TRIBUNE LIBRE: Une locataire qui ne s’est pas laissé intimider

Madame Julie Fontaine, la propriétaire du commerce Les aubaines en folie de la rue Principale Est à Magog, doit sûrement respirer mieux depuis le 7 avril dernier. 

Comme le rapportait Le Reflet du Lac dans son édition imprimée du 20 avril et sur son site Internet le 21 avril, le juge Claude Dallaire de la Cour supérieure a, ce 7 avril 2022, émis une injonction interlocutoire lui permettant de demeurer dans les lieux qu’elle louait pour son commerce au rez-de-chaussée du 195-199, rue Principale Est.

Madame Fontaine exploite son commerce depuis une quinzaine d’années et elle avait renouvelé son bail pour 5 ans au mois de janvier 2020. Or au mois de mars 2021, l’édifice abritant son commerce a été vendu. 

Un mois plus tard, le nouveau propriétaire rencontre madame Fontaine pour l’informer qu’il a des projets pour le local qu’elle occupe, tout comme il projette de rénover l’ensemble des logements de son édifice.

Au départ, madame Fontaine ne s’inquiète pas tellement vu que son bail la protégeait jusqu’en 2025, qu’elle avait toujours entretenu de bonnes relations avec son ancien propriétaire et qu’elle n’avait jamais été en défaut de paiement de son loyer.

Toutefois, peu après le début de la rencontre du mois d’avril 2021, le nouveau propriétaire fait comprendre à madame Fontaine qu’il veut réduire du tiers la superficie de son local… tout en ne baissant pas le prix du loyer en conséquence. En contrepartie, il offre de procéder à des rénovations qui amélioreraient l’aspect de son commerce. À cela, madame Fontaine répond qu’elle a besoin de tout son espace et que, compte tenu des objets qu’elle vend et de sa clientèle, elle ne sent pas le besoin que son nouveau propriétaire dépense des milliers de dollars pour améliorer l’aspect de son commerce.

Pression et expulsion

Devant sa résistance, le propriétaire augmente la pression et prétend avoir tout à fait le droit de l’expulser. Frustré que madame Fontaine refuse de quitter les lieux, il va même jusqu’à faire installer des cadenas sur tous les accès du commerce afin d’empêcher madame Fontaine et ses clients d’y pénétrer.

Cette décision brutale amène madame Fontaine, désemparée, à retenir les services d’un avocat. Cet avocat présente à la Cour supérieure, dès la fin d’octobre 2021, une demande d’injonction permanente et provisoire pour protéger le bail de madame Fontaine ainsi qu’une requête en dommages et intérêts de 50 000 $.

Le 1er novembre 2021, en considérant tous les éléments soumis à la Cour et l’urgence d’une décision, le juge accorde une injonction provisoire permettant à madame Fontaine de reprendre sans délai et sans entraves son activité commerciale.

Le 8 avril dernier, le juge Claude Dallaire, à la suite d’une analyse plus approfondie de l’ensemble du dossier, a rendu permanente la demande d’injonction en faveur de madame Fontaine.

Cette décision implique que celle-ci peut garder son commerce dans les lieux loués selon les clauses du bail qu’elle a signé en janvier 2020, et ce, jusqu’au prononcé du jugement final – c’est-à-dire jusqu’au moment où un autre juge décidera si le propriétaire avait autre chose qu’une apparence de droit pour évincer madame Fontaine et s’il devra lui verser ou non des dommages et intérêts pour ses pertes de revenus, les atteintes à ses droits et ses honoraires extrajudiciaires.

Une triste histoire qui risque de se répéter

Cette triste histoire risque de se répéter pour d’autres locataires du quartier des Tisserands lorsque des investisseurs achètent des édifices multilogements et, flairant la bonne affaire, veulent les rénover pour les mettre au goût du jour et les relouer à des prix beaucoup plus élevés. 

L’exemple de madame Fontaine rappelle que les locataires ont des droits. Devant un propriétaire, nouveau ou ancien, qui prétendrait avec aplomb être dans son bon droit de les expulser, même avec un dédommagement, les locataires ont tout avantage à ne pas se laisser influencer par de belles paroles ou de belles promesses, à ne pas céder à ce qu’ils perçoivent comme de l’intimidation et à ne signer aucun papier avant d’avoir obtenu une opinion juridique éclairée.