La réforme électorale de 1912 a marqué l’histoire

La décision récente de faire passer le nombre de conseillers municipaux de 10 à 8 est la réforme électorale la plus importante à Magog depuis 2002. À cette occasion, la fusion municipale avait fait passer le nombre de maires de 3 à 1, et celui des conseillers de 18 à 10 sur l’ensemble du territoire de la «nouvelle» ville de Magog.

Le changement était de taille. Un peu comme celui qui est survenu en 1912, une année charnière dans l’évolution du système politique municipal.

La réforme adoptée alors était la plus significative depuis la création de la municipalité de village de Magog, en 1888. Entre 1888 et 1912, les citoyens éligibles à voter – essentiellement les hommes propriétaires, âgés d’au moins 21 ans – étaient représentés par sept conseillers. Ces derniers étaient élus lors de scrutins tenus en rotation sur une période de trois ans, soit la durée de leur mandat (deux conseillers pour les deux premières années et trois la troisième). Une de leurs premières décisions consistait à choisir celui d’entre eux qui effectuerait un mandat d’un an à la mairie.

Cette dynamique change à partir de la réforme de 1912, entrée en application pour la première fois le 2 février 1914. D’abord, tous les conseillers sont élus en même temps pour un mandat de deux ans. Selon l’ancienne tradition, tous étaient soumis au vote de l’ensemble des électeurs. Une pratique non écrite voulait également que sur les deux postes ouverts annuellement, un soit comblé par un francophone et l’autre par un anglophone. Sur sept conseillers, il y avait donc quatre francophones, alors que ces derniers constituaient environ 70 % de la population magogoise.

Le nouveau système modifie la donne, car à partir de 1914 les conseillers deviennent les représentants d’un des six quartiers de la ville. Ceux-ci sont déterminés sur une base géographique, en allant de l’ouest (numéro 1) vers l’est (numéro 6). Ce modus operandi satisfait vraisemblablement les habitants établis à l’est de la rue Sherbrooke, maintenant assurés de compter trois conseillers sur six. Ils obtiennent donc une représentation paritaire dans le nouvel hôtel de ville, construit à l’angle des rues Sherbrooke et Principale, où les élus siégeront à partir de janvier 1916.

Un autre changement important est l’adoption du vote secret. Cette pratique, en vigueur depuis le XIXe siècle aux niveaux fédéral et provincial, deviendra la norme au palier municipal. Elle exige une logistique plus élaborée, dont l’utilisation de bulletins de vote et de bureaux de scrutin aménagés pour l’occasion.

Les crayons doivent être bien aiguisés le 2 février 1914, car les électeurs se prononcent à deux reprises. En plus du conseiller de leur quartier, ils doivent en effet, et ce, pour la première fois, élire celui qui sera leur maire pour les deux prochaines années.

Cette élection directe du premier magistrat par la population éligible, et non par les conseillers, bouleverse la joute politique à Magog. La lutte du 2 février 1914 donne un aperçu de la nouvelle réalité. Après recomptage, Alfred L’Archevêque obtient la victoire contre George A. Bowen par une faible majorité de 5 votes, 302 contre 297. Si ce dernier récolte de fortes majorités dans les quartiers 1 et 2, situés plus à l’ouest, il voit son avantage s’effondrer dans les quartiers 5 et 6, où L’Archevêque compte de nombreux appuis dans les milieux ouvriers et francophones.

Une nouvelle tradition est née. Inconnues jusque-là, les courses à la mairie deviendront dorénavant des points d’orgue de la vie politique magogoise.

 

Serge Gaudreau