Les politiciens prêchent-ils par l’exemple?

Magog, Sherbrooke, Coaticook et Waterville figurent parmi les 300 municipalités québécoises où les élus bénéficient d’un régime de retraite plus généreux que celui de leurs propres employés.

Cette question occupera bientôt la place publique de la province, surtout en cette période où les élus québécois tentent de refiler une partie du déficit actuariel de 3 à 5 milliards $ à leurs employés, et ce, afin d’éviter que les contribuables aient à payer la facture au complet.

Réactions des élus ici.

Les employés syndiqués demandent aux élus de prêcher par l’exemple avant de formuler leurs exigences, d’autant plus que le régime de Retraite de retraite des élus municipaux (RREM) enregistre un déficit actuariel de 7,5 millions $.

«Pour rétablir l’équilibre et faire preuve de transparence», l’ancienne ministre devenue conseillère municipale à Montréal, Louise Harel, a déjà proposé que les élus cotisent à 50%/50% dans leur régime de retraite plutôt que l’actuel ratio de 23/77 %.

En d’autres termes, pour chaque dollar de cotisation mis par un élu, la Ville en met trois dans son fonds de pension. Un élu gagnant 20 000 $ par année met donc 1230 $ de sa propre poche, tandis que la Ville et les contribuables injectent 4145 $, pour un total d’environ 5400 $ par année, et ce, tant et aussi longtemps qu’il siégera au conseil municipal.

Un maire ayant un traitement salarial de base de 80 000 $ recevra donc 21 600 $, dont 16 580 $ de deniers publics, dans son fonds de pension sur une base annuelle, et ce, tant qu’il aura la confiance des électeurs.

Mme Harel suggère aux élus de réexaminer leur propre fonds de pension pour hausser la crédibilité de leurs demandes auprès des syndicats. «On peut difficilement exiger des sacrifices sans réexaminer son propre fonds. Il y a véritablement matière à réflexion, car on ne peut passer à côté, surtout que ces pensions s’ajoutent aux allocations de départ et de transition accordées aux élus», résume-t-elle.

La partie syndicale s’offusque

La Coalition syndicale pour la libre négociation, qui regroupe bon nombre de syndicats municipaux au Québec, abonde dans le même sens. Elle n’accepte pas l’argumentation de la durée des mandats et des faibles salaires pour bonifier un régime de retraite.

Les partisans d’un équilibre des cotisations rappellent que les rémunérations des villes d’importance augmentent sans cesse. Selon eux, des élus profitent parfois même d’un autre fonds de pension provenant d’un emploi précédent. «C’est indécent; on nous exige des sacrifices, mais les élus, de leur côté, n’osent pas trop parler de leur généreux régime de retraite et surtout pas de les couper. C’est un sens unique», déplore le porte-parole de la Coalition, Marc Ranger (SCFP).

Multipliant les manifestations et les sorties publiques depuis quelques semaines pour mousser la négociation, les employés municipaux demandent aux élus de prêcher par l’exemple avec leur propre régime de retraite alors qu’ils exigent plus d’efforts auprès des employés municipaux pour renflouer les coffres des régimes de retraite.

Même son de cloche du côté du syndicat des employés municipaux de Magog, qui trouve dommage que des élus qui prônent une proportion de 50%/50% ne le font pas eux-mêmes. «Les élus devraient montrer l’exemple», de dire Robby Rodrigue, secrétaire-trésorier du syndicat, au nom du président Pierre Benoît.

La Ville de Magog et le syndicat des employés municipaux poursuivent d’ailleurs leur négociation en prévision d’une nouvelle convention collective.

Des déficits qui coûtent cher

La question se pose au moment où les parties tentent de trouver un terrain d’entente pour éviter que les contribuables, dont une partie importante n’a pas accès à un fonds de pension, paient la facture. Actuellement, ce sont les contribuables des municipalités qui assument les déficits actuariels des Régimes de retraite des employés municipaux, qui s’élèvent, par exemple, à 110 millions $ à Sherbrooke et à 4 millions $ à Magog. À Sherbrooke seulement, la facture s’élève à 10 M $ par année pour la Ville de Sherbrooke, et les contribuables, pour éponger ce déficit.

Cette enquête du Reflet du Lac a permis de découvrir que les élus municipaux bénéficient d’un régime de retraite dont les actifs s’élèvent à près de 170 millions $ selon les données les plus récentes datées du 31 décembre 2012.

Questionnée sur le déficit actuariel de 7,5 M $, la responsable des relations médias de la Commission administrative des régimes de retraite et d’assurances (CARRA), Tania Marin Pelletier, rappelle que les rendements des dernières années, incluant des intérêts de 14,6 % en 2013, permettront de rétablir la situation. «Notre ratio de capitalisation s’élève à 89 % comparativement à une moyenne de 75 %, ce qui est très bon», assure-t-elle. Même la Coalition juge qu’il s’agit d’un déficit qui se renflouera assez facilement.