Magog, laboratoire pour les villes intelligentes

De 2004 à 2009, le déclin du secteur manufacturier a fait perdre près de 4 000 emplois à Magog. Mais la ville de 27 000 habitants s’est relevée. Afin d’attirer des entrepreneurs, elle a décidé de devenir un laboratoire pour les technologies destinées à la ville intelligente, tout en accompagnant en parallèle les petites entreprises réutilisant les bâtiments laissés vacants du parc industriel.

Par Étienne Plamondon Émond

 

 Le lac Memphrémagog, le mont Orford, l’ambiance familiale d’une petite ville : ce cadre de vie serein a motivé David Hurtubise à déménager son entreprise, HB Pictures, à Magog. Fondée à Sherbrooke, cette PME est spécialisée dans les effets spéciaux et les animations 3D.

L’accès plus rapide en voiture vers Montréal, terreau des artistes dans le secteur numérique, a aussi pesé dans la balance. Mais il y a plus : 25 entreprises du secteur des technologies de l’information et des communications (TIC) se sont installées dans cette ville de l’Estrie au cours des 18 derniers mois. En 2014 seulement, 70 nouveaux emplois ont été créés dans ce secteur. Et ce n’est pas dû au hasard.

Attirer les entreprises technologiques

En 2011, la ville de l’Estrie a créé un nouvel outil de développement économique : Magog Technopole. La région venait tout juste de subir l’effondrement de son industrie manufacturière, dont les piliers étaient le textile, l’automobile et l’imprimerie.

Élue mairesse de Magog en 2009, Vicki May Hamm s’est donné comme mission de diversifier l’économie. Elle s’est attaquée à deux fronts : trouver des entreprises souhaitant reprendre les bâtiments laissés vacants dans le parc industriel, d’un côté, et stimuler au coeur de la ville le développement des entreprises dans le domaine des TIC, de l’autre.

Comme ce dernier secteur d’activité suscite la convoitise de nombreuses régions, la municipalité a investi 500 000 $ au départ afin de mener des études de marché et une réflexion pour trouver un créneau. «On n’associe pas nécessairement d’emblée les TIC à la ville de Magog, soulève André Métras, directeur général de Magog Technopole. Il y avait tout un travail à faire pour se donner notre propre identité et voir comment on pouvait attirer les entreprises technologiques.»

Les TIC «vertes» ont été déterminées comme un axe porteur. Mais surtout, «on a décidé d’offrir un laboratoire urbain aux entreprises», explique Vicki May Hamm. Par exemple, comme la municipalité est propriétaire de son propre réseau électrique par l’intermédiaire d’Hydro-Magog, elle permettra aux entreprises sur place de tester des solutions d’éclairage intelligent.

«C’est beaucoup plus facile pour nous d’offrir un accompagnement et un laboratoire urbain que ce ne l’est pour une trop grosse ou une trop petite ville, croit Mme May Hamm. Tous les services sont là, mais on préserve l’échelle humaine. Puis, c’est relativement facile de faire un maillage entre les entreprises et nos équipes.»

Dans son plan d’action triennal, Magog Technopole s’engage à favoriser chaque année trois projets-pilotes associés à la ville intelligente. «Pour les entreprises, avoir accès à une ville qui veut devenir intelligente devient un « sprint » technologique fort intéressant», dit M. Métras.

Aujourd’hui, la Ville de Magog continue d’investir 200 000 $ par année dans Magog Technopole. La MRC de Memphrémagog a affecté un fonds aux entreprises dans le domaine des TIC, exclusivement. Magog y a injecté 50 000 $ en 2014, puis le même montant l’année suivante. HB Pictures, par exemple, a touché 10 000 $ grâce à ce fonds au moment de trouver pignon sur rue.

Magog a entrepris des discussions avec un propriétaire de locaux autrefois utilisés par la Dominion Textile afin d’y implanter un incubateur destiné aux entreprises technologiques. Pour l’instant, ce projet est en veilleuse. Un plus petit incubateur, dans un bâtiment abritant une poignée d’entreprises, a tout de même été mis en place dans la rue principale. Un local près du centre-ville vient tout juste de se voir accorder la même vocation. «On continue à faire de l’incubation et de l’accompagnement, même si on n’a pas encore un lieu physique pour regrouper tout ce monde», précise la mairesse.

«J’anime cette communauté en amenant les entreprises à faire du maillage d’affaires, à mieux constater la complémentarité de leurs expertises pour créer une force du nombre», ajoute André Métras, de Magog Technopole.

Une nouvelle communauté industrielle

NovaDBA a déjà constaté les avantages d’une telle synergie. L’automne dernier, l’entreprise de Brossard spécialisée dans les bases de données a ouvert un bureau à Magog. L’entreprise voulait ainsi se rapprocher de certains de ses clients installés à Boston. Mais elle s’en est trouvé d’autres en Estrie.

«Il arrive que des entreprises de la communauté de Magog Technopole aient des problèmes avec leurs bases de données. À ce moment-là, on nous mandate directement pour régler leurs difficultés. C’est déjà arrivé à plusieurs reprises», affirme Jean-François Paquette, président de NovaDBA.

Pour donner un nouveau souffle au parc industriel, la ville a embauché à temps plein en 2013 un coordonnateur au développement industriel, Donald O’Hara, dont le mandat consiste à accompagner les entreprises qui y sont installées. Auparavant, Magog avait organisé des groupes de discussion pour connaître les nouvelles tendances industrielles.

«On est parti des entreprises existantes, puis on leur a demandé si elles avaient des clients ou des fournisseurs avec lesquels on pouvait essayer de créer ce qui ressemble à de grappes industrielles», précise Mme May Hamm.

Les résultats se font déjà sentir. Plusieurs petites entreprises, souvent de moins de 100 employés, ont investi les lieux laissés vacants pour lancer ou poursuivre leurs activités, comme Québec Préfab, GoliathTech et Estrie Glace. Il y a aussi FEC Technologie, installée depuis 2005, qui s’est bâti de nouveaux locaux plus grands l’année dernière dans le parc industriel.

Même certains sous-traitants associés à des secteurs manufacturiers traditionnels, comme G-Spek et KanCorp dans l’automobile, ont retrouvé la croissance après 2011. L’espace va bientôt manquer dans le périmètre du parc industriel. Magog prévoit bientôt investir afin d’y aménager une nouvelle rue visible depuis l’autoroute 55. Ce chantier constitue une réponse aux entreprises qui ont manifesté leur souhait d’avoir une vitrine sur cet axe routier.