Sylvain Gagné veut juste un toit pour dormir

ITINÉRANCE. Depuis deux semaines, le Magogois Sylvain Gagné couche dans un rare boisé de la rue Sherbrooke, aux limites du parc industriel. L’homme de 61 ans est l’un des visages locaux de l’itinérance et de l’errance, mais il ne demande pas la lune. Il souhaite juste un toit pour se loger et «avoir la sainte paix».

Sylvain et un nombre croissant de personnes sans domicile fixe comme lui illustrent un phénomène de plus en plus apparent à Magog. Ils occupent des campements temporaires et dorment sous des toiles ou à la pointe Merry dans un sac de couchage. Ils sont aussi des victimes du prix des loyers et de la pénurie de logements, qui sévit à Magog et dans toute la province.

Sylvain espère que la publication de son histoire l’aidera à trouver un logis abordable, surtout avec ses revenus de moins de 1000 $ par mois provenant de l’aide sociale. «Il ne m’en resterait pas gros pour vivre si je louais un des appartements visités à 780$, dit-il. Je devrais avoir de bonnes nouvelles cette semaine, sinon je cognerai à d’autres portes pour coucher au chaud sous un toit.»

Sylvain Gagné n’en est pas à ses premiers épisodes d’errance et de nuits passées à la belle étoile ou sous la pluie. Ses tracas commencent dès la fermeture de l’usine magogoise Olymel en 2005, précédemment connue sous le nom de Taillefer. Il a eu quelques emplois de courte durée, ainsi que quelques logis à Magog, Deauville et Waterville dans des logements et des maisons de chambres. Se disant victime de vols, il change d’adresse à de multiples reprises. «Nous souffrons beaucoup de discrimination quand nous sommes sur le BS», résume-t-il.

IL CAMPE DERRIÈRE LE TIGRE GÉANT

Ayant récemment perdu un autre toit, il a érigé un campement temporaire derrière le magasin Tigre Géant. Tous ses avoirs sont accumulés dans ce boisé. Il vend des cannettes vides pour arrondir ses fins de mois. Chaque matin, il se réveille aux cris des oiseaux, déniche des restants de cigarettes aux portes des commerces avoisinants, fait sa toilette aux Galeries Orford et fouille parfois dans les poubelles pour trouver de la nourriture «encore très bonne».

Il se déplace régulièment en vélo pour prendre un café, et manger à l’occasion dans les locaux de l’organisme Zone Libre, dans le quartier des Tisserands. Il passe la plupart de ses après-midis au parc des Braves à discuter avec ses amis.

Sylvain Gagné apprécie la tolérance des propriétaires des commerces situés autour de son campement. On lui donne aussi de la bouffe lors de ses promenades en ville. Il a de bons mots pour les policiers, tant qu’il n’est pas trop visible ni dérangeant. Il juge néanmoins désagréable d’accumuler pour environ 1000 $ d’amendes pour s’être trouvé à des endroits où il ne devait pas être. «C’est parfois difficile de dénicher une bonne place pour dormir ou faire un feu, mais je sais que les policiers seront présents pour moi si j’ai besoin d’aide», confie-t-il.

Il dit aller bien côté santé, mais ses déplacements sont difficiles et douloureux à l’occasion. L’errance commence à laisser des traces, comme le démontrent ses doigts rongés par le froid. Il apprécie son entourage dans la rue, mais les nouveaux venus sans domicile fixe, qui proviennent des grands centres, semblent perturber les locaux. «Ils ne sont pas gentils et réclament parfois nos cannettes vides qu’on a nous-mêmes ramassées pour s’acheter un café, déplore-t-il. Ils prennent également nos places pour dormir, c’est irrespectueux.»

«J’ai tout l’été pour trouver un toit, mais j’aimerais aussi être traité comme un humain», conclut-il.

Par ailleurs, appelée à commenter la situation de l’errance et de l’itinérance à Magog, la mairesse Nathalie Pelletier assure que la Ville travaille avec la Régie de police Memphrémagog et «nos précieux» organismes communautaires pour aider ces gens ayant de la difficulté à dénicher un toit.