Retraite émotive pour Dr Claude Gravel à 71 ans

DÉPART. Le médecin Claude Gravel qui a mis au monde plus de 2000 enfants n’arrivait pas à prendre sa retraite. Il ne voulait pas abandonner ses 1400 patients, ayant réussi à en replacer près de 350. Les autres sont sur des listes d’attentes, à son grand désarroi.

Âgé de 71 ans, il était considéré comme l’un des plus vieux médecins généralistes de l’Estrie, après 47 ans de service. Il avait tellement l’âme à soigner qu’il était incapable de rester insensible devant les besoins de ses patients, dont certains ont même pleuré de se retrouver «orphelins» dans le système de santé. Pourquoi donc? «J’adore mes patients!», lance-t-il, pendant que sa conjointe montre une multitude de cartes de souhaits reçues de plusieurs, garnissant le piano. Celui qui a fondé deux cliniques médicales, dont celle face au CSSS de Memphrémagog (CSSSM), où il a œuvré jusqu’au 15 octobre dernier, avait finalement pris sa décision de quitter en septembre.

«J’y songeais depuis 5-6 ans. J’étais fatigué», soutient le médecin qui ne calculait pas les heures de boulot et n’hésitait pas à prolonger sa longue journée pour ausculter une personne supplémentaire mal en point.

Le médecin avoue humblement qu’il se sentait de plus en plus envahi par ce qu’il appelle la paperasse médicale, voulant quand même prendre le temps de bien soigner à son goût. Sans compter que les systèmes informatiques n’étaient pas toujours compatibles d’un hôpital à l’autre et que les listes d’attente l’exaspéraient. «Par exemple, j’avais un patient au genou fracturé qui était sur une liste d’attente depuis neuf mois! J’avais pourtant écrit urgent sur son dossier», s’insurge le dévoué personnage.

Selon lui, la goutte qui a fait déborder le vase est le projet de loi 20 du ministre de la santé Gaétan Barrette qui proposait des quotas de patients, sinon les médecins voyaient leur salaire amputé. «Désolé, mais quand j’ai dans mon bureau une dame de 80 ans, je ne peux pas prendre seulement 15 minutes avec elle», reproche l’homme qui était aux petits soins avec ses patients.

Ayant débuté sa carrière avec une centaine d’heures de travail par semaine, il a diminué après avoir eu trois enfants, dont sa fille est actuellement urgentologue. «Il s’est dévoué pour les familles de Magog», insiste celle qui partage sa vie depuis 1983, Andrée Chartrand.

Inoubliables souvenirs

Dr Gravel conserve de nombreux souvenirs de sa pratique médicale, dont celui d’avoir effectué le dernier accouchement au CSSSM avant que l’obstétrique soit transféré au CHUS à Sherbrooke. Il se souvient aussi d’avoir perdu conscience en début de carrière, époque où il n’y avait pas d’échographie. «Un bébé était né sans cerveau. Je me suis senti mal en le voyant», raconte-t-il, précisant que ce type d’enfant ne survit que quelques heures.

Son dévouement s’est également manifesté envers les handicapés, puisqu’il s’est aussi investi dans l’organisme Han-logement. Les Résidences Gravel-Viens portent d’ailleurs son nom en son honneur pour avoir notamment cédé le terrain à l’organisme.

Depuis 12 ans, Dr Gravel part soigner en République Dominicaine pendant trois mois d’hiver, dans une minuscule clinique, sans civière. «Là-bas, il n’y a pas de dossier médical. Je soigne surtout des blessures d’accident de moto», témoigne-t-il, soulignant avoir vu une famille de trois avec un porc attaché sur une moto.

Il indique y retourner à nouveau dès la mi-décembre, apportant en plus un vélo pour un enfant. En retraite? Oui, un peu, quand même.