Donald Trump tenu responsable, au civil, d’avoir agressé sexuellement E. Jean Carroll

NEW YORK — Un jury dans une poursuite au civil a conclu mardi que Donald Trump était responsable d’avoir agressé sexuellement E. Jean Carroll en 1996. 

Le jury a accordé à la chroniqueuse 5 millions $ en dommages, dans un jugement qui pourrait hanter l’ex-président, alors qu’il fait campagne pour regagner la Maison-Blanche.

Le verdict a été annoncé dans une salle d’audience fédérale à New York au tout premier jour des délibérations. Les jurés ont rejeté les allégations de Mme Carroll selon lesquelles elle avait été violée, mais ils ont déclaré M. Trump responsable de l’avoir agressée sexuellement et d’avoir tenu à son égard des propos diffamatoires, lorsqu’elle l’a dénoncé publiquement.

Dès l’annonce du verdict, M. Trump s’est immédiatement tourné vers son site de médias sociaux, affirmant à nouveau qu’il ne connaissait pas Mme Carroll et qualifiant le verdict de «honte» et de «continuation de la plus grande chasse aux sorcières de tous les temps».

Le résultat de ce procès constitue par ailleurs une validation pour Mme Carroll, l’une des près de quinze femmes qui ont accusé M. Trump d’agression ou de harcèlement sexuel.

Le juge de district Lewis A. Kaplan avait livré ses directives aux neuf jurés pendant environ une heure mardi matin. Le jury s’est ensuite retiré un peu avant midi et il a prononcé ses verdicts vers 15 h.

M. Trump, qui n’a pas assisté au procès, a martelé dans un témoignage vidéo qu’il n’avait jamais agressé sexuellement Mme Carroll — il a même soutenu qu’il ne la connaissait pas.

Le juge Kaplan avait expliqué aux jurés mardi matin qu’ils devraient décider d’abord s’il y avait plus de 50 % de risques que M. Trump ait violé Mme Carroll dans une cabine d’essayage d’un magasin. S’ils répondaient oui à cette question, ils devraient décider si des dommages-intérêts compensatoires et punitifs devraient être accordés à la plaignante.

Mais même s’ils répondaient non à la question sur le viol, ils pourraient alors décider que M. Trump l’avait soumise à une agression  sexuelle, impliquant des contacts sexuels sans son consentement ou des attouchements forcés pour la dégrader ou satisfaire ses pulsions.

Dans l’un ou l’autre de ces cas, les jurés devraient décider si des dommages-intérêts étaient appropriés.

Les allégations de diffamation découlaient par ailleurs d’une déclaration faite par M. Trump sur les réseaux sociaux en octobre dernier. Le juge Kaplan a expliqué aux jurés qu’ils devraient cette fois parvenir à une conclusion basée sur une prépondérance des probabilités plus élevée – «des preuves claires et convaincantes».

Cela signifie qu’ils devraient convenir qu’il était «hautement probable» que la déclaration de M. Trump était fausse et avait été faite de manière malveillante avec une intention délibérée de blesser, ou par haine ou par mauvaise volonté, avec une insouciance grave pour les droits de Mme Carroll.

«Une histoire inventée» 

Dans ses plaidoiries finales, lundi, l’avocat de M. Trump, Joe Tacopina, avait déclaré au jury que le récit de Mme Carroll était trop farfelu pour être cru. Il a soutenu que cette plaignante avait inventé cette histoire pour mousser les ventes d’un livre, en 2019, dans lequel elle a d’abord révélé publiquement ses allégations — et dans le but de dénigrer M. Trump pour des motifs politiques.

L’avocate de Mme Carroll, Roberta Kaplan, a cité des extraits de la déposition de M. Trump enregistrée en octobre et ses célèbres commentaires sur une vidéo de l’émission «Access Hollywood» de 2005. Il déclarait à l’époque que les personnalités publiques pouvaient se permettre de saisir les femmes par l’entrejambe sans demander de permission et sans subir de conséquences.

Me Kaplan a exhorté les jurés à croire sa cliente. «Il n’a même pas pris la peine de se présenter ici en personne», a-t-elle déclaré, faisant référence à l’absence de M. Trump du tribunal pendant les deux semaines d’audiences. 

Mme Carroll, âgée de 79 ans, a témoigné qu’elle avait eu une rencontre fortuite avec M. Trump au magasin Bergdorf Goodman, en face de la «Trump Tower», à New York. Elle a soutenu qu’il s’agissait d’abord d’une interaction badine, au cours de laquelle ils se sont taquinés à propos d’essayer une pièce de lingerie, avant que M. Trump ne devienne violent dans une cabine d’essayage.

Me Tacopina a dit au jury que Mme Carroll avait inventé cette histoire après avoir entendu parler d’un épisode de la télésérie judiciaire «Law and Order» de 2012, dans lequel une femme est violée dans une cabine d’essayage de la section lingerie d’un magasin Bergdorf Goodman, justement.

Deux proches de Mme Carroll ont témoigné qu’elle leur avait parlé de la rencontre avec M. Trump peu de temps après qu’elle se soit produite — et plusieurs années avant la diffusion de l’épisode.