La Russie affirme que Wagner, avec l’aide de ses troupes, s’est emparée de Bakhmout

KYÏV, Ukraine — Le ministère russe de la Défense a affirmé dimanche matin que les forces du groupe paramilitaire Wagner, avec le soutien des troupes russes, se sont emparées de la ville ukrainienne de Bakhmout en Ukraine.

La déclaration du ministère sur la chaîne Telegram est intervenue environ huit heures après une affirmation similaire du chef de Wagner Evgueni Prigojine. À ce moment-là, les autorités ukrainiennes avaient indiqué que les combats pour Bakhmout se poursuivaient.

La bataille de huit mois pour la ville située dans l’est de l’Ukraine est la plus longue et probablement la plus sanglante du conflit.

Utilisant le nom de la ville datant de l’ère soviétique, le ministère russe a déclaré : «Dans la direction tactique d’Artiomovsk, les équipes d’assaut de la compagnie militaire privée Wagner avec le soutien de l’artillerie et de l’aviation du groupement tactique sud ont achevé la libération de la ville d’Artiomovsk.»

Il n’y a eu aucun commentaire immédiat de la part des responsables ukrainiens au sujet de la dernière affirmation.

Les agences de presse d’État russes ont cité le service de presse du Kremlin comme ayant déclaré que le président Vladimir Poutine «félicite les détachements d’assaut de Wagner, ainsi que tous les militaires des unités des forces armées russes, qui leur ont fourni le soutien et la protection des flancs nécessaires, à l’issue de l’opération pour libérer Artiomovsk».

Dans une vidéo publiée plus tôt sur Telegram, le chef de Wagner, Evgueni Prigojine, a déclaré que la ville était passée sous contrôle russe complet vers midi samedi. Il a parlé flanqué d’environ une demi-douzaine de combattants, avec des bâtiments en ruine en arrière-plan et des explosions entendues au loin.

Après la diffusion de la vidéo, Sergiy Tcherevaty, porte-parole du commandement pour l’est de l’Ukraine, a déclaré à l’Associated Press que l’affirmation du chef Prigojine «n’est pas vraie. Nos unités combattent à Bakhmout». Dans une déclaration sur Facebook, l’état-major ukrainien a déclaré que «les batailles acharnées pour la ville de Bakhmout ne s’arrêtent pas».

Mykhaïlo Podoliak, conseiller du président ukrainien Volodymyr Zelensky, a rappelé que «ce n’est pas la première fois que Prigojine dit “nous avons tout saisi et nous dominons”». Il a suggéré que la déclaration du chef de Wagner visait à détourner l’attention des récents voyages très visibles de M. Zelensky à l’étranger, notamment au sommet du G7 au Japon samedi.

Les combats font rage à Bakhmout et dans ses environs depuis plus de huit mois.

Un tournant potentiel

Même si les forces russes ont réellement pris le contrôle de Bakhmout, elles auront toujours fort à faire pour s’emparer de la partie restante de la région de Donetsk.

La Russie et l’Ukraine ont toutes deux subi des pertes importantes à Bakhmout, mais aucun bilan officiel n’a été publié. Les estimations seraient toutefois dans les milliers de victimes.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a souligné l’importance de défendre Bakhmout lors d’une entrevue avec l’Associated Press en mars dernier, affirmant que sa chute pourrait permettre à la Russie de rallier le soutien international nécessaire pour forcer Kyiv à accepter de faire des concessions à Moscou.

Selon de nombreux analystes, la chute de Bakhmout serait un coup dur pour l’Ukraine et offrirait des avantages tactiques à la Russie, sans toutefois signifier la fin de la guerre.

Les provinces de Donetsk et de Louhansk constituent le Donbass, le cœur industriel de l’Ukraine, où un soulèvement séparatiste a commencé en 2014, et que Moscou a illégalement annexé en septembre.

Bakhmout, située à environ 55 kilomètres au nord de la capitale régionale sous contrôle russe de Donetsk, avait une population d’avant-guerre de 80 000 habitants et était un important centre industriel, entouré de mines de sel et de gypse.

La ville, qui a été nommée Artiomovsk d’après un révolutionnaire bolchevique lorsque l’Ukraine faisait partie de l’Union soviétique (URSS), était également connue pour sa production de vin mousseux dans des grottes souterraines. Ses larges avenues bordées d’arbres, ses parcs luxuriants et son centre-ville majestueux avec ses imposantes demeures de la fin du XIXe siècle — toutes maintenant réduites à un terrain vague fumant — en ont fait une destination touristique populaire.

Lorsqu’une rébellion séparatiste a englouti l’est de l’Ukraine en 2014, quelques semaines après l’annexion illégale par Moscou de la péninsule ukrainienne de Crimée, les rebelles ont rapidement pris le contrôle de la ville, pour la perdre quelques mois plus tard.

Après que la Russie s’est tournée vers le Donbass à la suite d’une tentative ratée de s’emparer de Kyiv au début de l’invasion de février 2022, les troupes de Moscou ont tenté de prendre Bakhmout en août, mais ont été repoussées.

Les combats y ont diminué à l’automne alors que la Russie était confrontée à des contre-offensives ukrainiennes à l’est et au sud, mais ils ont repris à plein régime à la fin de l’année dernière. En janvier, la Russie a capturé la ville minière de sel de Soledar, juste au nord de Bakhmout, et s’est rapprochée de la banlieue de la ville.

D’intenses bombardements russes ont visé la ville et les villages voisins alors que Moscou menait un assaut par trois côtés pour tenter d’achever la résistance dans ce que les Ukrainiens appelaient la «forteresse Bakhmout».

Des mercenaires de Wagner ont été le fer de lance de l’offensive russe. Evgueni Prigojine a tenté d’utiliser la bataille pour la ville pour étendre son influence au milieu des tensions avec les principaux chefs militaires russes qu’il a durement critiqués.

«Nous avons combattu non seulement les forces armées ukrainiennes à Bakhmout. Nous avons combattu la bureaucratie russe, qui a jeté du sable dans les roues», a déclaré le chef Prigojine dans sa vidéo samedi.

Le bombardement incessant de l’artillerie russe a laissé peu de bâtiments intacts au milieu de batailles féroces de maison en maison. Les combattants de Wagner «ont marché sur les corps de leurs propres soldats», selon des responsables ukrainiens. Les deux parties ont dépensé des munitions à un rythme jamais vu dans aucun conflit armé depuis des décennies, tirant des milliers de coups par jour.

Le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou, a affirmé que la prise de la ville permettrait à la Russie de pousser plus loin son offensive dans la région de Donetsk, l’une des quatre provinces ukrainiennes que Moscou a illégalement annexées en septembre.