Chronique historique: En 1925, Magog bouclait son budget avec 118 725 $
En 2023, pour la première fois de son histoire, la Ville de Magog enregistrait dans son budget des revenus supérieurs à 100 millions de dollars. Ce chiffre, qui frappe l’imagination, donne une idée du passage du temps ainsi que de l’évolution qu’ont connue les administrations municipales depuis un siècle. En effet, lors de la présentation du budget 1925 à Magog, celui-ci tournait autour de 118 725 $, soit une fraction du montant actuel.
Il ne s’agit pas ici de comparer les époques. D’une part, 100 $ canadiens de 1925 en vaudraient près de 1800 $ aujourd’hui. D’autre part, les services ainsi que les responsabilités des villes sont évidemment beaucoup plus diversifiés actuellement que ceux avec lesquels devaient composer les élus de l’époque.
De façon générale, les interventions des différents paliers de gouvernement étaient d’ailleurs moins importantes que celles que l’on connait en ce moment. À Ottawa, on compte en 1925 sur des revenus d’environ 350 millions de dollars pour boucler l’année. Ces entrées d’argent sont notamment composées de tarifs douaniers et d’un impôt sur le revenu des particuliers. Cette nouveauté, instaurée pendant la Grande Guerre 1914-1918, ne devait être que temporaire! À Québec, où il n’y a pas encore d’impôt sur le revenu des individus, le Trésorier de la province, le député de Compton Jacob Nicol, anticipe des revenus totaux de près de 25 millions de dollars.
Le budget de 118 725 $ concocté par le comité des finances de la Ville de Magog, et déposé le 5 février 1925, n’a donc pas de quoi étonner. Dans nos sociétés, le rôle du politique dans l’économie demeure alors timide, et ce, à tous les paliers.
Le budget proposé par l’administration du maire J. Dorius Hamel, un commerçant, se résume à deux feuilles. Pour ne prendre qu’un exemple, chaque employé municipal est identifié avec son salaire. Le secrétaire-trésorier, l’avocat Alfred Tourigny, est le mieux rémunéré avec 1500 $ annuellement, suivi par le responsable du service de l’électricité, H. Crevier, celui des chemins, A. Pagé, et le chef de police William Demers. Ils touchent tous autour de 20 à 25 $ par semaine, une somme nettement supérieure à ce que gagne un journalier du textile. En tout, 17 personnes figurent sur la liste de paie.
Le maire J. Dorius Hamel. (Photo gracieuseté – Société d’histoire de Magog)
MISER SUR LES TAXES IMMOBILIÈRES
Pour couvrir ces émoluments, ainsi que les autres dépenses au budget – chemins et trottoirs, aqueduc, pauvres, etc. – , les élus misent beaucoup sur les taxes immobilières, rapportant 45 000 $ en 1925. D’autres entrées se greffent à celles-ci, dont les taxes aux locataires (2500 $) et les taxes d’affaires (4500 $). Une entente particulière avec la Dominion Textile apporte également un montant fixé à 25 000 $ dans les coffres de la Ville, soit plus de 20 % des revenus totaux.
En plus du service de l’aqueduc (9000 $), celui de l’électricité joue un rôle de premier plan dans la quête de l’équilibre financier atteint en 1925. Les 28 000 $ générés par la baguette de la » fée électricité » constituent alors près de 25 % des revenus. L’importance de ce secteur demeurera une constante dans les finances magogoises : en 2023, les revenus d’Hydro-Magog, qu’il ne faut pas confondre avec les bénéfices, représentent environ le tiers du budget total de la Ville de Magog.
Pressées par la crise économique des années 1930, plusieurs administrations municipales de la province devront s’engager davantage. Certaines le feront au prix d’un endettement accru, ce qui ne sera pas le cas de Magog dont la situation financière, en partie grâce à l’industrie textile, ne subira pas de façon aussi brutale les contrecoups de la dépression.
L’expansion des services municipaux, et par le fait même du nombre d’employés et des dépenses, se fera surtout sentir pendant la deuxième moitié du XXe siècle. Situation imprévisible en 1925 : la Ville de Magog deviendra même, en tenant compte de toutes ses ramifications, un des principaux employeurs sur le territoire et un acteur important de son développement économique.
Par Serge Gaudreau et Maurice Langlois