John Sylvester Merry jr, un illustre aventurier méconnu

La maison Merry nous révèle petit à petit ses secrets bien gardés sur les membres de cette famille pionnière qui a fondé Magog et nous a laissé ce joyau de notre patrimoine régional. Un de ces secrets est le parcours de John Sylvester Merry, fils de John Sylvester (1783-1855) et d’Olive Chamberlin (1793-1857).

Né à l’Outlet le 20 mars 1819, il est un des élèves de son oncle Ralph IV, premier enseignant de l’endroit. Le 27 janvier 1834, deux mois avant son 15e anniversaire de naissance, et avec le consentement de ses parents, il épouse une demoiselle Dorothy Ward, âgée de 19 ans. À l’acte de mariage il est dit fermier. Cette union qui n’a pas eu de suite aura un impact majeur sur son avenir, incluant un changement de son nom.

À la fin des années 1840, on le retrouve à Moorehouse en Louisiane, où il est enseignant. Au recensement de 1850, il porte le nom de John S. Murry. Il s’inscrit en droit et le 16 mars 1852, l’université de la Louisiane lui décerne son diplôme d’avocat. Le 29 il est assermenté à la Cour suprême de la Louisiane.

Sa thèse porte sur l’âge légal du mariage, dans laquelle il dénonce en termes non équivoques le fait que la loi permette à des enfants de 14 ans de prendre un tel engagement alors qu’ils ne sont aucunement préparés à prendre une telle décision. Motivée par son expérience personnelle d’un mariage précoce qui n’a pas réussi, son argumentation repose sur des personnages de l’antiquité, tels Xénophon et Plutarque, et il cite l’exemple de la puissance de l’ancienne Germanie, où le mariage n’était pas permis avant l’âge de 25 ans. Ce document manuscrit de sept pages, signé John S. Murry,  a été découvert dans la maison Merry, intact et enroulé dans un tube de métal.

En février 1853, à l’âge de 34 ans, il est assermenté devant la Cour suprême de la Californie où il est autorisé à exercer le droit. Alors qu’il est en visite à Alamos, au Mexique, pour des raisons de santé, il rencontre, apparemment par hasard, un ancien compagnon de classe de l’université de la Louisiane, William Walker, avocat. Ce dernier, qui s’est autoproclamé général, veut faire la conquête de la Basse- Californie et de Sonora pour en faire une république autonome dont il serait le président. Après un certain succès, Walker et son armée révolutionnaire sont finalement capturés par les autorités mexicaines qui s’opposent à la création de cette république indépendante.

 

John S. Merry est au mauvais endroit au mauvais moment et il fait partie de la rafle. Incarcéré dans une prison mexicaine, pour avoir été en contact avec Walker, il y est détenu dans des conditions insalubres pendant plus de neuf mois sans aucune forme de procès. Il a toujours clamé son innocence et a dû prendre son mal en patience jusqu’à ce que les autorités mexicaines le libèrent sans discussion ni excuses. Il retourne à la Nouvelle-Orléans où il est en mars 1856. Il revient ensuite à Magog, dans état de santé précaire, et il décède dans la maison de son frère Ralph V, le 2 février 1857. Une notice nécrologique indique qu’il est décédé de «lung fever» (tuberculose?).

Un plan de l’arpenteur Felix Farnan, daté de 1882, indique que la rue John porte le nom de John S., probablement pour commémorer le père et son fils. Le parcours pour le moins hors de l’ordinaire d’un jeune homme né à l’Outlet en 1819, qui y reçoit son éducation, se rend en Nouvelle-Orléans pour enseigner et y faire des études de droit, et ensuite exercer en Californie, avant même que le transport en train n’existe, mérite d’être connu.

Maurice Langlois