Chronique historique: La passion du ring, deuxième round

Parmi ceux attirés par le pugilat dans les années 1950, il y a Roméo Couture. Membre d’une famille nombreuse de la rue Édouard, dans la paroisse Saint-Jean Bosco, celui-ci boxe et pave la voie à ses frères Marcel, Gaston, Richard et Léandre. Ce dernier met les gants à la fin des années 1950, notamment à l’ancien aréna de Magog. Après la saison de hockey, on y installe un ring pour des séances d’entraînement et des soirées. Lorsqu’il est abandonné, au début des années 1960, les boxeurs se mettent en condition dans de petits locaux inadéquats, sans arène et avec des moyens de fortune. Mais la passion est là.     

Au fil des années 1960, Léandre Couture prend de l’expérience et du coffre. Il s’impose chez les poids lourds, remportant le titre amateur des Cantons-de-l’Est contre Lou Klein, en septembre 1968. La même année, il récolte le titre québécois face à Yvon Savage. Enfin, il ajoute à son palmarès celui de l’Est du Canada en défaisant Larry Roddick à Asbestos.

Couture adore ce sport. Avec notamment Blackie Potvin, il entraîne d’autres jeunes et organise des soirées, dont celle avec Donato Paduano à Magog en 1969. Comme amateur, il a toutefois l’impression d’avoir fait le tour du bloc. Aussi, il devient professionnel.

Son gérant, Herman Alpern, lui trouve des engagements. Lors de l’un d’entre eux, le 26 mai 1969, il fait mal paraître Paul  » The Investment  » Nielsen devant ses partisans torontois. Il perd la décision, mais gagne le respect du public, du champion poids lourd canadien George Chuvalo et de son gérant Irving Ungerman, présents à cette occasion. Couture est très actif. Son anglais s’améliore à mesure qu’il parcourt le Canada – Toronto, Wabush, etc. – et les États-Unis : Portland (Maine), Pittsfield (Massachusetts) ou North Bergen (New Jersey), etc. Il incarne alors  » l’adversaire « , l’opposant à une étoile locale. 

Léandre Couture à la fin des années 1960.  (Photo gracieuseté – Collection Léandre Couture)

Cette situation a ses inconvénients. Il fait plusieurs centaines de km en automobile entre chaque match. De plus, il n’a pas d’hommes de coin avec lui, se contentant de ceux que son gérant lui déniche sur place. Sans compter qu’il fait face à un environnement hostile où il n’est évidemment pas le favori du public.

Enfin, on le met en face de vétérans éprouvés – Jimmy McDermott, Eddie Spence, etc. – ou de jeunes prospects. C’est le cas de Bob Bozic, qui affrontera en 1973 le futur champion poids lourd Larry Holmes, ou de Randy Neumann, classé plus tard parmi les 10 meilleurs au monde, avant de devenir un arbitre reconnu.

Ce n’est pas de tout repos pour Léandre Couture, un tuyauteur de métier. Ce qui l’amène aussi à traverser le continent. À un moment donné il travaille également à l’hôtel Union, à Magog. C’est là que son gérant l’informe par téléphone qu’il a un contrat pour lui le 11 décembre 1970 à Youngstown, en Ohio.

Le hic : il doit remplacer à pied levé Mike Boswell. Ce poids lourd de l’endroit a été blessé par balles lors d’une altercation dans un bar de l’Ohio. En quête d’un remplaçant à Boswell, on aurait contacté le Magogois in extremis sur ce programme qui compte aussi l’excellent Clyde Gray et un jeune Earnie Shavers. Pour  » embellir  » le portrait, Léandre devient alors Charles Couture de Paris ou de Lyons (sic), que l’on aurait fait venir en avion via New York. Un pieux mensonge véhiculé par un journal de Youngstown.

Le défi a du panache. Face à Couture se dresse en effet le vétéran George Chuvalo. Le robuste champion canadien a affronté l’élite de la division, dont Muhammad Ali pour le titre, et les futurs monarques Joe Frazier et George Foreman. Ce dur à cuire expérimenté, solide comme le roc, n’a jamais été au tapis en 80 affrontements et figure dans le Top Ten en 1970. Chuvalo fait également près de 220 livres, contre moins de 200 pour le Magogois, un gabarit jouant en sa défaveur contre la plupart de ses adversaires.   

Pour ce dernier, mal préparé pour un rival de ce calibre, c’est beaucoup demander. Frappé durement aux côtes, Léandre Couture s’incline à la 2e ronde devant un Chuvalo intraitable. Il gardera néanmoins un bon souvenir du match, ainsi que de la boxe en général.

À part quelques sursauts, dont une courte expérience au Studio 777 de la rue John, ce sport décline cependant à Magog, avant de disparaître au cours des années 1970.

Par Serge Gaudreau, Maurice Langlois