuel accord pour mettre fin à la guerre sont apparues lors de la dernière série de pourparlers mardi à Istanbul.

La délégation ukrainienne a proposé un cadre détaillé pour un accord de paix en vertu duquel la sécurité d’une Ukraine neutre serait garantie par un groupe de pays tiers, dont les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, la Turquie, la Chine et la Pologne. Entre autres choses, le Kremlin a toujours exigé que l’Ukraine abandonne tout espoir de rejoindre l’OTAN.

Le chef de la délégation russe, Vladimir Medinsky, a déclaré que les négociateurs les soumettraient au président russe Vladimir Poutine, puis que Moscou fournirait une réponse, mais il n’a pas précisé quand.

Le vice-ministre russe de la Défense, Alexandre Fomine, a déclaré que Moscou réduirait entre-temps «fondamentalement (…) les activités militaires en direction de Kyiv et de Tchernihiv» pour «renforcer la confiance mutuelle et créer les conditions de nouvelles négociations».

Les pourparlers devaient reprendre mercredi, mais après ce que le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, a qualifié de progrès «significatifs», les deux parties ont décidé de rentrer chez elles pour des consultations.

Malgré les signes apparents de progrès, M. Zelenskyy a averti le monde et son propre peuple de ne pas s’emballer.

«Les Ukrainiens ne sont pas des gens naïfs, a-t-il déclaré. Les Ukrainiens ont déjà appris au cours des 34 jours de l’invasion et des huit dernières années de guerre dans le Donbass qu’on ne peut se fier qu’à des résultats concrets.»

Intentions douteuses

Les pays occidentaux ont également exprimé des doutes sur les intentions de la Russie.

«Nous jugeons la machine militaire russe par ses actions, pas seulement par ses paroles, a déclaré mercredi à Sky News le vice-premier ministre britannique Dominic Raab. Il y a évidemment un certain scepticisme quant au fait qu’elle se regroupera pour attaquer à nouveau plutôt que de s’engager sérieusement dans la diplomatie.»

Il a ajouté que «bien sûr, la porte de la diplomatie restera toujours entrouverte, mais je ne pense pas que vous puissiez faire confiance à ce qui sort de la bouche de la machine de guerre de Poutine».

Le ministère britannique de la Défense a estimé que l’accent mis par la Russie sur la région du Donbass «est probablement un aveu tacite qu’elle a du mal à maintenir plus d’un axe d’avance significatif».

«Les unités russes subissant de lourdes pertes ont été contraintes de retourner en Biélorussie et en Russie pour se réorganiser et se réapprovisionner, a déclaré mercredi le ministère dans un communiqué. Une telle activité exerce une pression supplémentaire sur la logistique déjà tendue de la Russie et illustre les difficultés que la Russie rencontre pour réorganiser ses unités dans les zones avancées de l’Ukraine.»

Le porte-parole du Pentagone, John Kirby, a déclaré que les États-Unis avaient détecté un petit nombre de forces terrestres russes s’éloignant de la région de Kyiv, mais que cela semblait être un repositionnement des forces, «pas un véritable retrait».

En réponse à l’engagement de Moscou, le président américain Joe Biden et son secrétaire d’État Antony Blinken ont prévenu qu’ils attendraient de voir quelles seraient les actions de la Russie.

M. Blinken a ajouté que les indications russes d’un recul pourraient être une tentative de «tromper les gens et de détourner l’attention».

Ce ne serait pas la première fois. Peu de temps avant l’invasion, l’armée russe avait annoncé que certaines unités chargeaient du matériel sur des wagons et se préparaient à retourner à leurs bases après avoir terminé les exercices. À l’époque, M. Poutine avait manifesté son intérêt pour la diplomatie. Mais dix jours plus tard, la Russie lançait son invasion.

Les responsables occidentaux affirment que Moscou renforce désormais ses troupes dans le Donbass dans le but d’y encercler les forces ukrainiennes. Et le siège meurtrier de la Russie dans le sud se poursuit, avec des civils piégés dans les ruines de Marioupol et d’autres villes dévastées. Les dernières images satellitaires de Maxar Technologies ont montré des centaines de personnes attendant devant une épicerie à Marioupol assiégée au milieu de rapports faisant état de pénuries de nourriture et d’eau.