Chronique: il y a 125 ans, Magog s’illuminait

La volonté du gouvernement de rendre l’Internet accessible à tous les foyers québécois a défrayé régulièrement les manchettes au cours des dernières années. Cette intention faisait écho à une demande pressante des régions, plus particulièrement des milieux ruraux où ce service était dans certains cas inadéquat, dans d’autres carrément inexistant.

Ce n’est pas la première fois que l’on peut observer un décalage semblable entre les zones urbaines et les régions plus isolées. Les plus âgés parmi nous se souviennent en effet du long délai qui a précédé l’implantation d’un réseau d’électricité fonctionnel dans les campagnes.     

À Magog, où l’on compte alors près de 4000 habitants, l’affaire est réglée dès le 19e siècle. C’est le jeudi 9 décembre 1897, il y a maintenant 125 ans, que se déroule la première illumination de la ville. Elle résulte du début des opérations au barrage situé à quelques kilomètres en aval de celui des usines de textile. À ne pas s’y tromper, il s’agit d’un moment historique, célébré dignement à l’hôtel de ville, situé alors dans le futur parc des Braves. À 22 heures, tout s’illumine. Un événement que, malheureusement, personne ne semble avoir capté en photographie.

LE DÉFI DE L’ÉLECTRIFICATION RURALE

Cela dit, le réseau connaît rapidement sa part de problèmes. Face à la demande grandissante, des questions d’approvisionnement forcent par exemple la Ville de Magog à entreprendre des démarches afin de construire un nouveau barrage, à peu près au même endroit que le premier, en 1911. C’est cette structure que l’on appellera bien plus tard la  » grande dame « . 

C’est tout de même mieux qu’à la campagne. Car cette avancée ne profite pas encore à tous. Dans une bonne partie du monde rural, il faut attendre plusieurs décennies avant de voir la « fée électricité » agiter sa baguette magique. À cet égard, comme nous le rappelle l’historienne Marie-Josée Dorion, le Québec traîne de la patte par rapport à son voisin ontarien. Ce qui incite des personnalités politiques, comme le Dr Philippe Hamel, à pousser le gouvernement à intervenir dans ce dossier, voire à considérer la nationalisation du réseau hydroélectrique.

Une fois terminés la crise des années 1930 et l’effort déployé pendant le conflit 1939-1945, qui mobilise toutes les ressources, la période de l’après-guerre est propice à une action d’envergure. Elle laissera des souvenirs durables. Plusieurs décennies plus tard, le regretté Lionel Gagné, qui avait grandi sur la terre familiale située sur le chemin des Pères, dans le canton de Magog, n’avait d’ailleurs pas oublié cette arrivée tant attendue de l’électricité. Il se souvenait clairement qu’après avoir été « brochée » à l’automne 1945, la maison des Gagné a finalement profité de ce service au printemps 1946.

Plusieurs autres campagnes québécoises seront électrifiées au cours de cette période. Au point où l’électrification rurale restera associée au gouvernement de l’Union nationale de Maurice Duplessis. Un facteur qui, avec d’autres, contribuera à assurer la popularité de cette formation dans les régions plus éloignées des grandes villes.

La situation dans des secteurs plus isolés demeure néanmoins difficile. Aussi, un autre pas de géant sera franchi avec la nationalisation de l’électricité, engagement défendu par le ministre René Lévesque et pris par le gouvernement libéral de Jean Lesage à l’approche des élections de 1962. Un de ses objectifs sera précisément d’offrir un meilleur service dans les régions, de façon à favoriser leur développement économique.