On parlait aussi de politique à Magog en 1966

Avec la tenue d’élections municipales et provinciales à cinq mois d’intervalle en 2013 et en 2014, certains ont peut-être eu l’impression qu’il n’y en a eu que pour la politique depuis quelque temps. Ce n’est pas qu’une impression. Depuis décembre 2002, les Magogois ont été appelés aux urnes à 13 reprises pour choisir leurs représentants aux différents paliers de gouvernement. La présence de gouvernements minoritaires, tant à Québec qu’à Ottawa, explique en partie ce phénomène.

Cette intense période d’activité politique n’est toutefois pas sans précédent à Magog. Ceux qui ont une mémoire aiguisée se souviennent par exemple des nombreux rebondissements du printemps 1966, un des plus chargés de l’histoire récente de notre ville.

Avant que l’on parle de politique, on a d’abord beaucoup parlé de syndicalisme. Six ans après le dénouement de la grève la plus longue jamais vue à la Dominion Textile, plus de 2000 travailleurs de la filature et de l’imprimerie décident à nouveau de quitter le travail en avril 1966. Dans une ville qui ne compte que 13 000 habitants, cette nouvelle avive une fois de plus les inquiétudes, tant dans les familles ouvrières que chez les commerçants locaux.

C’est dans ce contexte qu’éclate une bombe : l’annonce le 16 mai de la démission du maire Gérard Laurendeau, environ 18 mois après le début de son mandat. Cette nouvelle met un terme à des semaines de tensions et de spéculations qui ont miné le climat à l’hôtel de ville. Deux vétérans de la politique locale, Maurice Théroux et Ovila Bergeron, se font face pour lui succéder lors d’un scrutin qui se termine à l’avantage de Bergeron, le 22 juin.

Cette campagne se déroule parallèlement à une autre. En effet, voulant profiter d’un contexte qu’il juge avantageux, le premier ministre Jean Lesage a décidé le 18 avril de convier prématurément les Québécois aux urnes pour le 5 juin 1966. Une campagne de sept semaines s’amorce, une éternité par rapport aux 33 jours qui ont précédé les élections du 7 avril 2014.

Bien que libéral depuis 1960, le comté de Stanstead, qui a été défendu par l’Union nationale entre 1948 et 1960, est considéré «prenable» par les deux grands partis. Pour remporter la victoire, les «rouges» misent sur le député sortant, Georges Vaillancourt de Coaticook, alors que les «bleus» comptent sur le Magogois Lorne MacPherson, dont le père et le grand-père ont été maires de Magog.

Visiblement nerveux, les libéraux ne lésinent pas sur les moyens. Le premier ministre Lesage fait un passage remarqué à Coaticook. Puis, le 29 mai, une des figures de proue de l’équipe du tonnerre, le ministre de la Famille et du Bien-être, René Lévesque, s’adresse aux électeurs au Centre des loisirs de la rue Saint-Patrice, à Magog.

Le 5 juin, Vaillancourt est réélu. Mais sur la scène provinciale, les libéraux s’inclinent devant l’Union nationale qu’ils ont pourtant devancée de 150 000 voix !

La frénésie politique passée, Magog, dont les ouvriers sont toujours en grève, reste au centre de l’actualité. En juin 1966, le nouveau premier ministre, Daniel Johnson, est d’ailleurs de passage dans notre ville. Puis, Pierre Bourgault, chef du Rassemblement pour l’indépendance nationale (RIN), rend visite aux Magogois en août, quelques jours avant le dénouement du conflit dans le textile. Peu de gens se doutent alors que cet épisode mouvementé sera suivi par un demi-siècle de paix industrielle dans les usines locales.

 

Serge Gaudreau, SHM