Un pont couvert sera démoli… malgré sa citation patrimoniale

PATRIMOINE. Le pont couvert de la Frontière, au Canton de Potton, sera démantelé par le ministère des Transports et de la Mobilité durable (MTMD), un an après avoir été classé immeuble patrimonial par le ministère de la Culture et des Communications.

La porte-parole du MTMD, Jeanne Séguin-Laflamme, confirme l’avis d’appel d’offres actuellement publié sur le site web du Système électronique d’appel d’offres du gouvernement du Québec (SEAO). Le MTMD recherche un entrepreneur pour démolir ce pont construit en 1896. Les propositions seront analysées le 3 novembre. Le démantèlement est planifié d’ici le 31 décembre prochain. Le coût estimé du contrat est de moins de 1 M$. La facture sera assumée par Québec.

Selon Mme Séguin-Laflamme, cette infrastructure de 129 ans est en fin de vie. “Une inspection a constaté une défaillance majeure des caissons et fondations de bois, précise-t-elle. Il existe un risque d’affaissement et d’effondrement vers le pont actuel du chemin. Il s’agit donc d’un important enjeu de sécurité publique afin d’éviter d’enclaver les résidents de huit propriétés situées au sud du pont.”

Le MTMD admet que le rapprochement des deux annonces gouvernementales peut paraître ironique. “Le temps est cependant compté, prévient Mme Séguin-Laflamme. Compte tenu le contexte d’urgence d’agir, le ministère de la Culture ne s’opposera pas au démantèlement.”

DÉCEPTION ET TRISTESSE

La présidente de l’Association du patrimoine de Potton, Lorraine Rouillard, exprime de la déception et de la tristesse, même si elle manifestait déjà des craintes pour l’avenir de ce pont, il y a un an. Elle s’inquiétait de voir ce dossier  tomber entre deux chaises en raison de la fragilité de cette infrastructure qui venait tout juste d’être désignée patrimoniale.

“Nous avons échangé avec Québec pendant un an avant d’apprendre brusquement sa démolition, le 17 septembre dernier, se désole Mme Rouillard. On nous dit que la décision est irrévocable et qu’il n’y a rien à faire. Ce serait l’option la plus sécuritaire et la moins chère.”

“C’est dommage, car on perd un élément important de notre patrimoine”, termine-t-elle.

EN PLEINE CAMPAGNE ÉLECTORALE

Candidat à la mairie de Potton et leader du regroupement Avenir Potton, Louis Veillon demande de surseoir à la démolition. “Nous sommes déçus de cette décision et surtout de l’absence d’information et de consultation, déplore-t-il. Les anciens ponts couverts du Québec sont des actifs patrimoniaux et touristiques. Il en reste très peu et chaque disparition augmente la rareté de ceux qui subsistent.”

Aux dires de M. Veillon, la somme prévue par le ministère des Transports serait mieux utilisée en préservant cette structure. L’aspirant à la mairie croit qu’une campagne de financement locale pourrait aider à acquitter la facture.

Avenir Potton souhaite aussi analyser la possibilité de démonter le pont pour l’ériger au-dessus de la rivière Missisquoi-Nord, afin de relier le parc André-Gagnon au chemin Boright. 

Le Canton de Potton n’entendait pas prendre le relais pour revamper ce bien patrimonial, en octobre 2024. Le maire Bruno Côté assurait alors que la Municipalité ni les citoyens n’injecteraient aucune somme d’argent dans ce dossier. Il rappelle aujourd’hui que c’est le ministère des Transports qui a déplacé cette infrastructure au milieu des années 1960, car elle n’était plus suffisamment solide pour supporter le poids croissant des véhicules. De plus, le “désuet” pont couvert est sans propriétaire depuis qu’il a été déplacé sur un terrain privé.  

«Le ministère prend ses responsabilités pour protéger les citoyens, ajoute M. Côté. C’est malheureux, mais on ne tourne pas le dos au patrimoine. Le Canton de Potton a notamment pris en charge la restauration de la Grange ronde.»

Ce pont enjambe le ruisseau Mud sur le chemin du Pont-Couvert, à l’intersection des chemins Province Hill et Bellevue.

FAITS SAILLANTS DU PONT DE LA FRONTIÈRE

  • Construit en 1896, il est désaffecté depuis 1960 après plus de 75 ans de loyaux services. Il a aussi porté le nom de pont du ruisseau Creek et de Province Hill. 
  • Étant devenu plus fragile, l’accès au public y est interdit depuis 2014.
  • Selon le site des Ponts couverts du Québec, les coûts de réfection ont déjà été estimés à 300 000 $, il y a quelques années.
  • Selon Québec, le pont couvert de la Frontière présente un grand intérêt patrimonial pour sa valeur historique (lien routier avec les États-Unis) et technologique (fermes de type Town simple breveté en 1820).
  • Il est l’un des plus anciens au Québec, mais le pont Narrows du Canton de Stanstead, classé bien patrimonial en 2019, a été construit en 1881.