Une artiste plus grande que nature

BRONZE. Jouissant d’une réputation internationale et ayant déjà vendu près d’un millier de ses œuvres en bronze – dont certaines à plus de 100 000 $ -, l’artiste magogoise Nicole Taillon aurait toutes les raisons du monde de couler une paisible retraite, ou encore de poursuivre son travail créatif en catimini. Et pourtant, c’est avec beaucoup de fébrilité qu’elle donne accès à une partie de son intimité en ouvrant sa propre galerie d’art, à l’intérieur même de sa résidence.

Située au 160 du chemin Roy à Magog (presque en face du Centre d’interprétation du Marais), la Galerie Taillon Carpe Dieme ouvrira officiellement ses portes ce week-end, les 3 et 4 décembre de 11 h à 17 h.

En plus d’y exposer les œuvres de l’artiste-propriétaire, l’endroit met en lumière les tableaux d’une vingtaine d’artistes-peintres tels que Tex Lecor, Guy Labbé et Pierrette Voghel, ou encore ceux des Magogoises Manon Potvin et Lucie Saint-Jean. «Je veux amener mes artistes à exposer éventuellement dans le reste du Canada et aux États-Unis», lance-t-elle avec une dose d’ambition.

En prime, la Galerie Taillon loge dans une maison ancestrale, dont la construction remonterait à plus de 200 ans. «Selon ce qui est inscrit sur l’un des murs, la résidence date d’au moins 1815. C’est possiblement la plus ancienne maison de Magog», lance fièrement Nicole Taillon, en vantant la qualité des murs de pierre et leur épaisseur de 28 pouces.

Même si elle a été acclamée dans plusieurs expositions à travers le monde, Nicole Taillon ignore encore si sa nouvelle galerie d’art saura intéresser le grand public, à quelques jours de son inauguration officielle. «Quand on travaille plusieurs mois sur un projet, on se demande toujours qu’elle sera la réponse des gens. En fait, je n’ai aucune idée de ce qui m’attend», ajoute-t-elle sur un ton incertain.

Un premier prix mal reçu

Cette incertitude qui caractérise Nicole Taillon ne date pas d’hier. Malgré son talent qui transcende les frontières, elle s’est maintes fois remise en question, particulièrement au début de sa carrière.

Lorsqu’elle a remporté le premier prix d’un important concours artistique à 19 ans, avec un portrait aussi sublime que troublant, la jeune peintre de l’époque s’est sentie dépassée par les événements. «Ça a créé de la jalousie parmi les autres artistes, et je pensais que je ne méritais pas ce prix. J’ai donc cessé la peinture pour éviter d’être confrontée à nouveau à une telle situation».

La sculpture sur bronze est arrivée dans sa vie peu de temps après, et ce fut le début d’une aventure qui dure depuis 35 ans.

Et ce, même si ses premières amours continuent de la hanter. «Peindre des tableaux me manque encore. Voilà pourquoi on retrouve beaucoup de couleur sur mes sculptures», explique celle qui demeure à Magog depuis 1992, après avoir vécu une dizaine d’années à North Hatley.

Si elle est, somme toute, peu connue à Magog, Nicole Taillon n’a plus besoin de présentation dans certains pays.

Elle a même déjà été invitée à la Maison-Blanche, en plus d’avoir droit à une dédicace du célèbre parolier Eddy Marnay, dans un cahier illustrant ses créations. «C’est vrai que je semble être plus connue à l’extérieur, mais ça ne m’offusque pas. Il faut préciser par contre que j’ai vendu des œuvres dans plusieurs pays, sans nécessairement être présente. Parfois, des clients ont aussi commandé sur internet sans avoir vu la sculpture en vrai».

Si vous avez déjà visité le Vieux-Québec, peut-être avez-vous aperçu l’imposante statue de bronze intitulée «Le Grand Bienvenue» (près de la Caisse populaire). Celle-ci a été réalisée par Mme Taillon il y a quelques années déjà. «On me dit que c’est la statue la plus photographiée à Québec. J’en suis bien heureuse».

Née dans un bidonville

Qu’ont en commun la Suisse, l’Italie, le Japon, la Croatie, la Californie, New York et Cape Canaveral? Ce sont tous des endroits où l’on peut retrouver des sculptures de Nicole Taillon.

Au fil des confidences, la populaire artiste reconnaît que ses œuvres ont beaucoup voyagé et que certaines ont côtoyé les riches et célèbres de ce monde.

Mais elle est bien loin de s’autocongratuler face à cette renommée, ayant même toujours éprouvé un certain malaise face au succès. «Le bronze est un matériau très dispendieux et ça rend le coût de mes œuvres très élevé. Moi-même, je ne serais pas capable d’acheter mes sculptures», donne-t-elle en exemple.

«Je me suis longtemps demandée si je travaillais seulement pour les riches. Mais, au fil des ans, j’ai compris que les gens pouvaient apprécier l’art sans être obligés d’acheter une œuvre», fait-elle valoir.

Si Nicole Taillon est autant sensible face aux autres, c’est qu’elle n’a jamais renié ses racines, étant issue d’un milieu particulièrement modeste. «Je suis née au printemps à Sainte-Monique de Honfleur (près du Lac Saint-Jean), dans une cabane qui s’apparentait plus à un bidonville qu’à une maison. Nous n’avions ni eau, ni toilette. Ma mère a passé l’hiver enceinte de moi, en s’occupant de trois autres enfants plutôt turbulents, pendant que mon père travaillait sur un barrage à l’extérieur», se remémore-t-elle.

«Malgré tout ça, j’estime avoir eu une enfance heureuse et ça m’a permis de constater que les Québécois étaient des gens très courageux. Même s’ils partent de loin, ils peuvent réussir de grandes choses».

La Galerie Taillon est ouverte les samedis et dimanches de 11 h à 17 h. Info: taillongallery.com