Le 16 août 1958 : « Bataille royale » sur le Memphrémagog

La conquête du Memphrémagog par le nageur magogois Billy Connor, le 21 août 1955, survient dans un contexte bien particulier. Depuis le 8 septembre 1954, date à laquelle une jeune Torontoise de 16 ans, Marilyn Bell, a réussi la première traversée du lac Ontario, la nage de longue distance connaît un engouement exceptionnel sur le continent.

Au Québec, celui qui est le porte-étendard de cette discipline est Jacques Amyot, le premier homme à vaincre le coriace lac Saint-Jean, le 23 juillet 1955. Cet athlète originaire de la Vieille Capitale enchaîne ensuite avec le tour de l’île d’Orléans (3 septembre 1955), une traite de plus de 80 kilomètres, avant de devenir le premier Québécois à franchir le mythique canal anglais, la Manche, le 17 juillet 1956.

À l’été 1958, le Magogois Eddy Rancourt est l’instigateur d’une course entre le premier conquérant du Memphrémagog et celui du lac Saint-Jean. Cette « bataille royale » se déroule le dimanche 16 août sur le Memphrémagog, entre Georgeville et Magog, sur un parcours d’environ 10 milles (16 kilomètres).

La confrontation est intrigante. À 33 ans, Amyot est un vétéran de la nage de longue distance, reconnu pour son endurance et son rythme régulier. Surnommé « Windmill Bill », Connor, 22 ans, est plus explosif. Ce qu’il démontre d’entrée de jeu le 16 août, prenant les devants en maintenant une cadence infernale d’une soixantaine de brasses à la minute.

Même pour ce solide gaillard, c’est beaucoup demander. Nageant sans lunettes, Connor est hypothéqué par la nappe d’huile qui émane des bateaux l’accompagnant. De plus, son départ canon l’épuise. Parti sur des bases plus raisonnables, l’expérimenté Amyot rattrape, puis dépasse le Magogois. Alors que le Québécois termine l’épreuve « frais et dispos », Connor sort de l’eau complètement épuisé à près d’un kilomètre de l’arrivée.

Il faudra attendre la première traversée internationale du lac Memphrémagog, en 1979, avant de voir des nageurs de ce calibre se frotter à Magog.

Les deux hommes, eux, n’en ont toutefois pas fini avec la compétition sportive. Jacques Amyot effectuera d’autres traversées du lac St-Jean en 1959, 1962 et 1974. Le 15 août 1975 – à l’âge de 50 ans ! – , il franchit de nouveau la Manche, 19 ans après sa première réussite, un record. Il demeure par la suite dans une forme exemplaire en vélo, mais aussi eu natation où il établira plusieurs marques chez les vétérans.

Billy Connor, qui habite maintenant au Nouveau-Brunswick, n’est pas en reste. Après une période de laisser-aller, il se découvre une passion pour le triathlon, une discipline où, en plus de la natation, il doit faire du vélo et de la course à pied.

Bien de l’eau a coulé sous le pont Merry depuis cette époque où une foule de cours d’eau du continent ont été pris d’assaut par les nageurs. Soixante ans après la traversée du lac Memphrémagog par Connor et celle de Jacques Amyot au lac Saint-Jean, le nom de ces deux pionniers continue néanmoins de résonner auprès des amateurs de nage en eau libre.

 

Serge Gaudreau

Historien