Dans la rue pour la solidarité en 1971

L’indépendance de plusieurs États africains, en 1960, et la télévision aident à sensibiliser les Occidentaux aux réalités du Tiers-monde, selon l’expression du démographe Alfred Sauvy (on parlera plus tard de pays en développement).

Par Serge Gaudreau

Au début des années 1960, les Nations unies (ONU) adoptent des résolutions afin d’améliorer la situation de ces pays, notamment par l’éducation et la lutte contre le problème de la faim. Des progrès sont accomplis, mais sans atteindre des objectifs comme la contribution de 0,7 % du PIB fixée en 1970 par l’ONU aux nations développées.

Les appels à la solidarité font toutefois leur chemin. À l’Halloween, les écoliers du Québec font une levée de fonds pour l’UNICEF, un organisme de l’ONU cherchant à promouvoir l’aide aux enfants. Les petites boîtes de couleur orange deviennent des symboles de l’engagement d’une nouvelle génération envers les plus démunis.

Cette conscientisation est attisée par la guerre civile au Nigeria (1967-1970), à la suite de la proclamation d’indépendance de la région du Biafra. Une famine dévastatrice provoque alors des centaines de milliers de morts. Des reportages montrant des enfants souffrants et décharnés émeuvent la communauté internationale.

C’est dans ce contexte que le Rallye Tiers-monde naît en 1969 à l’initiative de Caritas Sherbrooke. Le principe est simple. De concert avec les écoles primaires et secondaires de la région, une grande marche est mise sur pied afin de recueillir des fonds servant à la réalisation de projets durables ainsi que de stages de formation dans le Tiers-monde. Dans les semaines précédant l’événement, chaque marcheur, dont beaucoup d’étudiants, obtient l’appui de commanditaires – organismes, entreprises, parents, etc. – s’engageant à verser un montant pour cette cause, selon le millage effectué.

En 1970, une trentaine de Magogois s’étaient rendus à Sherbrooke pour participer au rallye long de 40 km (25 milles). L’idée vient alors de tenir un événement semblable dans les rues de leur ville. Au printemps 1971, elle devient réalité. Toute une équipe, évaluée à entre 80 et 100 bénévoles, se mobilise au sein de comités – parcours, recrutement, etc. En charge de la publicité, l’abbé Maurice Domingue informe les Magogois par la voie des journaux des objectifs et du fonctionnement de cette première.

La terre a été bien préparée. Le samedi 8 mai à 9 heures, 484 marcheurs, ayant entre 4 et 62 ans, prennent le départ au Collège Saint-Patrice. Une logistique importante voit au bon fonctionnement des choses. L’Harmonie Notre-Dame est au départ, alors que des véhicules escortent les courageux et que des bénévoles sont installés à différents endroits sur le tracé. Le passage du marcheur y est attesté par une estampille à l’image du logo du Rallye : un marcheur en blanc sur un fond rouge.

Il faut avoir le mollet ferme. Lors de la deuxième édition du 14 octobre 1972, raccourcie à 32 km, les participants, partis de la salle paroissiale de Saint-Patrice, passent, entre autres, par le village de Cherry River, Southière-sur-le-lac, le club de tennis de Magog, le bureau du Syndicat du textile, sur Saint-David, et le couvent Saint-Jean-Bosco, avant de terminer au Collège Saint-Patrice.

C’est tout un programme. D’ailleurs, en 1971, le premier Rallye Tiers-monde se termine vers 18 heures 30. Sur les 484 participants, 226, soit près de la moitié, complètent les 40 km. Parmi eux, un jeune homme de 9 ans, Jean Brousseau. Selon les premières estimations, 8 650 $ auraient été récoltés (environ 45 000 $ aujourd’hui). Bien qu’éreintante, cette première expérience en a valu le coup. Aussi, le Rallye Tiers-monde deviendra une tradition annuelle, à laquelle on incorporera éventuellement un volet vélo. Il disparaîtra à la fin des années 1980.

Nos remerciements à Aline Dupaul pour son aimable collaboration.