Milieux humides: les demandes de destruction «légale» se multiplient dans Memphrémagog

ENVIRONNEMENT. Les demandes pour la destruction des milieux humides et hydriques ont doublé en un an pour atteindre une superficie de 66 000 mètres carrés dans la MRC de Memphrémagog. 

Depuis l’adoption de la Loi concernant la conservation de ces milieux en 2017, cela signifie qu’environ l’équivalent de huit terrains de soccer ont été ciblés par des municipalités, des ministères, des entreprises et des individus aux quatre coins de la région.

Cette mesure gouvernementale autorise la destruction de zones fragiles en échange d’une compensation financière. Depuis 2017 donc, le ministère de l’Environnement, Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP) a reçu 753 000 $ pour la perte de ces 60 000 mètres carrés (huit terrains de soccer) de milieux humides et hydriques dans la MRC de Memphrémagog. 

Le ministère approuve des demandes de remblaiement de milieux humides et hydriques depuis sept ans. Les sommes exigées (753 000 $) aux propriétaires, qui modifient leur terrain ou qui souhaitent le faire, ne sont toutefois pas entièrement retournées dans la région. Ces fonds doivent pourtant servir à protéger et restaurer d’autres écosystèmes semblables afin de respecter la loi qui ne vise «aucune perte nette».

Le retour demeure très faible avec l’utilisation de 20 000 $ sur les 753 000 $ accumulés depuis 2017, soit 2,6% seulement. Il s’agissait d’une somme octroyée en 2021 pour une étude préalable à Bleu Massawippi pour un projet intitulé «Milieu humide et hydrique Tomifobia-Massawippi». Une seconde demande est actuellement en analyse au ministère. 

À ce jour toutefois, seulement 279 000 $ sont disponibles sur les 753 000 $ dans le cadre du Programme de restauration et de création de milieux humides et hydriques. Le solde sera offert à l’adoption du prochain cadre normatif de ce programme. La date n’est pas connue.

L’ÉQUIVALENT DE QUATRE TERRAINS DE SOCCER L’AN DERNIER

Pour la période comprise entre le 1er avril 2023 et le 31 mars 2024, la perte autorisée de milieux humides s’élève à 37 000 mètres carrés avec 24 demandes, selon les chiffres obtenus du ministère de l’Environnement. C’est davantage que l’an dernier (21 000 mètres carrés) et plus en termes de compensations financières (331 000 $ vs 136 000 $).

L’an dernier, les demandes ont majoritairement été faites sur le territoire de Magog. La Ville a eu recours à cette mesure pour des travaux à la station d’épuration des eaux usées. Les 491 mètres carrés détruits étaient nécessaires pour augmenter la capacité de cette usine. La compensation a été de 12 000 $.

La plus importante requête provient des promoteurs du développement résidentiel Espace Nature, situé au nord de l’autoroute 10, près de la rue des Pins. La demande visait une intervention en milieux humides et hydriques sur une superficie de 11 269 mètres carrés, ce qui représente une compensation financière de près 130 000 $. 

Espace Nature est un domaine privé en devenir de 53 maisons unifamiliales. Près de 50% de la propriété sera conservé à l’état naturel par des servitudes de conservation, selon le site web des promoteurs. Selon la directrice à la Planification et au développement du territoire à la Ville de Magog, Mélissa Charbonneau, ce projet est un bel exemple de conservation et de collaboration entre toutes les parties prenantes, même si les milieux humides ciblés sont d’intérêt supérieur. «Les promoteurs ne touchent qu’une petite partie des zones fragiles, laissant intact 93% des milieux humides de ce vaste terrain», détaille-t-elle, 

La seconde en importance à Magog provient de l’entreprise Transport Memphré, qui a eu besoin de 8240 mètres carrés (53 000 $) de milieux humides pour construire son nouvel entrepôt.

Les Berges Hatley ont réclamé 2411 mètres carrés de milieux humides (20 000 $) pour l’implantation de 15 bâtiments multilogements près de la rivière Magog, incluant le prolongement des réseaux d’aqueduc et de gestion des eaux pluviales.

S’ajoutent 3055 mètres carrés (25 000 $) pour une intervention en marais et marécages pour un développement résidentiel sur le chemin Bolduc.

Une entreprise à numéro a déboursé 22 000 $ pour compenser la perte de 2753 mètres carrés de zones humides. Cette demande est requise pour un développement domiciliaire près de la rue du Pic-du-Lynx (au sud de l’A-10 et accessible via la rue Valiquette).

BIENTÔT UNE MEILLEURE COMMUNICATION AVEC LE MINISTÈRE?

Mélanie Desautels, directrice des services professionnels à la MRC de Memphrémagog, ajoute que le ministère de l’Environnement effectue de façon autonome sa propre évaluation. «C’est du cas par cas, et leurs études de caractérisation sont parfois plus précises que nos évaluations», mentionne-t-elle.

Mmes Charbonneau et Desautels suggèrent néanmoins d’obtenir une meilleure communication entre tous les intervenants, afin que les dossiers soient les plus étoffés possible. Elles sont optimistes d’atteindre un meilleur arrimage d’ici les prochains mois, ce qui ferait peut-être même diminuer les remblaiements. Une communication accrue ferait le bonheur des élus, qui prennent souvent connaissance des demandes, une fois que les déblaiements s’effectuent sur le terrain.

Mme Charbonneau insiste sur l’importance de chacun des milieux humides, qu’ils soient d’intérêt léger ou supérieur. «Chacun joue des rôles importants, mais il s’agit occasionnellement que de petites superficies impactées, prévient-elle. Et c’est le ministère de l’Environnement, lui-même, qui réduit parfois les ambitions des promoteurs.»

AILLEURS À MAGOG ET DANS LA MRC

  • Reconstruction d’un ponceau au Canton de Hatley par le ministère des Transports (1049 mètres carrés et 19 500 $ en compensation).
  • Intervention en milieux humides pour un projet de développement récréotouristique par Destination Owl’s Head (1411 mètres carrés et 11 800 $ en compensation).
  • Intervention en milieux humides pour l’implantation d’un système de gestion des eaux pluviales au projet Faubourg Bellerive par la Société immobilière Belval (448 mètres carrés et une compensation financière de 22 000 $).