Vous avez des questions sur le phragmite et les milieux humides?

L’équipe de l’Association du Marais-de-la-Rivière-aux-Cerises (LAMRAC) souhaite réagir à l’article publié la semaine dernière au sujet de la propagation du roseau commun, répondant au nom scientifique Phragmites australis, dans les milieux humides comme le territoire du marais de la Rivière-aux-Cerises.

Le phragmite est effectivement une plante exotique envahissante qui menace l’intégrité écologique en s’implantant telle une monoculture dans les milieux humides du Québec, et il est important de s’en préoccuper.

D’ailleurs, il faut savoir que de nombreux intervenants s’y intéressent. Fondé en 2003, le groupe multiuniversitaire PHRAGMITES étudie les méthodes d’éradication et les modes de dissémination de la plante. Le groupe de recherche a d’ailleurs diffusé très récemment de toutes nouvelles données! Un reportage très intéressant a été présenté sur le sujet à l’émission «Le code Chastenay» du 15 novembre.

Localement, une équipe de l’Université de Sherbrooke a déposé, en 2007, une étude de la cartographie et de la dispersion de la plante au marais de la Rivière-aux-Cerises. Malgré tous ces travaux, ce roseau demeure une des espèces végétales envahissantes les plus agressives et son élimination complète s’avère impossible pour l’instant. Les spécialistes préconisent donc le contrôle et la prévention.

Dans certains secteurs accessibles du Marais, nous faisons régulièrement des interventions qui consistent en des coupes successives pour limiter la croissance de la plante et éviter la dispersion des semences du roseau commun. Nous effectuons également un suivi de l’évolution des colonies pour faire suite à l’étude de 2007. Que faire de plus?

Puisqu’il s’agit d’une lutte, intéressons-nous à l’histoire et aux qualités physiologiques de notre adversaire. Le roseau commun est présent en Amérique du Nord depuis plus de 3000 ans. C’est toutefois un génotype européen, introduit au cours des derniers siècles via le transport maritime sur le fleuve Saint-Laurent qui est à l’origine des envahissements. Plutôt épars jusqu’à la fin des années 1950, le roseau commun s’est enraciné dans nos paysages suite aux perturbations que nous avons fait subir à notre paysage : dragage, excavation, aménagement des routes et remblais de milieux humides à des fins immobilières ont permis à la plante de s’implanter ici et là. La flore indigène colonisant beaucoup plus lentement ces espaces bouleversés, le phragmite gagne facilement la partie. Effectivement, avec son système racinaire très efficace et tolérant aux sels de déglaçage, la plante s’impose… à peine une quenouille ici et là. De plus, une fois implantés, les denses plumeaux de cette graminée produisent des semences dont la dispersion est facilitée par les voies aériennes et aquatiques.

S’il n’est pas possible d’éradiquer les colonies, comment les contrôler? L’usage d’herbicide est évidemment à proscrire, tout particulièrement en milieu aquatique. De toute façon, ces toxiques se sont montrés incapables de détruire le dense réseau racinaire. La meilleure option de lutte à ce jour est de faucher la plante de manière continue afin d’épuiser ses réserves et surtout, de limiter la production de semences. Mais avant tout, il s’agit de réfléchir à notre mode de développement et de notre rapport à l’environnement. Lors de travaux d’excavation et de manipulation du sol, il faut disposer de la terre contaminée par la présence de fragments de racines de manière sécuritaire. Ce que nous rapportent les récentes études scientifiques, c’est l’importance de semer et de planter des végétaux indigènes dès que des travaux mettent à nu le sol, de sorte que ces plantes limitent dès que possible la germination des graines de phragmite. Il faut donc que les autorités responsables de l’entretien des routes et des fossés se sentent concernées et que les bonnes pratiques en matière d’aménagement et de gestion des sols soient communiquées aux entrepreneurs concernés.

Il existe une liste de plantes exotiques envahissantes à surveiller et, surtout, à ne pas propager. Pour en savoir plus, passez consulter la documentation disponible à l’écovitrine du Centre d’interprétation du Marais ou consultez les sites suivants :

Réseau de surveillance de plantes exotiques envahissantes. www.usgl.org

Groupe de recherche Phragmites. www.phragmites.crad.ulaval.ca

Le code Chastenay. www.video.telequebec.tv/video/9020

Marianne Guilmette, chargée de projets

Association du Marais-de-la-Rivière-aux-Cerises