La Place du commerce a 60 ans

L’augmentation du nombre d’automobiles à Magog au cours de la première moitié du XXe siècle marque un virage important dans le paysage urbain. Pendant une bonne partie de cette période, les chevaux demeurent un moyen de déplacement. Ils servent par exemple à ceux qui font la livraison du lait ou de la glace, exigeant une cohabitation avec les voitures, ce qui n’est pas toujours facile. 

Graduellement, le transport motorisé prend le dessus. Selon une estimation datant de janvier 1933, il y aurait alors 522 automobiles à Magog, pour une population d’environ 7 000 habitants. C’est déjà beaucoup.

On peut rêver aujourd’hui d’une époque comme à la fin des années 1920, alors que le gallon d’essence se vendait entre 28 et 31 cents. La médaille a aussi un revers. Pour procéder à l’asphaltage de la rue Saint-Patrice, rendu nécessaire, l’administration municipale prévoit 65 000 $ en 1931. Les automobilistes imprudents constituent aussi un danger : dans le Rapport annuel de police pour 1931, il est fait mention de 53 accidents d’auto à Magog. Leur témérité incite les citoyens à déposer une importante pétition demandant en 1939 la pose de feux de circulation aux intersections des rues Sherbrooke et Saint-Patrice, Saint-Patrice et Merry ainsi que Principale et Merry. Encore des coûts.    

Ces besoins vont exploser après la Seconde Guerre mondiale, en même temps que le nombre de voitures. Les déplacements en chevaux se font moins fréquents et les forgerons disparaissent petit à petit. Le même sort attend le «crotte-knocker», personne chargée de ramasser les excréments que les bêtes laissent derrière elles.

D’autres ajustements sont nécessaires. Il faut par exemple répondre à la demande en espaces de stationnement. C’est vrai pour la Dominion Textile qui fait l’acquisition de terrains à cette fin pour ses travailleurs. C’est surtout vrai sur la rue Principale. Des espaces sont utilisés depuis belle lurette le long des trottoirs de la grande artère commerciale magogoise. On y stationne les voitures en diagonale, puis, plus tard, l’une derrière l’autre. 

Cette offre s’avère toutefois insuffisante. Aussi, de nouvelles cases sont aménagées dans le parc des Braves, en plein cœur de la «Main». Puis, au début des années 1960, un autre stationnement est prévu un peu plus à l’est, entre les rues Laurier et Sainte-Catherine. Un règlement municipal de janvier 1963 prévoit un emprunt de 65 000 $ afin de faire l’acquisition d’un terrain appartenant à Mlle Émilie Hamel «pour l’agrandissement d’un stationnement près de la rue Principale». L’affaire ne passe pas comme du beurre dans la poêle à l’hôtel de ville où les débats sont houleux.    

Cette «Place du commerce» servira néanmoins à satisfaire celles et ceux qui font leurs courses ou reçoivent des services à proximité. Seulement sur la rue Laurier, on peut penser à l’épicerie Cunnigham & Goyette, à l’imprimeur Louis Faucher ou aux médecins du Magog Medical Group, John A. Bryant et Alan B. Scott. Près de l’entrée, sur Principale, on peut aussi penser, entre autres, au casse-croûte L’Étape et à l’optométriste J.-Nil Degré, tandis qu’au fond de la Place du commerce on retrouve le salon funéraire Brien & Monfette. Il sera doté d’une entrée sur le stationnement en 1967. 

Plusieurs autres commerces et services du secteur apparaîtront et disparaîtront au fil des ans, dont certains bordant les trottoirs de chaque côté. On entrepose également de la neige dans un coin moins fréquenté du stationnement, à son extrémité est, faisant la joie des enfants du coin qui s’y réunissent pour jouer au «roi de la montagne».  

À partir de 1965, le pôle d’attraction de la Place du commerce est le marché public. Après avoir connu ses heures de gloire dans la cour de l’hôtel de ville, il occupe l’étage inférieur d’un bâtiment spacieux ouvert à la fois sur le stationnement et sur la rue Laurier. L’achalandage accru provoqué par le marché entraîne au cours des années 1960 l’ouverture d’un passage donnant un accès direct à la Place du commerce par la rue Laurier. 

La fermeture du marché, en 1973, marque une nouvelle étape pour ce stationnement. Le bâtiment l’abritant changera de vocation à plusieurs reprises. Bien plus tard, il sera notamment le domicile d’un bar populaire, le Bronco Billy, qui a fermé ses portes depuis. Moins visible que le parc des Braves, discrète au point d’être même ignorée par bien des touristes, la Place du commerce continue néanmoins de contribuer à l’offre magogoise en stationnement, et ce, près de 60 ans après sa création.

Serge Gaudreau, Maurice Langlois

Pour Société d’histoire de Magog