Aux jeunes : faites ce que vous aimez et ne lâchez jamais
Lorsqu’on arrive à un certain âge, on se demande si on a passé à côté de la recette pour s’apercevoir qu’il n y a pas de recette ou que, s’il y en a une, il y en a une pour chaque individu. Cependant, il y a une certitude pour tous dans la vie; c’est de ne jamais lâcher quelque soit la situation. Il y a rien d’autre. Quand un mur se fixe devant soi, nous pouvons soit le défoncer ou soit le contourner, mais jamais lâcher.
Jamais au grand jamais, j’ai pensé une seconde qu’un jour je pouvais manquer de travail, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui pour nos jeunes. À l’âge de 10-11 ans, moi et mon frère Yvon étions servants de messe à 10 cents la messe pendant que mon père avait 1$ pour chanter la messe. Après la messe de 6 h le matin, nous devenions camelots pour le journal La Tribune ; on se faisait environ 3 $ par semaine.
Puis adolescent, je travaillais la fin de semaine à l’Épicerie Grégoire; maudit, que des tomates et des patates pourries, ça pue pas à peu près. Un jour, j’ai monté d’échelon et je devins emballeur à la caisse ; là, je recevais des pourboires des clients que je n’avais pas à déclarer à l’impôt.
À l’âge de 13 ans, je me suis retrouvé pensionnaire au Séminaire Saint-Charles de Sherbrooke.
J’avais la vocation de la prêtrise semblait-il. Mes parents n’étant pas fortunés, c’est un prêtre, l’abbé Rolland Bacon, qui paya mes frais de scolarité et mon séjour comme pensionnaire au Séminaire au coût de 300 $ par année. À cette époque, pour devenir prêtre, médecin ou avocat, nous devions faire notre cours classique et par la suite aller à l’Université. Le cours classique durait huit ans et les années scolaires se nommaient élément, syntaxe, méthode, versification, belles-lettres, rhétorique, philo 1 et philo 2.
Non, non, je n’ai pas vécu au Moyen Âge; le cours classique s’est terminé en 1969-70 ; les CEGEP venaient alors de faire leur apparition au Québec.
Après ma première année au Séminaire de Sherbrooke, suite à une mésentente avec l’autorité, (on ne se comprenait pas), je dû quitter le Séminaire pour me retrouver en syntaxe au Collège d’Alzon, à Bury, tenu par les Pères Assomptionnistes. J’avais, toujours semblait-il, la vocation et les Pères Blancs d’Afrique payèrent alors ma scolarité et mon séjour comme pensionnaire au Collège d’Alzon où j y suis demeuré un an et demi.
C’est un 8 décembre que ma mère a reçu un coup de téléphone lui demandant de venir me chercher au Collège puisqu’il y avait mésentente entre l’autorité et moi (on ne se comprenait pas). Ma mère vint me chercher au Collège en pleurant, elle prenait conscience qu’elle venait de perdre un prêtre. Ce que ma mère ne savait pas, c’est que si Dieu perdait un prêtre, les femmes trouvaient un amant (ceci dit en toute humilité).
Puis, je me suis retrouvé à l’Externat classique d’Asbestos pour terminer ma méthode et ma versification et, encore là, suite à une mésentente avec l’autorité, on m’informa que je ne pouvais y continuer mes études l’année suivante (l’autorité et moi, on ne se comprenait pas encore).
Et là, pendant cinq ans, je me suis retrouvé sur le marché du travail. J’ai eu un «Shoe Shine» avec quatre chaises sur lesquelles je cirais les souliers des gens. Mes chums se tenaient dans mon «Shoe Shine» (le Larry Shoe Shine). En même temps le soir, je travaillais comme «waiter» au Cabaret Richmond où j’y ai connu l’un de nos meilleurs chanteurs-compositeurs du Québec, Jacques Michel, qui y était en spectacle, ainsi que Dino l’Espérance mieux connu comme César et ses Romains.
Puis un jour, Roger Cameron, le propriétaire du Cabaret Richnond, décida d’ouvrir à Sherbrooke un restaurant «drive in» et me demanda d’aller gérer ce restaurant où l’on commandait notre repas directement de l’auto par un microphone-haut-parleur. Ce restaurant, Le Royal Burger, était situé là où on y retrouve le Harvey’s à Sherbrooke. Nous étions le deuxième restaurant de «fast Food» à Sherbrooke. Le seul autre était le A & W. Nous innovions dans la restauration à ce moment-là.
À l’âge de 19 ans, je me retrouve à l’Auberge de Lac Brompton à St-Denis de Brompton, l’un des seuls endroits à l’extérieur de Québec et Montréal où il y avait des spectacles professionnels. À mon arrivée, le propriétaire était Robert Desmarais et le gérant était Réal St-Martin, deux personnes qui ont marqué ma vie, comme Roger Cameron, propriétaire du Cabaret Richmond, l’avait aussi marqué.
C’est là que j’ai appris ce qu’était que de travailler: 104 heures par semaine, ce n’était pas rare. J’y ai passé quatre ans à temps plein et j’ai eu la chance de connaître entre autres, les plus grands comme Bill Haley (One Two Three O’Clock Rock), Florian Zaback, Neil Sedaka, Les Classels, Les Jérolas, Olivier Guimond et Denis Drouin, Claude Blanchard et Léo Rivest, Denise Filliatreault et Dominique Michel, Ti-Gus et Ti -Mousse ainsi que les maîtres de cérémonie tels que Louis-Paul Allard, Winston Mc Quade, René Ouellette. Et également, celle et celui qui accompagnaient les artistes, à savoir Edna (Sœur Edna) et Réal Desroberts.
Puis un après-midi, assis au bar du Cabaret Richmond, Carl Neugabauer, qui enseignait à l’externat classique d’Asbestos, me voyant songeur, me dit : «Laurent, pourquoi ne retournes-tu pas à l’école?» Nous étions en août 1966 ; l’école commençait en septembre 1966, ce qui était selon moi impossible. Et Carl de continuer : «Si Claude Dubois, le directeur de l’Externat classique, fait une exception et t’accepte aux Belles-Lettres, est-ce que tu retournerais à l’école?» Trois jours plus tard, Carl revint m’annoncer que si je voulais retourner aux études, le directeur Claude Dubois acceptait de me recevoir à l’externat classique d’Asbestos.
En septembre 1966, me voilà retourné sur les bancs d’école dont certains professeurs avaient mon âge. En novembre 1966, ma sœur Pauline âgée de 20 ans décéda dans un accident d automobile.
En 1967, je revins au Séminaire St Charles de Sherbrooke pour y terminer mon cours classique en 1970, année où ce fut la dernière année du cours classique au Québec; c’est dans ces années qu’avec mon pèr, nous avions fondé le bureau de Pelletier, huissier de la Cour supérieure. Mon père Lionel Pelletier fut le premier président fondateur de la
Chambre des huissiers du Québec. En 1973, je terminais mon Droit à l’Université de Sherbrooke et je devenais avocat en 1974.
Si la lecture de ce texte peut motiver un décrocheur à retourner aux études ou à se reprendre en mains, je n’aurai pas perdu mon temps ce soir à écrire cette histoire d’une vie bien simple. Le secret est de toujours faire ce que vous aimez et ne jamais lâcher.
Par Me Laurent Pelletier
Avocat à la retraite
laurent@laupel.com