Une arrivée rêvée pour des Ukrainiens «magogois»

TÉMOIGNAGE. Il y a cinq mois, des Magogois avaient partagé leur histoire dans nos pages alors qu’ils s’apprêtaient à changer la vie d’une famille ukrainienne en lui ouvrant la porte à un nouveau départ, loin de la guerre. Si l’expérience est aujourd’hui si concluante, c’est en partie grâce à la résilience des nouveaux arrivants, mais également à la générosité de ceux qui les ont aidés. 

Kasandra Toulouse et Tristan Dionne se lançaient dans une aventure qui allait changer leur vie à l’automne dernier, en acceptant de prendre sous leurs ailes une famille de cinq Ukrainiens. Pour ce faire, ils avaient lancé une campagne de sociofinancement afin d’obtenir de l’aide de la communauté pour acheter tout le nécessaire à ces étrangers, qui s’apprêtaient à débarquer au Québec avec pratiquement rien.

Leur histoire avait suscité beaucoup de générosité avec une récolte de plus de 6000 $ en un temps record. «L’aide des gens a vraiment fait une énorme différence. La seule chose qu’Olga (mère ukrainienne) nous avait demandée, c’était d’avoir un matelas et des couvertures pour les trois enfants, raconte M. Dionne. Quand ils ont ouvert la porte de leur appartement qui était tout meublé et rempli de nourriture, ils sont devenus très émotifs et on peut les comprendre. Ils vivaient depuis cinq mois dans un camp de réfugiés où le père et la mère ne dormaient jamais en même temps parce qu’ils craignaient pour la sécurité de leurs enfants.»

Tristan Dionne a même utilisé une partie des fonds pour leur acheter une voiture grâce à un client de son garage mécanique, qui lui a fait un «très bon prix» pour la cause. 

Un étranger aux talents insoupçonnés

C’est d’ailleurs au sein de l’entreprise de Tristan (TD Mécanique) que Pavel (papa ukrainien) a commencé son premier emploi en sol québécois comme mécanicien, lui qui possédait son propre garage dans la ville portuaire d’Odessa avant que la guerre éclate.

Au-delà de la cause, c’est d’ailleurs dans l’espoir de trouver un employé de qualité que M. Dionne a embarqué dans ce projet. «Dans les dernières années, la pénurie de main-d’oeuvre nous a vraiment affectés. J’ai dû passer une quinzaine d’employés et chaque fois, ça ne fonctionnait pas. Je m’étais même fait à l’idée d’arrêter les recherches et de simplement accepter moins de «job». Mais quand j’ai vu que Pavel était mécanicien et que notre première rencontre par Zoom s’était bien passée, j’ai vraiment eu un bon «feeling»», se souvient le Magogois.

Sa première impression s’est vite confirmée. En plus d’être très travaillant, Pavel a apporté des connaissances que très peu de gens détiennent dans la région et même au Québec, selon Tristan Dionne, soit dans le domaine des clés de voiture. Le garage a même ouvert un nouveau département il y a quelques semaines et depuis, ce n’est pas le travail qui manque. «Comme beaucoup d’Ukrainiens, Pavel est vraiment surqualifié. En plus d’être une très bonne personne, il détient énormément de connaissances. En toute honnêteté, je dirais même qu’il est meilleur que moi!», lance en riant Tristan Dionne.

«La seule différence frappante entre lui et nous, c’est la vitesse à laquelle il travaille. Au Québec, on ne s’en rend pas compte, mais tout doit aller très vite. Quand les gens viennent pour un rendez-vous, ils sont déjà pressés de repartir. Les Ukrainiens ne sont pas habitués à cela. Pavel, à l’inverse, est une personne qui travaille méthodiquement en se disant que ça prendra le temps que ça prendra. Il n’avait pas ce sentiment d’urgence, mais il s’y habitue de plus en plus.»

L’expérience d’une vie

De son côté, Olga s’est trouvée un emploi dans le domaine de l’esthétisme où elle se plaît au quotidien. Quant à leurs enfants âgés de 4, 13 et 15 ans, ils se sont vite intégrés dans leurs écoles respectives. Pour leur père, ce nouveau chapitre n’aurait pas pu se dérouler d’une meilleure façon. «On a passé cinq mois en Allemagne sans être capable de recevoir de l’aide. Ici, on a obtenu tous nos papiers en seulement trois jours. On apprécie beaucoup que nos enfants aient commencé l’école rapidement. On a même accompagné notre garçon à une compétition de natation à Montréal, il y a quelques jours. On est content d’être ici», partage Pavel en utilisant une application de traduction.

Par ailleurs, l’adaptation s’est si bien passée qu’Olga a réussi à convaincre son frère, Illia, de venir s’installer à son tour à Magog. Ce dernier est arrivé il y a à peine quelques semaines après quelques années passées en Pologne.

On peut se douter que ces Ukrainiens auront une reconnaissance éternelle envers Tristan et sa conjointe, qui leur ont offert une deuxième chance. Mais le Magogois assure que ce sentiment est totalement partagé. «D’accueillir Pavel et sa famille, c’est assurément l’une des plus belles choses qui m’est arrivée dans la vie. J’ai gagné à la fois un ami et un travailleur qui a des tonnes de connaissances. Si c’était à refaire, je recommencerais les yeux fermés», conclut-il.